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Les Témoins dans l’Histoire : Rôle et Impact des Témoignages

Cet article fait référence au chapitre 3 du mémoire de Paul GOURMAUD réalisé durant son Master 2 Digital Design à l’école de design (Nantes Atlantique).

Titre du mémoire : Lieux de mémoires et citoyen.ne.s numérique, un dialogue impossible ?. 

Cet article s’inscrit dans une série d’articles consacrés à ce mémoire.

Les témoins dans l’histoire

Le temps passe et les événements du passé s’éloignent de nous inexorablement. Ceux qui les ont vécues de l’intérieur, les témoins, disparaissent et disparaîtront quoi que l’on fasse, laissant derrière eux des témoignages et autres archives diverses (journaux intimes, lettres) dont la responsabilité sera déléguée aux générations qui les suivront.

« L’ère du témoin » est une formule utilisée pour la première fois par l’historienne Annette Wieviorka à la fin des années 90 dans un ouvrage du même nom. Son travail s’appuie sur les vagues de témoignages des victimes de la Shoah pendant les années 90 et au début des années 2000. Analysant ainsi les différentes phases de considération de ces traces particulières, de l’ignorance à la reconnaissance, voire à l’instrumentalisation.

En effet, les tout premiers témoignages veulent laisser une trace pour ne pas oublier, mais la position du survivant n’est pas encore mise en avant socialement pour que ces documents sortent de l’ombre. Mais c’est à partir de 1962, lors du procès d’Adolf Eichmann, que le statut social du témoignage change, la figure du survivant devenant par la suite inhérente à l’écriture de l’histoire de la Shoah.

Même si cela a permis aux survivants une meilleure reconnaissance sociale, l’instrumentalisation politique de leur parole n’a pas pour autant favorisé une pratique objective de l’Histoire, de par les attributs affectifs des témoignages qui ne sont pas pertinents pour sa pratique.

C’est donc dans les années qui suivront que débutera « l’ère du témoin », caractérisée par une collecte massive de témoignages afin de garder une trace de ce passé [1] (Chevalier, 2000). À titre d’exemple, L’INA possède une rubrique intitulée Grands entretiens compilant des séries d’interviews diverses, dans laquelle on retrouve une séquence sur la mémoire de la Shoah [2].

Sont ainsi compilés 105 témoignages de victimes de la Shoah (anciens déportés, enfants de déportés, résistants…) durant chacun plus d’une heure. Ils n’ont pas été montés, mais possèdent cependant un chapitrage détaillé, facilitant leur visionnage. De plus, ces interviews sont aussi accompagnées d’interventions « d’acteurs de la mémoire » (historiens, magistrats, diplomates) afin de replacer le témoignage des victimes dans leur contexte.

Ces vidéos sont désormais accessibles en permanence et nous rappellent à quel point il est aujourd’hui facile d’immortaliser des moments du passé, et en l’occurrence des témoignages. 

Si l’on se réfère ainsi aux conflits contemporains fréquemment actualisés par l’actualité internationale, nous constatons que la mémoire des victimes se construit alors même que les conflits ne sont pas officiellement terminés. Il y a une forme d’accélération dans la production de contenu.

Ainsi, au moment où ces lignes sont écrites, la guerre entre Israël et le Hamas n’est toujours pas terminée, et malgré tout, la construction des mémoires s’est déjà amorcée. Une cérémonie d’hommage nationale a ainsi été organisée à Paris le 4 février 2024 en l’honneur des victimes françaises des attaques terroristes perpétrées par le Hamas le 7 octobre 2023 [3].

L’événement à partir duquel Israël rentrera en guerre contre l’organisation terroriste. La forte présence des médias d’informations dans le conflit entraîne également la propagation d’un flux important de données. Parmi ce flux, on retrouve ainsi les témoignages de survivants accessible très facilement en ligne [4]

À l’image des mémoires et des témoignages des victimes de la Shoah, ces vidéos ne peuvent attester de l’Histoire exacte du conflit et sont donc à prendre avec de la distance, du moins si l’on adopte le regard de l’historien. Car de nouveau, même s’il est plus facile aujourd’hui d’avoir des informations « brutes » sur les caractéristiques d’un témoignage : Nom de l’auteur. Ice de l’interview, date de celle-ci, nom du média chargé de l’interview… La véracité des propos et des intentions de la victime sont nuancées en fonction de la situation micro (conditions de l’entretien par exemple) et macro (contexte de l’événement). 

