Cet article fait référence au chapitre 1 du mémoire de Cynthia Samba réalisé durant son Master en Economie et Développement, option : Finances, Banque et Assurances.
Titre du mémoire : Rôle de la politique monétaire dans le lissage des fluctuations du taux de change : de 1980 à 2016
Ce premier chapitre a pour objectif de présenter les notions préliminaires se référant explicitement au taux de change et à la politique monétaire. Il est organisé en trois sections : la première section traite de la définition, du rôle, de la typologie et de la détermination du taux de change, la deuxième section traite de notions de politiques monétaires et la dernière balaye brièvement la notion des fluctuations.
Sommaire
LE TAUX DE CHANGE
Définition
Le taux de change correspond au prix d’une monnaie exprimée dans une autre monnaie, c’est donc un prix coté (Plihon, 2006). C’est le cours, autrement dit le prix de cette devise par rapport à une autre. On parle aussi de la « parité d’une monnaie ». Mais ce dernier désigne en anglais « parity » qui indique une égalité absolue, ce qui n’est pas le cas.
Par exemple, le taux de change d’un dollar américain en francs congolais est noté : CDF/USD (ou CDFUSD) = 1620 (ce qui signifie que 1 USD vaut 1620 francs congolais). Les taux de change, cotés sur les marchés des changes, varient en permanence, également en fonction de la place de cotation.
On distingue deux types de cotation du taux de change, notamment la cotation à l’incertain, qui se réfère à l’expression de la valeur d’une unité de monnaie étrangère en monnaie locale, et cotation au certain qui fait référence à l’expression d’une unité de monnaie nationale en monnaie étrangère (Dupuy, 2006).
Rôle
Le taux de change joue à la fois un rôle économique et financier en économie ouverte.
Il est l’une des variables fondamentales en économie ouverte, car il exerce un impact considérable sur la plupart des variables macroéconomiques dont l’offre et la demande de monnaie (Debeaunais 2011). En outre, il vient rétablir l’équilibre dans les relations commerciales internationales (Dupuy 2006).
Sortes des taux de change
Nous avons préalablement signifié que la notion de cotation de change donnait existence à deux taux, à savoir le taux au certain et le taux à l’incertain.
On distingue également :
Le taux de marché :
Il existe :
- Des cours acheteur et les cours vendeurs. L’écart entre le cours acheteur et le cours vendeur est le spread, qui constitue le profit et la rémunération du cambiste, l’aidant ainsi à couvrir les pertes de change (Krugman 2009). Il y a également le taux de change de l’interbancaire qu’utilisent les cambistes de banques commerciales et celui parallèle, du marché noire, appliqué sur les opérations de change quotidiens à la cité.
- Le taux comptant qui est utilisé pour les opérations spots, par exemple les achats ou les ventes des devises contre des titres en banque (Yves 2004). C’est le taux des opérations courantes d’achat et vente des devises. Il est déterminé par le rapport des prix des devises à l’étranger et les prix de devise dans le marché intérieur.

- Le taux à terme pour les opérations à terme, par exemple pour les Swaps[1] de change. Ce taux correspond au taux dégagé par la préférence des capitaux étrangers, dans la parité du taux d’intérêt.

Le taux théorique
On distingue :
- Le taux de change nominal qui compare la variation nominale d’une monnaie par rapport à une autre. On parle du taux de change effectif nominal (TCEN), lorsque nous mesurons la variation ou l’évolution des prix d’une monnaie par rapport aux prix des devises de partenaires financiers.
- Le taux de change réel, qui tient compte du niveau des prix des biens de deux pays donnés. Il est aussi appelé « terme de l’échange » (Mankiw, 2016).
Pour calculer le taux de change réel, il est suggéré de prendre en compte différents paniers de produits, afin d’évaluer le rapport des niveaux des prix entre deux zones monétaires. Le taux de change réel est calculé à l’aide de la formule suivante : 𝜀 = 𝑒 . (𝑝 ⁄𝑝∗)
Avec e le taux de change nominal, p/p* le rapport de niveau des prix intérieurs et étrangers. Le TCER est une moyenne pondérée des niveaux de prix entre les différents partenaires commerciaux et les concurrents[2].

