Ours brun conquête

L’ours brun et la conquête spatiale

Pour une introduction à la notion de biomimétisme voir mon article : Biomimétisme où l’art d’imiter le vivant et d’en tirer parti

Introduction

La curiosité de l’Homme pour le voyage dans l’espace a toujours été grande. Or, les contraintes gravitationnelles et l’environnement mortel de celui-ci n’ont pu permettre l’émergence d’une mise en orbite autour de la Terre pour la première fois qu’à partir du XXème siècle.

Plus tard et dans le contexte de la Guerre Froide opposant les États-Unis et l’URSS, la conquête spatiale a connu un véritable bond en avant avec le développement de satellites et de missions spatiales telle qu’Apollo-11, ayant permis à trois astronautes en 1969 de poser le pied sur la Lune.

Cette émergence des programmes spatiaux a par la suite permis à divers pays de se positionner dans l’enjeu qu’importent l’espace et sa conquête.

Récemment, avec l’essor de plus en plus grand des sociétés privées pour la conquête spatiale à grande échelle, les questions face aux problématiques rencontrées dans les vols spatiaux ont été de mise.

Bien que les astronautes à bord de l’ISS allouent pratiquement deux heures et demi par jour à l’activité physique, cette dernière ne suffit pas à contrecarrer l’effet d’une absence de gravité qui induit des effets métaboliques complexes sur le corps (Th. Anthony Damiot, 2018).

L’un des principaux problèmes pour les humains dans l’espace est qu’en l’absence de gravité, une perte musculaire très rapide apparaît avec des conséquences subséquentes. Sur Terre, celle-ci survient également très rapidement au bout de quelques jours lors d’un alitement prolongé (Wall et al., 2016).

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Photo par SpaceX sur Unsplash

Conséquences du déconditionnement musculaire

Cette perte musculaire entraînant un déconditionnement est inquiétante puisqu’elle est un prédicteur avéré de mortalité en raison de maladies telles que le cancer, les maladies cardiovasculaires et l’insuffisance rénale, ainsi que dans les comportements de sédentarité et d’inactivité physique.

De plus, il apparaît que ce déconditionnement à la suite d’une réduction d’activité engendre des désordres de la fonction musculaire avec notamment une altération et une diminution de la synthèse protéique, de la force et de la régénération musculaire (Atherton et al., 2016 ; Demangel et al., 2017).

En effet, il est observé un remodelage musculaire important avec notamment la co-expression de fibres musculaire, un shift myotypologique vers des fibres de type 2 néonatales davantage fatigables engendrant de facto une modification des caractères contractiles et métaboliques du muscle squelettique ainsi qu’une perte importante du profil postural (Baldwin et al., 2013 ; Sandona et al., 2012).

Par ailleurs, il est rencontrée une accumulation d’infiltration graisseuse entre les fibres musculaires (IMAT) subséquemment à ce déconditionnement, pouvant influencer négativement la perte de force et la régénération musculaire, qui est en lien avec diverses maladies comme l’obésité, le diabète de type 2 et l’insulino-résistance (Goodpaster et al., 1997 ; Goodpaster et al., 1999 ; Goodpaster et al., 2000 ; Pagano et al., 2016 ; Brioche et al., 2016).

Enfin, certaines enzymes et notamment la E3 ligase MuRF1/Trim63, jouent un rôle majeur dans l’atrophie musculaire en ciblant les protéines du tissu musculaire squelettique, à savoir les chaînes lourdes et légères de Myosine, l’actine et la titine (Peris et al., 2021 ; Cohen et al., 2009 ; Polge et al., 2011).

Cette enzyme participe à un système protéolytique important appelé ubiquitin proteasome system (UPS), et voit son expression augmentée dans des situations cataboliques comme une immobilisation ou en absence de gravité.

Mécanismes de la protéolyse dans l’atrophie musculaire

La dégradation des protéines dans le muscle squelettique est régie en majorité par deux systèmes protéolytiques : l’autophagie et le système ubiquitine protéasome (UPS) (Paul et Kumar, 2011)

L’autophagie

L’autophagie, ou littéralement « se manger soi-même », joue un rôle dans la survie cellulaire et permet le maintien de l’homéostasie cellulaire en ciblant des protéines et/ou organelles non fonctionnelles en vue d’une dégradation ultérieure via  la voie lysosomale (voir figure 1).