Cette production intensive et continue d’informations entraîne une forme d’accélération dans la construction des mémoires collectives, d’autant que c’est un processus qui s’appuie sur des événements qui ne sont pas encore terminés. Cependant, les constats qui ont été faits sur la gestion des témoignages des victimes de la Shoah peuvent nous éclairer sur la manière dont il est possible d’appréhender nos témoignages contemporains.

« Dès lors qu’il s’agit moins de faire preuve que de chercher du sens, le triptyque trace, document, question […] laisse la porte ouverte aux renouvellements, sans doute infinis, des écritures de l’histoire, puisque les interrogations posées au passé se multiplient au rythme du présent. » [5] (Zalc, 2018).

Autrement dit, dans le cadre du travail d’histoire mené sur la Shoah, les travaux d’investigations se voulaient être un rempart contre le négationnisme et l’effacement des traces par les nazis. Ces positions militantes commencent donc à s’apaiser aujourd’hui et laissent progressivement leur place à un travail qui s’effectue pour le sens et non pour les preuves.

Dans le cas de la mémoire de la Shoah, la disparition progressive des témoins incite donc à renouveler les modalités d’écriture de l’Histoire. Nous en revenons à des exemples cités précédemment, à l’image du travail de Barbara Engelking sur les récits de rêves pendant l’Holocauste, et dans quelle mesure ces traces pourraient être pertinentes dans l’écriture de cette histoire.

Concernant la manière dont sont écrites celles de nos événements contemporains, telle la guerre sur la bande de Gaza évoquée précédemment, ou bien des événements passés, tels les attentats du 11 septembre 2001. Il est légitime de se demander si l’écriture de l’histoire de ces événements n’est pas plus portée par une volonté de faire justice que par une quête de sens ? Et si cela est problématique pour les acteurs contemporains liés à ces événements (historiens, victimes) ?

 Ainsi, le témoin est une figure emblématique et malgré tout nécessaire dans la transmission du passé, d’autant qu’en chacun d’eux réside une volonté de parler de ce qu’ils ont vécu. Cependant, même si leur témoignage provoque facilement l’empathie, il ne permet pas toujours d’effectuer un travail d’histoire de par la dimension affective non nécessaire à cette tâche et la difficulté potentielle à cerner les conditions de création d’un tel témoignage.

Ce faisant, lorsque le témoin disparaît, c’est une connexion importante avec le passé qui est perdue. Même si cela peut permettre de renouveler le récit historique, les témoins laissent derrière eux des traces également nécessaires dans la compréhension du passé, mais qui peuvent devenir étrangères dans un contexte contemporain. Nous pouvons parler ici d’écrits, d’images, ou bien de monuments aux morts.

Les fondations du monument aux morts

Il nous arrive parfois de passer à côté de cet édifice, une sculpture verticale de béton, tantôt avec une statue, tantôt sans. Une inscription est gravée en majuscule « En mémoire de ces soldats morts pour la France », suivie d’une liste de noms nous rappelant que près de 1,5 million de soldats et de civils français périront lors du premier conflit mondial de 1914 à 1918.

L’érection des monuments aux morts connaît un réel développement dans les années qui suivront la fin de cette guerre. En revanche, ces initiatives ne se limitent pas seulement à cette période : déjà à partir de la guerre franco-allemande de 1870-71, des monuments aux morts sont construits.

Seulement, contrairement aux monuments de 1914-18, ceux-ci résultent majoritairement d’initiatives privées et s’établissent dans un esprit de revanche vis-à-vis de la perte de deux départements français, ceux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, plus communément connus comme l’Alsace-Lorraine. 