Approche théorique du taux de change
Il existe trois approches[3] de détermination du taux de change (Meese et Rogoff, 1988). Ces trois approches sont :
Approche réelle
Dans cette approche, l’accent est mis sur le comparatif des prix des biens et services domestiques, qu’on appelle la Parité du Pouvoir d’Achat (PPA) ainsi que sur le solde de la balance courante.
A. La parité du pouvoir d’achat (PPA) [4]
– Version absolue de la PPA
Les parités de pouvoir d’achat sont égales dans tous les pays.

Avec S TCEN, côté à l’incertain, p et p* étant respectivement les prix domestiques et extérieurs : la parité du pouvoir d’achat sera donc égale à

Donc la PPA au sens absolu, est le taux de change nominal qui compare le niveau général des prix de deux pays. Si elle est égale à 1, la monnaie est correctement évaluée ; si elle est inférieure à 1, la monnaie est sous-évaluée ; si elle est supérieure à 1, la monnaie est surévaluée.
Prenons l’exemple d’un panier des biens évalué à 100 USD aux Etats-Unis ; selon la loi du prix unique, si le même panier reviendrait à 450. 000 CDF, alors le niveau des prix en RDC et aux Etats-Unis ne sont pas égaux. L’on peut dire que la monnaie congolaise est surévaluée. Les agents économiques vont se diriger vers les Etats-Unis pour acquérir plus des biens puis venir amasser fortune en RDC. La PPA est un indicateur inverse de la compétitivité ; en effet, une hausse du
pouvoir d’achat indique que les prix étranger sont en baisse par rapport aux prix nationaux, d’où la compétitivité se détériore (Piller, 2005).
B. limites de la version absolue
La loi du prix unique ne se vérifie pas à cause de la non prise en compte des coûts des transactions, en l’occurrence, la présence de la concurrence, les barrières douanières, les coûts de transports, la présence des anticipateurs et l’hétérogénéité des paniers des biens
– Version relative de la PPA
A court terme, le taux de change est très volatil. C’est pour cela qu’il varie donc proportionnellement au différentiel du taux d’inflation de différents pays. La PPA relative mesure la variation de la PPA entre deux périodes.

Il s’agit ici du Taux de change réel, qui suit la variation de différentiel d’inflation de deux pays donnés, le Taux de change effectif. La théorie du PPA prévoit que le taux de change réel s’adaptera pour rétablir l’équilibre initial via l’impact du gain ou de la perte compétitivité.
C. L’approche de la balance courante
L’offre et la demande des devises entre une économie et le reste du monde, découlent des opérations enregistrées dans le Compte des flux de capitaux(BK) et l’offre et la demande des biens dans la balance courante (BC) de la Balance des paiements (BP), (Karlin 2011).

La BC dépend des revenus intérieurs et extérieurs Y et Y* ainsi que du TCN e et la BK dépend du taux d’intérêt i et du TCN e.
En principe, le déficit de la balance des capitaux, est couvert par l’excédent des recettes de la balance courante. Au cas contraire, le TCEN se détériore à cause de la pénurie des devises, cette dépréciation doit entrainer la dépréciation du taux de change réel, pour stimuler les exportations. Au niveau de la macroéconomie ouverte, cela se visualise par la courbe en J ci-après : n J
Cette expression est appuyée par la condition-Marshall, qui stipule que la détérioration de la balance courante détériore la Balance de paiement (Krugman et Obstefield, 2009).
Dans le long terme y aura détérioration réelle du change qui va ramener la situation d’équilibre. Il est à noter que, le déséquilibre de la balance courante est une conséquence du déséquilibre au niveau de l’épargne et de l’investissement intérieur.

Avec CC la Balance commerciale, S l’épargne et I l’investissement, les indices p et g définissent respectivement le privé et le public. Si S est inférieur à I le pays est emprunteur, dans le cas contraire, le pays est préteur net.
On parle de déficit de la balance de paiement quand le compte courant et le solde budgétaire sont déficitaires. Or, ce déficit affecte négativement le taux de change. D’où il faut assurer l’équilibre S=I.
D. La balance commerciale parallèle
C’est un modèle déformé de la balance commerciale (Azam 1991), qui exerce une influence positivement évidente sur le comportement du taux de change. Il s’agit du taux de change parallèle. Ce taux dépend de la quantité de monnaie en circulation, prix de producteur exportateur et les prix extérieurs du circuit officiel.
La balance commerciale parallèle est l’accumulation de devises provenant des transactions clandestines entre le pays et le reste du monde. Les circuits parallèles se forment à cause de la méfiance des agents économiques, qui sont à la recherche d’un gain, lorsque les chocs subséquents des circuits officiels en change fixe (change flottant) dévaluent (déprécient) la monnaie nationale drastiquement et entraînent des pertes considérables aux producteurs. La balance parallèle est représentée par la fonction ci-dessous :

Où ep* – p le taux de change parallèle fixé en fonction du prix intérieur et étranger des biens, dans le marché noir.

