Diabète type 2

Diabète de type 2 et acides gras ?

Dans ce nouvel article de blog, je vais essayer de mettre en lumière une mise en application récente mais toutefois prometteuse concernant l’amélioration de la sensibilité à l’insuline par un type d’acide gras spécifique dénommé FAHFA. Mais avant, il convient d’introduire certains principes et contextes concernant le diabète de type 2 afin de mieux appréhender l’article qui suit.

Selon l’OMS, en 2008 il y avait dans le monde près de 1,5 milliards de personnes en surpoids dont 500 millions de personnes obèses.

Parallèlement à cela, l’incidence du diabète a quadruplé depuis 1990 atteignant près de 422 millions en 2014 selon l’OMS et ce, en lien avec l’obésité et ses complications adjacentes.

Enfin, l’INSERM indique en 2016 que ces chiffres sont largement sous-estimés avec une estimation de près de 20 à 30% des adultes qui seraient non diagnostiqués dans le monde en raison du caractère insidieux et progressif de cette maladie.

Parmi les deux types de diabète, le diabète de type 2 touche près de 90% des personnes diabétiques représentant en France près de 3,5 millions de personnes en France.

Définition et conséquences du diabète de type 2

Cliniquement défini par une glycémie à jeun supérieure à 1,26 g.L-1 (7 mM) celui-ci résulte d’un arrêt de la production endogène d’insuline par le pancréas menant in fine à une glycémie haute et persistance.

Le diabète de type 2 intervient généralement aux alentours de 40 ans et est caractérisé par une résistance à l’insuline des tissus insulino-sensibles (muscles, foie, tissu adipeux).

Il peut entraîner de graves complications comme des difficultés à cicatriser, des rétinopathies, des néphropathies ou encore des neuropathies.

Relation obésité et diabète de type 2

Une relation très étroite a été montrée par Guilherme et ses collaborateurs entre les dérèglements métaboliques provoqués par l’obésité (dont nous discuterons plus loin) et l’émergence de l’insulino-résistance (Guilherme et al., 2008).

Egalement, il a été mis en avant que l’altération de la captation du glucose chez les patients diabétiques est étroitement liée à la résistance à l’insuline et plus particulièrement au niveau des muscles squelettiques (DeFronzo et al., 1985).

Cette localisation n’est pas anodine puisque les muscles squelettiques tiennent compte pour près de 90% de la captation totale du glucose dans le corps (Abdul-Ghani et DeFronzo., 2010).

Cette résistance à l’insuline entraîne une sécrétion d’insuline élevée par les cellules du pancréas (afin de compenser) qui de manière diachronique va diminuer puis s’arrêter (les cellules du pancréas vont s’épuiser et ne plus fonctionner) et entrainer de fait, le diabète de type 2 (Kahn et al., 1993).

Mais en quoi consiste précisément cette résistance à l’insuline ? Pour le comprendre il convient d’introduire la notion de voie de signalisation de l’insuline et notamment la principale, la voie de signalisation PI3K/Akt.

Comment l’insuline permet-elle l’entrée du glucose dans les muscles ?

Lorsque vous mangez un repas contenant généralement des glucides, le taux de sucre (glucose) dans le sang va augmenter. Pour y remédier, le pancréas va sécréter de l’insuline qui va permettre de faire rentrer le glucose dans les cellules des tissus insulino-sensibles (ici nous parlerons uniquement des muscles squelettiques). Cela est possible grâce à la voie de signalisation PI3K/Akt :

D’une manière très simple, l’insuline sécrétée va venir se poser sur son récepteur à la surface d’une cellule musculaire. En se posant sur celui-ci, le récepteur va comme ‘s’activer’ et envoyer un signal à l’intérieur de la cellule par l’intermédiaire de diverses protéines dont ‘IRS’, ‘PI3K’ puis ‘Akt‘.

Une fois le signal arrivé à la protéine Akt, celle-ci l’envoie vers une dernière protéine (appelée AS160) qui va permettre d’envoyer à la surface de la cellule ce qu’on nomme les GLUT4.

Les GLUT4 sont tout simplement des transporteurs du glucose. Quand ils sont dans la cellule ils sont inactifs, mais lorsqu’ils sont activés par la voie de signalisation, ils remontent à la surface de la cellule et permettent de faire entrer le glucose situé hors de la cellule dans celle-ci. Ainsi, les GLUT4 en faisant rentrer le glucose dans la cellule permettent de faire diminuer le taux de glucose dans le sang.

Un schéma ci-dessous pour illustrer cette voie de signalisation:

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Cependant, comme susmentionné, il arrive qu’il y ait comme une ‘résistance à l’insuline’ chez les personnes obèses pouvant mener in fine au diabète de type 2.

Mais comment cela se fait-il ?