Ainsi, moins de monuments seront construits et avec une symbolique plus patriotique comparativement à ceux de la Première Guerre mondiale [6] (Prost & Nora, 1984). À ce titre, le 25 octobre 1919, face à l’ampleur des pertes humaines, l’État met en place une loi consacrée « à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la Grande Guerre ».

Cette loi promet entre autres aux communes d’offrir une subvention à utiliser pour la glorification de leurs héros locaux, notamment via l’édification de monuments aux morts. 

Cependant, cette décision est à nuancer au regard de ses résultats réels. Dans un premier temps, certaines des propositions formulées dans le texte de loi n’ont tout simplement pas été mises en place, comme par exemple le dépôt des noms de soldats morts pour la France au Panthéon ou encore la construction d’un monument en leur honneur à Paris (même si la dépouille d’un soldat français inconnu sera déposée sous l’Arc de Triomphe en 1920).

D’autre part, les subventions pour les communes n’ont été fixées qu’en juillet 1920 et n’ont couvert qu’entre 5 % et 26 % du coût du monument érigé ; cette aide sera finalement arrêtée en 1925. [7] (Julien, 2016). Enfin, la date du 11 novembre que l’on connaît aujourd’hui afin de commémorer « tous les morts de la France » n’était à l’origine pas celle choisie. La loi du 25 octobre avait en effet préféré les dates du 1er et du 2 novembre à celle du 11, respectivement le jour de la Toussaint et de la fête des morts, afin de privilégier des commémorations endeuillées plutôt que victorieuses.

Mais à plusieurs reprises, les associations d’anciens combattants se sont levées contre cette décision, préférant la date du 11 novembre. Elles continueront ainsi à réaliser leurs propres cérémonies en 1919 et en 1920, avant que le gouvernement ne décide finalement d’officialiser cette date en rendant le 11 novembre férié le 8 novembre 1920.

Par la suite, l’addition de nouveaux conflits dans la mémoire collective entraîne, le 28 février 2012, le vote de la loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts de la France. Ce texte, en plus des soldats, rend donc hommage aux civils ainsi qu’à ceux ayant péri lors d’opérations extérieures. 

Ainsi, la date du 11 novembre tire ses racines d’initiatives que l’on pourrait qualifier de « citoyennes », car elle émane directement du peuple qui affirme trouver davantage de sens en cette date. Même si nous pourrions nuancer en disant que les associations d’anciens combattants ne sont pas exactement représentatives de l’ensemble de la population française en cette période ; leur volonté semble malgré tout en accord avec la situation démographique du pays après la guerre.

En effet, la France fut le pays le plus durement touché au regard de ses pertes militaires. 70 % des soldats mobilisés ont été tués ou blessés, avec parmi eux 15 000 gueules cassées [8]. Malgré tout, l’épreuve du temps fait que les cérémonies du 11 novembre perdent progressivement de leur sens aux yeux des citoyens d’aujourd’hui.

Ce qui vaut aussi pour les monuments aux morts qui vivent surtout au travers de ces mêmes cérémonies. « Aux héritiers d’aujourd’hui, il continue d’adresser un langage plus ou moins clair, plus ou moins audible. Le signifié a pu changer ou perdre de sa vigueur, le signifiant demeure pour sa part gravé dans le marbre et le bronze. » [9] (David, 2013).

Pourtant, ces édifices sont des portails temporels vers le passé, dans la mesure où chaque détail de leur conception a dû être pris en compte à un moment donné, de leur justification architecturale à la symbolique de leur emplacement. En effet, pourquoi avoir choisi de l’avoir placé dans un cimetière plutôt que directement dans l’espace public ? Le monument se veut-il être plus proche des vivants, ou au contraire appartenir aux morts ? 

Également, son emplacement peut être choisi en fonction de la topographie du lieu, et de cette manière, le parcours pour y arriver devient une forme de narration. Dans le cas du mémorial de la Vendée à Lucs-sur-Boulogne (datant de la révolution, mais constituant un exemple pertinent dans ce cas-là), le mémorial ayant été construit en 1993 marque le début du parcours afin de monter jusqu’à la chapelle commémorative du Petit-Luc dans laquelle on retrouve des plaques commémoratives avec les noms des 564 résidents du village tués pendant la Révolution.

