Quelle est la meilleure forme de créatine

Qu’elle est la meilleure forme de créatine ?

Cet article fait suite à celui concernant l’effet de la créatine sur la performance sportive et traitera de la biodisponibilité des suppléments en créatine vendus sur le marché.

Comme mentionné dans mon précédent article, une supplémentation en créatine permet, entre autres, d’avoir un stock d’ATP supérieur pour les exercices de très haute intensité, d’améliorer le transfert énergétique dans les cellules musculaires, de mieux résister à la chaleur lors de l’effort, d’avoir une capacité tampon supérieure ou encore de récupérer plus rapidement entre les séries.  (1-5)

La dose adéquate d’une supplémentation en créatine monohydrate (la plus utilisée dans le monde) est comprise entre 3 à 10 gr par jour.

Après plusieurs années de recherche quant à la meilleure stratégie à adopter pour améliorer l’absorption de la créatine monohydrate (e.g., prise avec du glucose, de l’insuline, etc. (6-8)), des efforts ont été réalisés pour en améliorer directement l’absorption qui est, comme nous le verrons, loin d’être complète.

Ainsi, cet article introduira les mécanismes de l’absorption intestinale, de l’absorption de la créatine par l’intestin, mettra en avant les études autour de la biodisponibilité de différentes formes de créatine puis tranchera sur la question commune des consommateurs de créatine, à savoir « qu’elle est la meilleure forme de créatine ? ».

Les différentes voies d’absorption de l’intestin

Lorsque l’on parle d’absorption intestinale, il est nécessaire de rappeler brièvement les différentes étapes par lesquelles traverse la nourriture une fois passée notre bouche.

Une fois avalée, la nourriture arrive dans l’estomac qui va sécréter des enzymes permettant de « casser » celle-ci en molécules plus facilement absorbables telles que le glucose, les acides aminés, les di et tripeptides.

La fonction digestive de l’estomac est de solubiliser les nutriments pour qu’ils soient absorbés facilement par le petit intestin.

Le petit intestin est divisé en 3 parties, le duodénum, le jéjunum et l’iléon, et comporte une très grande surface permettant d’absorber les nutriments selon différentes voies.

L’absorption dans l’intestin se fait selon 3 voies différentes que sont la diffusion transcellulaire, la diffusion paracellulaire et le transport transcellulaire.  

La diffusion transcellulaire

Brièvement, la diffusion transcellulaire est un processus passif basé sur le gradient de concentration du soluté d’intérêt à l’intérieur de l’intestin et celui de la perméabilité de la membrane lipidique des cellules épithéliales (9).

Pour que cette diffusion transcellulaire soit optimale, les solutés d’intérêts doivent avoir un poids moléculaire inférieur à 300 Da, une lipophilicité (affinité avec les lipides) comprise entre 1 et 3, comprendre peu de forme non-ionisée et moins de 5 hydrogènes accepteurs (10).

Représentation schématique de la diffusion transcellulaire
Représentation schématique de la diffusion transcellulaire

La diffusion paracellulaire

Quant à la diffusion paracellulaire, elle est également dépendante d’un gradient de concentration qui ne se déroule pas à travers les cellules épithéliales mais dans les jonctions situées entre les cellules épithéliales (11).

Représentation schématique de la diffusion paracellulaire
Représentation schématique de la diffusion paracellulaire

Le transport transcellulaire

Enfin, le transport transcellulaire requiert des membranes/transporteurs spécifiques permettant de mouvoir le soluté de part et d’autre de la cellule. Ce transport requiert des ions sodium et hydrogène (12,13) ainsi que de l’ATP comme source d’énergie (14).

transport transcellulaire
Représentation schématique du transport cellulaire

Absorption de la créatine dans l’intestin

Chimiquement, la créatine est un zwitterion (molécule neutre) avec une guanidine chargée positivement et un groupe carboxylique chargé négativement.

image 1
Représentation typologique de la créatine

Comme la créatine est initialement une molécule chargée, elle rencontre des difficultés à passer à travers la membrane plasmique des cellules épithéliales.

En effet, le niveau de lipophilicité de la créatine monohydrate est de -1 et seuls les niveaux compris entre 1 et 3 peuvent être absorbés aisément via la diffusion transcellulaire.