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Figure 1 : Un modèle d’autophagie – Molecular biology of the cell, 2015, p.72

Les lysosomes sont des organites cellulaires contenant une quarantaine de types différents d’hydrolases acides (e.g., proteases, nucleases, glycosidases, lipases, phosphatases, …) et qui permettent de digérer les protéines ou organelles non fonctionnelles (voir figure 2).

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Figure 2 : Lysosome – Molecular biology of the cell, 2015, p.723

L’UPS étant la voie principale de dégradation des protéines intracellulaires chez les eucaryotes, nous n’aborderons pas ici les trois types d’autophagie par souci de clarté.

Le système ubiquitine protéasome

D’une manière simplifiée, le système ubiquitine protéasome (UPS) permet la dégradation des protéines en deux étapes : (i) un marquage de la protéine à dégrader puis (ii) sa dégradation par le protéasome 26S (Attaix et al., 2001)

Ce « marquage » s’effectue par la fixation d’une chaîne de poly-ubiquitine sur la protéine via plusieurs réactions enzymatiques (Voir figure 3).

Premièrement, l’enzyme E1 (ubiquitin activating enzyme) permet d’activer l’ubiquitine, de la lier puis de transférer celle-ci sur l’enzyme E2 (ubiquitin conjugating enzyme) (Figure 3 A). La fixation de l’ubiquitine sur la protéine se fait via l’E2 ou en présence de l’enzyme E3 (ubiquitin protein ligase). Enfin, la protéine marquée par l’ubiquitine se voit ajouter d’autres ubiquitines afin de former une chaîne de poly-ubiquitine (Figure 3 B).

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Figure 3 : Marquage des protéines par l’ubiquitine – Molecular biology of the cell, 2015, p.159

Les protéines fixées par 4 molécules d’ubiquitine sur la Lysine en position 48 peuvent être reconnues puis dégradées par le protéasome 26S (Attaix et al., 2003)

Le protéasome 26S (voir figure 4) est un complexe comprenant un cylindre central (appelé le core du protéasome 20S), formé par plusieurs sub-unités de protéines assemblées en 4 anneaux heptaédriques dont le site actif est en rouge sur la figure (Figure 4 A).

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Figure 4 : Représentation du protéasome (cristallographie à rayon X) – Molecular biology of the cell, 2015, p.358

De part et d’autre du cylindre se trouve un complexe régulateur 19S (Figure 4 B) permettant de reconnaitre les protéines marquées par l’ubiquitine, de retirer la chaine poly-ubiquitine de celles-ci, de les dénaturer puis d’activer les sites catalytiques du protéasome (20S) pour leur dégradation (Figure 5 A).

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Figure 5 : Dégradation de la protéine marquée d’une chaine de poly-ubiquitine par le protéasome – Molecular biology of the cell, 2015, p.358

Enfin, lors d’une phase d’atrophie musculaire, l’expression des gènes impliqués dans les systèmes de protéolyses (i.e., autophagie et UPS) se voient réguler à la hausse via des voies de signalisations, conservées chez les mammifères, incluant notamment le transforming growth factor-Beta (TGF-b) et les Bone Morphogenic Proteins (BMP) (Peris et al., 2021) .

Actions des voies de signalisation du TGF-b et du BMP

Le TGF-b et le BMP appartiennent tous deux à la superfamille de cytokine : Transforming Growth Factor (TGF). Celle-ci est divisée en deux sous-familles ayant des effets antagonistes au niveau de la masse musculaire. Ces dernières sont très bien documentées dans l’article récent de Peris et ses collaborateurs (Peris et al., 2021) .

La première sous-famille comprenant myostatine, activine et TGF-b est impliquée dans la régulation négative de la masse musculaire (Weiss et al., 2013).

En effet, ces protéines activent les SMADs 2 et 3 qui ont des actions pro-cataboliques.

De plus, la myostatine va à la fois augmenter l’expression des protéines telles que Mafbx / Atrogin-1, mais également certains gènes impliqués dans la dégradation de facteurs anaboliques tout en inhibant la voie de signalisation AKT/mTORC1, impliquée dans l’anabolisme (Qin et al., 2009 ; Amirouche et al., 2009).