La chapelle étant placée sur un terrain surélevé, il faut gravir la colline, faire un effort pour monter jusqu’à celle-ci, et enfin profiter d’un espace de quiétude en l’honneur de ces victimes. Mais ce sont autant d’informations qui se perdent avec le temps et qu’il est nécessaire de rendre accessibles à celui ou celle qui veut faire parler le monument aux morts.

D’autant plus lorsque l’on s’intéresse à la symbolique d’un emplacement. Car dans l’exemple d’un monument aux morts établi en milieu urbain, depuis son érection, l’agencement des bâtiments a évolué autour de lui, le rendant de plus en plus anachronique par rapport au contexte contemporain.

Le monument aux morts contemporains

Ainsi, comment le Monument aux morts est-il perçu aujourd’hui dans l’espace public ? Plus particulièrement dans l’espace urbain ? Ces questions et les recherches de terrain que j’ai menées par la suite ont sûrement été inspirées par les travaux de Laurent Aucher à propos des pratiques nouvelles des visiteurs sur le mémorial de la Shoah à Berlin [10] (Aucher. L, 2018).

Bien que l’on parle ici d’un « mémorial » et non d’un « monument aux morts », car plus récent et avec une gestion de l’espace différente des monuments de la Première Guerre mondiale. Ainsi, j’ai également souhaité mener mes propres observations sur les lieux de mémoire de ma région afin de comprendre comment ils s’intègrent et comment ils sont perçus dans l’espace urbain aujourd’hui.

Réalisés en juillet et septembre 2023, la météo était estivale et les promeneurs nombreux dans les rues. Ce fut l’un de mes premiers constats, sûrement dû aux températures clémentes : certaines personnes profitaient ainsi des abords de certains monuments pour se détendre, s’allonger et dormir un peu, ou s’asseoir pour bouquiner.

Ainsi, les qualités des interactions avec le monument dépendent de la manière dont il est agencé. Par exemple, le monument aux 50 otages à Nantes est constitué d’une structure verticale centrale avec autour des marches qui descendent progressivement vers le sol. Le monument est construit juste à côté de l’Erdre et offre également une vue directe sur la rivière avec un promontoire permettant de s’asseoir et de profiter de la vue.

Ce monument, certes commémorant une mémoire lourde, peut aussi se transformer en espace de détente, à la manière d’un square de taille réduite [11]. Ce sont des constats qui peuvent être faits sur d’autres lieux de mémoires, étant donné que ces derniers s’intègrent dans un espace public qui évolue avec leur temps. Ils se fondent peu à peu dans le décor et sont utilisés au regard de leurs fonctions pratiques. Ils peuvent aussi devenir des espaces propices au jeu, même si ces comportements restaient minoritaires et limités à des enfants.

Globalement, lorsque ces édifices sont finalement remarqués, c’est grâce au hasard ou à une balade qui prévoyait un détour par ce lieu. « Il n’y avait pas une valeur historique que je voulais connaître, c’était dans mon parcours nantais de la journée » [12]. Encore que l’extrait présenté ici est tiré d’un échange au mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes, un lieu de mémoire bien plus autonome que les autres, dans la mesure où ce dernier offre des explications audios ainsi que des infographies pour le replacer dans son contexte.

C’est une forme de mini-musée accessible gratuitement et qui affiche explicitement sa volonté d’apprendre une histoire à un public plus ou moins averti, « provoquant le hasard » pour qu’il soit approché.

Ce sont également des lieux qui sont parcourus autrement, soumis aux normes de l’espace public, comme avec ces vélos accrochés aux rambardes d’entrée du mémorial, ou bien alors, des cyclistes faisant un petit détour par l’esplanade de celui-ci, appréciant ainsi la vue sur la Loire. En effet, ces lieux de mémoire sont à l’image des rochers dans un cours d’eau : ils sont bien là, visibles, mais sont posés au milieu des flux de l’espace urbain qui obéissent à leurs propres règles.