Quelques principes d’insulino-résistance

Je vais tenter d’expliquer ici de manière très vulgarisée le fonctionnement de l’insulino-résistance au niveau musculaire afin de pouvoir appréhender les effets des FAHFAs sur celle-ci par la suite.

Pour commencer, l’obésité engendre généralement un excès d’acides gras libres dans le sang. Ces acides gras activent des récepteurs à la surface des cellules (les TLR4) qui induisent une réponse inflammatoire et la sécrétion de molécules dites pro-inflammatoires. Egalement, ces acides gras entraînent des dépôts de céramide / une inflammation à l’intérieur de la cellule qui vont engendrer un stress sur divers organites de celle-ci (e.g., Réticulum endoplasmique / Mitochondrie). Enfin, le tissu adipeux est un tissu qui sécrète énormément d’hormones et de molécules notamment une catégorie nommée les adipokynes. Celles-ci sont entre autre responsables d’une augmentation in fine de cette inflammation.

Quel est le lien entre le rôle de cette inflammation et l’insulino-résistance ?

Justement, l’inflammation et certaines molécules sécrétées vont venir induire un stress varié dans la cellule qui va aboutir à une mauvaise transduction du signal insulinique.

Dès lors, lorsque l’insuline vient se poser sur son récepteur, celui-ci ne va plus ‘s’activer’ correctement. Ainsi, le signal ne passera plus correctement par IRS, PI3K, Akt et par extension par AS160 empêchant alors la translocation des GLUT4 à la surface de la cellule.

Un schéma ci-dessous pour illustrer cette voie de signalisation:

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Par conséquent, outre les traitements médicamenteux classiques (Metformine, insulinothérapie) la recherche s’est questionnée quant aux solutions hygiéno-diététiques non médicamenteuses permettant de venir augmenter cette sensibilité à l’insuline et de diminuer cette inflammation.

C’est ici que prend tout notre intérêt pour une nouvelle classe de lipides endogènes bioactifs alliant propriétés anti-inflammatoires et anti-diabétiques : les FAHFAs (Yore et al., 2014 ; Balas, Feillet-Coudray et Durand, 2018)

Les FAHFAs

Les FAHFAs représentent une famille de lipides endogènes spécifiques comprenant une combinaison d’acide gras (FA) avec un acide gras dit hydroxylé (HFA).

La majeure partie des FAHFAs résulte d’une combinaison entre l’acide palmitique (PA), l’acide stéarique (SA), l’acide oléique (OA) ou l’acide palmitoléique (PO) et leur correspondant hydroxylé, donnant : PAHPA, OAHPA, PAHOA, OAHOA, PAHSA et OAHSA 

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Où se trouvent-ils

Les FAHFAs sont présents en petite quantité dans différents tissus comme le foie, le coeur, le tissus adipeux, le pancréas… mais leur voie de synthèse n’est pas encore établie (Yore et al., 2014).

Egalement, on retrouve les FAHFAs en petite quantité dans divers aliments comme l’avoine, la clémentine, la poire, le jaune d’oeuf… (Ma et al., 2015; Liberati-Čizmek et al., 2019; Pham et al., 2019).

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Quels sont leurs effets ?

Contrairement aux acides gras susmentionnés, les FAHFAs et notamment une catégorie d’entres eux, les PAHSA, (combinaison entre acide palmitoléique + acide hydroxylé stéarique)) a montré des effets (sur des souris) anti-inflammatoire et anti-diabétique importants.

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Yore et al., 2014

Les PAHSAs activent des protéines nommées GPR120 permettant d’une part de bloquer certains acides gras néfastes diminuant ainsi l’activation des TLR4 vues précédemment et par extension l’inflammation et d’autre part d’augmentation la translocation des GLUT4 (Oh et al., 2010 ; Yore et al., 2014).

Quid des autres FAHFAs ?

Récemment, la recherche s’est portée sur deux autres types de FAHFAs, le 9-PAHPA et le 9-OAHPA découvert comme fortement régulé dans un modèle murin d’obésité (Yore et al., 2014).

En effet, une équipe de recherche a mis en exergue que la prise sur le long terme du 9-PAHPA ou du 9-OAHPA permettait d’augmenter à la fois le métabolisme et la sensibilité à l’insuline de manière significative au niveau du foie chez des souris.

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Benlebna et al., 2020

Cependant, cette expérience a également mis en avant que l’effet très prononcé de ces deux FAHFAs a engendré une fibrose au niveau du foie.