Également, la voie de signalisation du TGF-b régule à la hausse l’expression de MuRF1/Trim63 à travers FOXO3a et SMAD3 qui comme susmentionné, est impliquée dans des processus cataboliques et d’atrophie musculaire via l’UPS en plus d’accroitre la production de radicaux libres (ROS) (Bollinger et al., 2014 ; Abrigo et al., 2016).

Par ailleurs, dans la thèse d’Alan Pagano (2016), il est mis en exergue que le TGF-b1 induit un développement d’IMAT dans le muscle squelettique en entraînant la différenciation des FAPs dans une lignée adipogénique, amplifiant ainsi le déconditionnement musculaire (Th. Alan Pagano, 2016).

Enfin, le TGF-b tient aussi un rôle clef dans la fibrose pouvant contraindre les mouvements mécaniques des muscles et entrainer des blessures (Walton et al., 2017).

La seconde sous-famille comprenant les Bone Morphogenic Proteins (BMP) et les Growth and Differentiation Factors (GDF) est quant à elle impliquée dans la régulation positive de la masse musculaire (Weiss et al., 2013)

En effet, le BMP régule à la hausse l’hypertrophie en modulant de façon positive mTORC1, impliqué dans la synthèse protéique, tout en diminuant l’expression de différentes E3 ligases telles que MuRF1/Trim63, MAFbx/Atrogin-1 et MUSA1/Fbox30, impliquées dans les processus cataboliques (Sartori et al., 2013 ; Sartori et al., 2014 ; Winbanks et al., 2013 ; Saxton et al., 2017).

Dès lors, la balance entre l’expression du TGF-b et le BMP joue un rôle important dans le maintien ou la dégradation de la masse musculaire. Par conséquent, en période d’immobilisation ou en absence de gravité, la voie de signalisation du TGF-b est amplifiée par rapport à celle du BMP, promouvant alors l’atrophie musculaire.

Toutefois, si les connaissances en matière de déconditionnement musculaire et des mécanismes associés sont bien documentées, aucun traitement n’a été trouvé à ce jour afin de contrer le déconditionnement musculaire opérant pendant une période d’alitement prolongé ou en absence de gravité dans l’espace.

Face à ce constat et cette problématique, une fois encore (voir article : Biomimétisme où l’art d’imiter le vivant et d’en tirer parti), la nature regorge de réponses avec notamment des animaux capables de résister à cette perte musculaire et ce, pendant une très longue période d’inactivité physique et de restriction alimentaire.

L’ours brun hibernant, une solution contre le déconditionnement musculaire ?

C’est ici que se porte notre intérêt pour l’ours brun hibernant (Ursus arctos).

En effet, lors de l’arrivée de l’hiver et avec la raréfaction de la nourriture, celui-ci hiberne durant 5 à 7 mois dans une tanière ou un endroit calme.

Dès lors, il va opérer des modifications physiologiques et comportementales comme abaisser son métabolisme de 75%, diminuer son activité physique, son rythme cardiaque et respiratoire ainsi que sa température corporelle dans une moindre mesure (i.e., 2 à 5°C) (Carey et al., 2003 ; Geiser, 2013 ; Evans et al., 2016 ; Toien et al., 2011).

Ceci lui permet d’économiser au maximum son énergie et ses ressources afin de tenir tout l’hiver sans boire, manger ou faire ses besoins (Folk et al., 1980 ; Manchi et al., 2005).

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Photo par Thomas Lefebvre sur Unsplash

En plus du fait d’être protégé contre la dyslipidémie athérogène, il est un véritable modèle de résistance à l’atrophie musculaire (Giroud et al., 2021).

S’il est possible de le retrouver à la fin de son hibernation moins gras, il conserve toutefois sa masse musculaire ainsi que sa force et ce malgré une longue période d’inactivité et de restriction calorique (Harlow et al., 2001 ; Tinker et al., 1998).

Par conséquent, les chercheurs se sont intéressés à cette espèce afin de mieux comprendre les mécanismes sous-jacents opérant dans cette conservation de la masse musculaire durant l’hibernation, propice au déconditionnement.

Mécanismes de l’ours contre l’atrophie musculaire durant l’hibernation

Plusieurs hypothèses ont été mises en avant concernant cette protection de l’atrophie musculaire, notamment la découverte d’un microARN myogénique capable de promouvoir la régénération musculaire et de supprimer l’expression d’E3 à l’occasion de biopsies musculaires d’ours hibernants. (Luu et al., 2019)

Enfin, il a été observé que lors de l’hibernation, l’ours avait un niveau limité de stress oxydant pouvant contribuer à une réduction des processus cataboliques et que celui-ci maintenait sa glycolyse tout en diminuant le turn-over de l’ATP (Chazarin et al., 2019).