Approche financière
Cette approche est liée à la relation de la Parité du taux d’intérêt et est beaucoup plus d’usage dans les grandes économies ouvertes. Il y a un lien entre le taux d’intérêt et les sorties des capitaux, qui soit tel que, les agents économiques, comparent les taux d’intérêts domestiques et étrangers. Si ceux domestiques sont bas, les agents déversent la masse d’argent en leur possession dans le marché de change pour pouvoir effectuer des placements à l’étranger (Betoine et al, 1989).
Le gain correspond alors au différentiel de taux de change et d’intérêt domestiques et étrangers. Ces différentiels guident les anticipations des investisseurs (Piller 2005). Pour qu’un investisseur choisisse de placer ses capitaux à l’étranger, il doit s’assurer que son placement pourra couvrir les pertes causées par la transaction d’achat de devises sur le marché de change.
Ainsi donc, il faut que le différentiel de taux de change soit inférieur au différentiel des taux d’intérêts. Cela est mathématiquement formulé de la manière suivante :
(𝟏 + 𝒓𝒇)𝑭 > (𝟏 + 𝒓𝒅)𝑺
Avec rf, le taux d’intérêt étranger et le rd le taux d’intérêt domestique. F et S sont respectivement le taux de change comptant et à terme, côté à l’incertain.
L’équilibre est rétabli aussitôt que le différentiel de taux d’intérêt et de taux de change exprimé en pourcentage du cours au comptant est égal. C’est ainsi qu’on parlera de la parité du taux d’intérêt (Blanchard et al, 2006).

Approche monétaire
Selon cette approche, une augmentation de l’offre de monnaie d’un pays provoque la dépréciation de sa monnaie sur le marché de change, alors qu’une réduction de l’offre de monnaie crée une appréciation de sa monnaie.
Soit M/P l’offre et de la demande réelle avec M, la demande et l’offre de la monnaie et P le niveau de prix, K est une constante, Y le niveau de revenu.
𝝁Étant l’élasticité de la demande de monnaie par rapport au revenu et 𝜶 la semi élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d’intérêt (* indique qu’il s’agit de l’étranger), nous avons :

En économie ouverte, le comportement du taux de change suit l’évolution de l’offre de la demande de monnaie (Blanchard et al, 2006). Si les élasticités de la demande de la monnaie par rapport au revenu et au taux d’intérêt sont égales dans le marché domestique tout comme à l’étranger, le taux de change sera donné par :
𝐒 = (𝐌 − 𝐌∗) + (𝐊∗ − 𝐊) + 𝛍(𝐘∗ − 𝐘) + 𝛂( 𝐢 − 𝐢∗)
Le constat est que le taux de change dépend des offres de monnaies ainsi que de variables influant sur la demande de la monnaie, en l’occurrence, le revenu et le taux d’intérêt (Sanjay, 2012).
Cette approche prédit que le taux de change peut connaitre un surajustement[5] à long terme par les offres relatives de ces monnaies et à court terme par le comportement du revenu et du taux d’intérêt débiteurs relatifs réels, en d’autres termes, les glissements dans les taux d’intérêt et dans les niveaux de production n’influencent le taux de change qu’à travers leurs influences sur l’offre et la demande de monnaie.
[1] Le swap de change est une opération de change dans laquelle deux parties s’échangent des devises pour des fins de protection contre le risque des change et pour spéculer à court terme.
[2] Définition du TCER proposé par INSEE.FR consulté le 07 avril 2018.
[3] Ces approches ne sont pas les seules à déterminer le taux de change, mais nous retenons ces trois approches à caractère très influant.
[4] La parité du pouvoir d’achat est inspirée de la loi du prix unique, selon laquelle, un bien ne peut être échangé à un même instant à des prix différents sur plusieurs marchés.
[5] La théorie du surajustement désigne les réactions excessives de taux de changes aux chocs monétaires (développée par Dornbusch).