Enfin, une nouvelle étude au niveau musculaire a permis de montrer une amélioration de la sensibilité à l’insuline par une meilleure activation de la voie signalitique PI3K/Akt et ce, sans effets néfastes sur le tissu musculaire (Benlebna, Balas, Bonafos, et al., 2020 ; Benlebna, Balas, Pessemesse, et al., 2020)

Conclusion

Les résultats préliminaires sur les FAHFAs nécessitent d’être poursuivis pour pouvoir prétendre à ouvrir de nouvelles perspectives de recherche concernant des solutions non-médicamenteuses pour le traitement de l’insulinorésistance et, a fortiori, du diabète de type 2 via une supplémentation alimentaire en FAHFAs. 

Cependant, ces résultats préliminaires questionnent quant à une éventuelle supplémentation chez l’humain. Egalement, sur l’effet des autres types de FAHFAs avec notamment l’arrivée des FAHFAs issus des oméga 3. Plus largement, sur les effets combinés de ces FAHFAs couplés à l’activité physique (favorisant également une amélioration de la sensibilité à l’insuline).

Si l’article vous a plu et que vous désirez aller plus loin, il y en aura un autre analogue mais avec beaucoup plus de précisions et de niveau technique d’ici quelques temps.

 
 
Axel Nierding

Axel NIERDING

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Références

  1. Abdul-Ghani, M. A. and DeFronzo, R. A. (2010) ‘Pathogenesis of Insulin Resistance in Skeletal Muscle’, Journal of Biomedicine and Biotechnology, 2010, pp. 1–19. doi: 10.1155/2010/476279 
  2. Balas, L., Feillet-Coudray, C. and Durand, T. (2018) ‘Branched Fatty Acyl Esters of Hydroxyl Fatty Acids (FAHFAs), Appealing Beneficial Endogenous Fat against Obesity and Type-2 Diabetes’, Chemistry – A European Journal, 24(38), pp. 9463–9476. doi: 10.1002/chem.201800853 
  3. Benlebna, M., Balas, L., Pessemesse, L., et al. (2020) ‘FAHFAs Regulate the Proliferation of C2C12 Myoblasts and Induce a Shift toward a More Oxidative Phenotype in Mouse Skeletal Muscle’, International Journal of Molecular Sciences, 21(23). doi: 10.3390/ijms21239046
  4. Benlebna, M., Balas, L., Bonafos, B., et al. (2020) ‘Long-term high intake of 9-PAHPA or 9-OAHPA increases basal metabolism and insulin sensitivity but disrupts liver homeostasis in healthy mice’, The Journal of Nutritional Biochemistry, 79, p. 108361. doi: 10.1016/j.jnutbio.2020.108361 
  5. DeFronzo, R. A. et al. (1985) ‘Effects of insulin on peripheral and splanchnic glucose metabolism in noninsulin-dependent (type II) diabetes mellitus.’, Journal of Clinical Investigation, 76(1), pp. 149–155. doi: 10.1172/JCI111938
  6. Guilherme, A. et al. (2008) ‘Adipocyte dysfunctions linking obesity to insulin resistance and type 2 diabetes’, Nature Reviews Molecular Cell Biology, 9(5), pp. 367–377. doi: 10.1038/nrm2391  
  7. Kahn, S. E. et al. (1993) ‘Quantification of the Relationship Between Insulin Sensitivity and -Cell Function in Human Subjects: Evidence for a Hyperbolic Function’, Diabetes, 42(11), pp. 1663–1672. doi: 10.2337/diab.42.11.1663 
  8. Liberati-Čizmek, A.-M. et al. (2019) ‘Analysis of Fatty Acid Esters of Hydroxyl Fatty Acid in Selected Plant Food’, Plant Foods for Human Nutrition, 74(2), pp. 235–240. doi: 10.1007/s11130-019-00728-8 
  9. Ma, Y. et al. (2015) ‘An in silico MS/MS library for automatic annotation of novel FAHFA lipids’, Journal of Cheminformatics, 7. doi: 10.1186/s13321-015-0104-4 
  10. Oh, D. Y. et al. (2010) ‘GPR120 is an Omega-3 Fatty Acid Receptor Mediating Potent Anti-Inflammatory and Insulin Sensitizing Effects’, Cell, 142(5), pp. 687–698. doi: 10.1016/j.cell.2010.07.041
  11. Pham, T. et al. (2019) ‘Moose and Caribou as Novel Sources of Functional Lipids: Fatty Acid Esters of Hydroxy Fatty Acids, Diglycerides and Monoacetyldiglycerides’, Molecules, 24(2), p. 232. doi: 10.3390/molecules24020232 
  12. Yore, M. M. et al. (2014) ‘Discovery of a class of endogenous mammalian lipids with anti-diabetic and anti-inflammatory effects’, Cell, 159(2), pp. 318–332. doi: 10.1016/j.cell.2014.09.035

 

2 réflexions sur “Diabète de type 2 et acides gras ?”

  1. Le Floch Baptiste

    Génial merci pour cet article, il est bien rédigé ce qui le rend facile à comprendre ! Vraiment top

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