Un autre moyen d’être absorbé pour la créatine est de passer par ses propres transporteurs (CreaT). Essentiellement répandus dans les muscles, ils le sont en plus faible quantité dans l’intestin.

Cependant, ces transporteurs ne sont pas disponibles en grand nombre mais, surtout, ils sont majoritairement situés de l’autre côté de la lame basale, suggérant un transport directionnel avantageux uniquement du sang vers les cellules épithéliales et non l’inverse (15,16,17).

Une autre considération d’absorption pour la créatine se trouve autour de la cinétique des CreaT. Ces derniers peuvent être saturés facilement avec une dose de créatine comprise entre 5 à 10 gr d’un coup.

Dès lors, cela peut expliquer qu’une prise de créatine en petite quantité (1-2 gr) mais répétée au cours de la journée puisse être plus bénéfique pour l’absorption (18).

Par conséquent, le transport transcellulaire est limité concernant l’absorption de la créatine.

Concernant la diffusion paracellulaire, des études ont mis en avant sa capacité à absorber la créatine plus efficacement que les deux autres voies susmentionnées.

En effet, la créatine a un poids moléculaire de 250 Da et est initialement chargée positivement (au début de son transport dans l’intestin) rendant la voie de la diffusion paracellulaire plus aisée.

Cependant, les études basées sur des lignées cellulaires de type Caco-2 ont mis en évidence que la biodisponibilité orale de la créatine via la voie de diffusion paracellulaire oscille entre 20 et 50% (19).

Biodisponibilité orale de la créatine chez l’homme

La biodisponibilité orale peut être définie comme a quantité d’un agent administré par voie orale en rapport de cette quantité qui se retrouve dans la circulation sanguine après absorption intestinale.

Pour la calculer, on utilise générale la méthode de « l’aire sous la courbe » en comparant le taux basal avec l’élévation plasmatique dans le temps de l’agent administré.

Malgré les nombreuses évidences concernant les effets d’une supplémentation en créatine monohydrate pour les performances, peu d’articles scientifiques traitent de la question de sa biodisponibilité orale.

Dans ces articles (17,19,20,21), il apparaît que la créatine monohydrate a une absorption incomplète dans l’intestin et dans le meilleur des cas sa biodisponibilité est évaluée à 50% (22,23).

D’ailleurs, en faisant correspondre les dosages donnés à des rats avec ceux donnés aux humains, la biodisponibilité fluctue selon la dose avec une biodisponibilité optimale pour 1 gr par prise (48%) et une biodisponibilité réduite pour 3 gr par prise (15%) (22,23).

Fait intéressant, dans ces articles les chercheurs s’intéressent également à la biodisponibilité de la créatine selon le milieu dans lequel elle est prise. En cela, ils mettent en évidence une amélioration de son absorption lorsqu’elle est solubilisée complétement dans l’eau (22,23).

Partant, la créatine monohydrate ayant une solubilité aqueuse de 17 mg/mL et prise à des doses standards entre 5 et 10 gr, elle doit se trouver dans 400 à 800 mL d’eau pour être complétement solubilisée  (22,23). Cependant, même dans les cas où la créatine est pleinement solubilisée, la dose de liquide est telle que cela peut mal interférer avec le contenu déjà présent dans l’intestin et par extension, réduire son absorption (24).

Forme alternatives de créatine

Étant donné la faible biodisponibilité de la créatine monohydrate, les chercheurs et les industriels se sont penchés sur la question d’une forme optimale de créatine.

Dès lors, ils ont comparé des formes de créatine plus solubles et plus perméables pour les cellules telles que la créatine pyruvate (CPyr), la créatine citrate (CCit) et la créatine hydrochloride (CHCl) avec la créatine monohydrate (CM) (25,26).

image 2
Comparaison de la solubilité aqueuse et de la biodisponibilité de plusieurs formes de créatine (23,24-58,59). Créatine monohydrate (CM), créatine citrate (CCit), créatine pyruvate (CPyr) et créatine hydrochloride (CHCl)

Dans cette étude, les sujets ont reçu une dose de 5gr de créatine dans une solution aqueuse puis les niveaux plasmatiques de créatine ont été mesurés au fil du temps jusqu’au pic.

Les résultats (ci-dessus) mettent évidence que plus la forme de créatine a une solubilité aqueuse élevée, plus sa biodisponibilité relative est élevée.