Modulation des voies de signalisation du TGF-b et du BMP

Récemment, l’étude de Cussonneau et ses collaborateurs (2021) a mis en évidence via la comparaison du transcriptome entre l’ours et un modèle d’atrophie musculaire chez le rongeur, que l’ours effectuait un shift des voies de signalisation concernant le TGF-b et le BMP lors de son hibernation (Cussonneau et al., 2021).

D’une manière globale, cette étude permet d’apprécier le shift très marqué au niveau du transcriptome musculaire (13531 gènes) de l’ours entre l’été et l’hiver (figure 6).

TgF
Figure 6 : Shift concernant le transcriptome musculaire (13531 gènes) de l’ours brun (n=6 ours/saisons) durant l’hibernation, rouge = haute / vert = basse expression – Tiré et modifié de l’étude de Cussonneau et al., 2021

Plus précisément, celle-ci met en évidence qu’au-delà de l’hypométabolisme de l’ours, des mécanismes comme un shift des voies de signalisation du TGF-b et du BMP permet potentiellement à celui-ci de conserver sa masse musculaire durant l’hibernation.

En effet, durant cette période, celui-ci inhibe sa voie de signalisation du TGF-b dite pro-catabolique et maintient celle du BMP dite pro-anabolique.

Comme susmentionné, les voies de signalisation du TGF-b et du BMP jouent un rôle important dans le maintien ou la dégradation musculaire. Celles-ci sont d’ailleurs régulées par différentes enzymes promouvant l’UPS telles que des E3 ubiquitine ligases (E3s) ou encore la deubiquitinating (DUB).

En cela, l’étude de Cussonneau et de ses collaborateurs a pu mettre en évidence que durant l’hibernation, l’ours régulait positivement certains inhibiteurs du TGF-b (e.g., CUL1, NEDD4L, TRIM33) et activateurs du BMP (e.g., TRIM33). La figure ci-dessous (figure 7) permet d’avoir une vision d’ensemble des composants de l’UPS impliqués dans la régulation du TGF-b et du BMP avec notamment la différence d’expression durant l’hibernation concernant les E3s et les DUBs dans le muscle. Rouge = haute / Vert = basse régulation

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Figure 7 : Transcriptomique des composants de l’UPS impliqués dans la régulation du TGF-b et du BMP dans le muscle de l’ours brun durant l’hibernation.
 

Dès lors, ces voies de signalisation doivent être prises en considération pour des futures études concernant des actions pharmacologiques chez les humains afin de lutter contre le déconditionnement.

A ce titre, plusieurs recherches autours de thérapies visant à inhiber le TGF-b sont déjà à l’œuvre actuellement (Abrigo et al., 2018). 

Enfin, une récente étude a mis en évidence que l’inhibition des systèmes protéolytiques (i.e., autophagie et UPS) dans le sérum d’ours a permis d’augmenter de manière significative le contenu en protéines des cellules musculaires humaines lors d’une exposition de ces cellules au sérum (Chanon et al., 2018).

Modulation du système endocannabinoïde et de la concentration des lipides circulants

Outre le shift des voies signalétiques du TGF-b et du BMP, l’ours mobilise davantage ses réserves de graisses et certains types d’acides gras au détriment d’autres durant son hibernation, entrainant des effets propres dans son organisme (figure 8) (Boyer et al., 2020).

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Figure 8 : (A) Concentration totale des acides gras dans le sérum d’ours entre SBS (été) et WBS (hiver) ; (B) Proportion relative d’acide gras n-3 et n-6 entre SBS (été) et WBS (hiver) – Tiré et modifié de Boyer et al., 2020.

En effet, la proportion de ses lipides circulant change avec notamment une augmentation des concentrations en acide docosahexaénoïque (DHA) et une diminution des acides eicosapentaénoïque (EPA), alpha-linolénique (ALA) et arachidonique (AA) (Hissa et al., 1998 ; Giroud et al., 2019 ; Chazarin et al., 2019 ; Boyer et al., 2020).