Photos sur le monument aux 50 otages à Nantes, Paul Gourmaud
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Photos sur le monument aux 50 otages à Nantes, Paul Gourmaud ©
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D’autre part, si un lieu de mémoire est finalement remarqué, c’est l’occasion pour certaines personnes d’immortaliser ce moment. Comme à Paris lors de mes observations sur un mémorial bien plus récent, commémorant les morts de la Première Guerre mondiale et situé sur l’un des murs extérieurs du cimetière du PèreLachaise. Installé en 2018 à l’initiative d’Anne Hidalgo, ce sont au total 94 000 noms de Parisiens morts pendant le conflit qui sont gravés sur des plaques métalliques.

Le tout, mesurant une longueur totale de 270 mètres, le monument souhaite ainsi représenter l’échelle du conflit et l’ampleur du sacrifice humain. À plusieurs reprises donc, des couples de sexagénaires parcouraient les noms (également classés par ordre alphabétique), n’hésitant pas à faire glisser un doigt sur les plaques. Lorsqu’ils semblaient avoir trouvé un nom familier, ils l’immortalisaient avec une photo ou un selfie [13].

Cette volonté de garder une trace se retrouve aussi au moment des commémorations, comme à Nantes lors de la cérémonie du 11 novembre 2023 organisée sur e monument en mémoire des Nantais morts pendant la Première Guerre mondiale.

Photo sur le mémorial attenant au cimetière du Père-Lachaise à Paris, Paul Gourmaud ©
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Photo sur le mémorial attenant au cimetière du Père-Lachaise à Paris, Paul Gourmaud ©

Déjà pendant la cérémonie, des photographes se frayent un passage dans la foule pour immortaliser l’événement : les discours, les musiciens et les personnalités présentes. À la fin du dernier discours, la foule se disperse enfin autour du monument, l’atmosphère se détend, des discussions émergent, et de nouveau, c’est le temps des photos.

Un groupe de jeunes appartenant à la délégation de la frégate de défense Chevalier Paul prend ainsi la pose pour une photo de groupe, avec en toile de fond le monument, silencieux [14].

Face à la disparition des témoins, c’est un moyen de continuer à assurer une discussion sur ces mémoires, car ce sont autant de photos qui peuvent être partagées avec quelqu’un qui n’aurait pas été présent et réemployées dans le futur afin de se souvenir qu’en ce jour, une foule s’était réunie pour se souvenir des morts de la première guerre mondiale.

C’est également, comme nous l’avons vu précédemment, une forme de réappropriation de la mémoire par une écriture de l’Histoire qui s’individualise. Nous pouvons également noter des modifications formelles sur les monuments construits en mémoire des conflits suivant ceux de 14-18. Ils ne se nomment d’ailleurs plus couramment « monuments aux morts », mais plutôt « mémoriaux », un terme qui s’élargit même aux musées documentant ces conflits.

Photos d’observations à la cérémonie du 11 novemvre 2023, Paul Gourmaud ©
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Photos d’observations à la cérémonie du 11 novemvre 2023, Paul Gourmaud ©
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Photos d’observations à la cérémonie du 11 novemvre 2023, Paul Gourmaud ©

Ces mémoriaux, contrairement à ceux de la Première Guerre mondiale, célèbrent moins des individus que des groupes, avec des monuments en l’honneur des résistants ou des juifs dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale.

Ce sont aussi des monuments qui utilisent un mode de représentation nouveau, avec des structures plus complexes, moins brutes, plus expressives afin de permettre aux visiteurs de se projeter vers les événements passés [15] (Trouche, 2015). Une section du cimetière du PèreLachaise est ainsi dédiée aux mémoires des victimes de la Shoah.