Cependant, les chercheurs se sont accordés sur le fait que la créatine citrate et la créatine pyruvate ne pouvaient être considérées comme bioéquivalentes à la créatine monohydrate et les ont par conséquent écartées de l’étude (27-60).

Concernant la créatine hydrochloride, le gain de la biodisponibilité relative est de 65% en comparaison à la créatine monohydrate.

Une autre étude réalisée en chassé-croisé a permis de confirmer cette augmentation de l’absorption orale de la créatine hydrochloride de 60% par rapport à la créatine monohydrate (26)

Ainsi, ces études ont mis en avant qu’il était possible de développer une forme de créatine avec une biodisponibilité plus grande.

Les nouvelles formes de créatine

Face aux résultats susmentionnés, les chercheurs se sont penchés sur des formes estérifiées de créatine.

En effet, en plus des avantages de la solubilité, les formes estérifiées améliorent la perméabilité à travers les membranes cellulaires. Ces effets sur la lipophilicité ont d’ailleurs été observés sur la lignée cellulaire des Caco-2 avec 3 créatines estérifiés telles que la créatine éthyle ester (CEE), la créatine benzyle ester (CBE) ainsi que la créatine t-butyle ester (CtB) (voir figure ci-dessous) (21).

image 3
Perméabilité de plusieurs créatines dans le modèle cellulaire d’absorption orale Caco-2. Créatine monohydrate (CM), créatine éthyle ester (CEE), créatine benzyle ester (CBE), créatine t-butyle ester (CtB). Les valeurs sont représentées selon moyenne + erreur standard à la moyenne.

A ce propos, des études ont démontré une amélioration de la perméabilité intestinale avec ces différentes formes de créatine ainsi qu’une amélioration de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique avec la créatine t-butyle ester (27).

Concernant les effets des formes estérifiées sur les performances, une étude basée sur 48 jours de supplémentation quotidienne (300 mg/kg) a souligné que la créatine éthyle ester avait des résultats similaires voire supérieurs à la créatine monohydrate (voir figure ci-dessous) (28).

image 4
Comparaison des changements dans le pic de puissance (A), la puissance moyenne (B) et la créatine musculaire (C) observés durant plusieurs jours de supplémentation avec : placebo, créatine monohydrate (CM) et de la créatine éthyle ester (CEE). Les valeurs représentent ici les changement à partir des mesures en début de protocole avant la supplémentation (28).

Ces résultats peuvent être expliqués par le fait que la créatine éthyle ester est très stable à des pH bas et peut rester intacte durant l’absorption dans le transit intestinale et dans son passage à travers les différentes membranes cellulaires (21).

Quel est le meilleur choix de créatine ?

Après avoir mis en évidence les différentes formes de créatine en comparaison avec la créatine monohydrate, il s’avère que la créatine éthyle ester est la forme la plus biodisponible.

Cependant, un élément important à prendre en compte est le prix d’une telle supplémentation par rapport à la créatine monohydrate.

En effet, 1 mois de supplémentation à 3 gr par jour de créatine éthyle ester coute en moyenne 30 euros (soit 330 euros le kilo).

A titre de comparaison, le kilo de créatine monohydrate label Créapure coûte 35-50 euros pour 7 mois de supplémentation à 5 gr par jour (soit 35-50 euros le kilo).

Ainsi, le meilleur choix coûts/bénéfices est de loin la créatine monohydrate.

Conclusion

Pour conclure, nous avons vu à travers cet article que des formes de créatine telles que la créatine hydrochloride ou la créatine éthyle ester avaient une biodisponibilité plus élevée que la créatine monohydrate.

Cependant, sur le plan coûts/bénéfices, la créatine monohydrate reste incontestablement la meilleure forme de créatine.

Enfin , la créatine monohydrate témoigne d’un nombre très important d’études scientifiques appuyant ces effets sur la performance contrairement à ces concurrentes relativement récentes.

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Axel Nierding

Axel NIERDING

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Références

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  3. Ferriera M, Kreider R, Wilson M, Grinstaff P, Plisk S, Reinhardy J, Cantler E, Almada A. Effects of ingestion of a supplement designed to enhance creatine uptake on strength and sprint capacity. Med Sci Sports Exerc 1997;29(S146).
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