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Figure 9 : Proportion relative de différents acides gras dans le sérum d’ours SBS (été) vs WBS (hiver) – Tiré et modifié de Boyer et al., 2020.

Le DHA, l’EPA et l’ALA font partie de la famille des Oméga 3 tandis que l’AA fait partie de la famille des Oméga 6. Dès lors, ce changement de concentration des différents lipides et notamment du DHA sur l’AA favorise un bon ratio Oméga3/Oméga6, bénéfique sur la santé (Simopoulos, 2002).

DHAAA
Figure 10 : Ratio DHA/AA de sérum d’ours brun SBS (été) vs WBS (été) – Tiré et modifié de Boyer et al., 2020

Au sujet du DHA, la littérature scientifique met en avant un rôle protecteur concernant l’atrophie musculaire en diminuant d’une part l’expression de facteurs responsables d’un catabolisme protéique et d’autre part en améliorant la synthèse protéique via l’activation de mTOR, impliqué dans l’anabolisme (McGlory et al., 2019 ; Wei et al., 2013).

Également, les acides gras de type Oméga 3 (e.g., DHA, EPA) permettent d’activer les G Protein-coupled receptor 120 (GPR120), responsables à la fois d’une amélioration de la sensibilité à l’insuline par une translocation accrue des transporteurs du glucose (GLUT4) mais également d’une diminution de l’inflammation via le blocage des lipopolysaccharides (LPS) et la réduction des cytokines inflammatoires (e.g., IL-1B, IL-6) (Oh et al., 2011 ; Endres et al., 1989 ; Khalfoun et al., 1997).

Enfin, de part cette modulation des acides gras circulant il apparaît que durant son hibernation l’ours brun effectuait un shift de son système endocannabinoïde ainsi que l’expression signalétique du CB1 et du CB2 au niveau du tissu musculaire squelettique et adipeux (Boyer et al., 2020).

A ce égard, le système endocannabinoïde, composé des récepteurs CB1 et CB2, est impliqué dans la régulation de certains processus physiologiques tels que le métabolisme, la faim, le stockage d’énergie, les cycles du sommeil ainsi que le rythme circadien (Wilson et al., 2002 ; Piazza et al., 2017 ; Silvestri et al., 2013 ; Matias et al., 2006 ; Prospéro-Garcia et al., 2016 ; Vaughn et al., 2010).

Par conséquent, ces changements dans la concentration des lipides circulant ainsi que le shift du système endocannabinoïde constitueraient une aide afin de lutter contre l’atrophie musculaire en permettant un meilleur captage du glucose dans les muscles squelettiques, une diminution de l’inflammation dans le tissu adipeux ainsi qu’un effet « anti-catabolique » via cette élévation de la concentration en DHA.

Conclusion et perspectives

Ces dernières années, les études menées sur l’ours brun hibernant et les découvertes subséquentes ont permis une grande avancée dans la connaissance des mécanismes impliqués dans cette résistance à l’atrophie.

Dès lors, il est possible d’envisager dans un futur à moyen terme, le développement pharmacologique de thérapies capables d’induire chez les astronautes et les personnes immobilisées une condition physiologique proche de celle de l’ours brun hibernant.

Cela permettrait de préserver la masse musculaire et d’éviter les effets néfastes liés au déconditionnement.

Partant, en rejoignant les perspectives mentionnées par Blandine Chazarin (2018) à la fin de sa thèse, la supplémentation en acides gras oméga 3 (DHA), la prise d’antioxydants ainsi qu’un environnement frais pourraient permettre de limiter cette perte musculaire dans une moindre mesure.

Enfin, trouver un moyen d’inhiber la voie de signalisation du TGF-b tout en maintenant celle du BMP à l’instar de l’ours chez l’humain pourrait également permettre de limiter cette perte musculaire.

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Tirées et modifiées de Francesco De Tommaso et SpaceX d’Unsplash
Axel Nierding

Axel NIERDING

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17 réflexions sur “L’ours brun et la conquête spatiale”

    1. Quel article complet et surtout précis rempli d’une multitude de bonnes références bibliographiques !

  1. Comme à ton habitude que des articles de qualités ! On sait en commençant à les lire que cela va être intéressant

  2. Merci beaucoup pour cet article qui est précis , bien rédigé et expliqué , super intéressant .

  3. Excellent article qui aborde un sujet très intéressant, d’autant plus que tu rends ça facile et plaisant à lire !

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