De la tombe, on passe à la sculpture. Et souvent, on se retrouve face à des représentations de corps humains squelettiques, témoignant de la souffrance endurée par les victimes. De cette manière, les choix symboliques et esthétiques des monuments de la Première Guerre mondiale sont dépassés par ceux qui sont faits pour nos monuments plus récents.

Sans pour autant parler de concurrence, sachant qu’il arrive que les conflits contemporains comme la seconde guerre mondiale ou les OPEX (opérations militaires extérieures de la France) soient ajoutés à des monuments de la première guerre mondiale.

Ainsi, il convient de se souvenir des monuments aux morts en gardant en tête les codes qui les font revivre, et dans le même temps, il faut construire des mémoriaux qui auront du sens pour les générations futures afin de leur faciliter ce travail de compréhension.

En somme, il y a un double travail à faire, en maintenant une continuité entre ce qui a été et ce qui est à venir. Certains acteurs ont ainsi compris que mener des actions mémorielles afin de maintenir cette continuité pouvait devenir un levier puissant pour fédérer des personnes à leurs causes…



Pour plus d’informations sur ce mémoire, n’hésitez pas à vous adresser directement à l’auteur ci-dessous.

Paul Gourmaud

Paul GOURMAUD 

Livres pour approfondir

meilleurevente#1
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Notes

[1] Chevalier, Y. (2000). Wieviorka (Annette), L’Ère du témoin. Archives des Sciences Sociales des Religions, 110, 110. Consulté le 19 novembre 2023, à l’adresse https://doi.org/10.4000/assr.20611

[2] INA. (s. d.). Collection Mémoires de la Shoah – Grands entretiens patrimoniaux. Consulté le 19 novembre 2023, à l’adresse https://entretiens.ina.fr/ memoires-de-la-shoah

[3] Élysée. (2024, 7 février). Cérémonie d’hommage national aux victimes françaises des attaques terroristes du 7 octobre en Israël. Élysée. Consulté le 12 février 2024, à l’adresse https://urls.fr/UNpM5q

[4] Le Monde. (2023, 30 décembre). Mia Schem et Chen Almog-Goldstein, exotages israéliennes racontent leur captivité à Gaza [Vidéo]. YouTube. Consulté le 12 février 2024, à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=NlPUzbO65oQ

[5] Zalc, C. (2018). Passages de témoins. Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 139, 2-21. consulté le 15 juin 2023, à l’adresse https://doi.org/10.3917/ ving.139.0002

[6] Prost, A., & Nora, P. (1984). Les monuments aux morts. Dans Les Lieux de mémoires, La République, La Nation (Vol. 1). Gallimard.

[7] Julien, E. (2016, 29 septembre). La loi du 25 octobre 1919 et sa postérité. Le Souvenir Français. Consulté le 13 février 2024, à l’adresse https://le-souvenirfrancais.fr/la-loi-du-25-octobre-1919-et-sa-posterite/

[8] WeDoData. (2014). Guerre 14-18 : une population transformée [Base de données ; Infographie en ligne]. Dans 14-18, un monde en guerre. https:// shorturl.at/dhrV1

[9] David, F. (2013). Comprendre le monument aux morts [OpenEditionBooks]. Codex. consulté le 10 septembre 2023, à l’adresse https://doi.org/10.4000/books.codex.967

[10] Aucher.L, (2018).“Devant le mémorial, derrière le paradoxe”, Géographie et cultures, 105, 11-30. consulté le 26 juin 2023, à l’adresse, https://journals.openedition.org/gc/6351

[11] D’après des observations et des photographies faites sur le monument des 50 otages à Nantes l’après midi du 08/07/2023

[12] D’après une série de 6 interviews menés au mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes l’après midi du 21/06/2023

[13] D’après des observations et des photographies faites sur le monument en mémoire des parisien morts pendant la première guerre mondiale à Paris le matin du 29/09/2023

[14] D’après des observations et des photographies faites durant la cérémonies du 11 novembre 2023 à Nantes.

[15] Trouche, D. (2015, 7 janvier). Du monument aux morts au mémorial. Hypothèses. Consulté le 14 février 2024, à l’adresse https://sms.hypotheses.org/4652

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