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Dracula: mythes, bande dessinée et sérialité médiatique

Cet article fait référence à la partie 3 du mémoire de Carla BEDINI réalisé durant son Master II Littérature Générale et Comparée à l’Université Sorbonne Nouvelle (2022/2023)

Titre du mémoire : Adapter et représenter le mythe de Dracula : les bandes dessinées de George Bess, Pascal Croci et Hippolyte

Cet article est le neuvième d’une série de 9 articles consacrés à Dracula. Voir à la fin pour plus d’informations.

Dracula : Sérialité médiatique, Mythes et bande dessinée

Les œuvres individuelles sont toutes des mythes en puissance, mais c’est leur adoption sur le mode collectif qui actualise, le cas échéant, leur mythisme.195

« L’essence » de Dracula dont parlait D. Stoker est quasiment indéfinissable si l’on s’en tient rigoureusement au roman de Stoker. Si nous revenons sur la conception de mythopoétique, l’essence du mythe de Dracula, comme tous les autres mythes, repose sur le « devenir-mythe ».

Chaque œuvre nourrissant son corpus, son imaginaire, et sa genèse devient elle-même un « mythe parmi les mythes » dont on entraperçoit les grandes lignes. Ces grandes lignes sont établies à partir de la multitude d’œuvres et d’interprétations autour de Dracula, notamment à travers ce brassement infini entre littérature et image, ce qui rend nos bandes dessinées si particulières. Entre transsubstantiation, transmission et métamorphose, le mythe de Dracula et du vampire est épidémique.

La bande dessinée est un objet propice à l’exercice de la pensée sur la vie culturelle contemporaine. L’essor et l’évolution de la bande dessinée française en tant que neuvième art, ainsi que la figure du vampire, sont étroitement liés par l’illustration qu’ils nous donnent des évolutions sociales et culturelles de nos sociétés occidentales.

L’importance de la bande dessinée en France réside dans une émancipation politique quant aux valeurs morales et quant à la représentation de la violence, mais aussi une émancipation graphique et artistique exigeante, souhaitant former sa propre école hors du cercle des comics américains et hors du cercle de l’école classique belge. L’évolution de la bande dessinée en France va vers un public adulte et critique, possédant déjà un horizon d’attente culturel large.

Il est nécessaire de ne pas traiter la bande dessinée comme une paralittérature, puisqu’il est presque impossible, comme le dit l’historien Xavier Lapray, d’en isoler une composante spécifique : la bande dessinée use de procédés artistiques, littéraires et scénaristiques, dans sa théorie et sa critique, qui ne lui sont pas propres, mais « dont la combinatoire aboutit à l’élaboration d’un moyen d’expression original ».196

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La bande dessinée française et Dracula témoignent d’une culture composite. La circulation des différents médias (pour Dracula) et leur connexion (pour la bande dessinée ; cinéma, télévision, illustrations ou jeux vidéos) est favorisée par le caractère transmédiatique d’imaginaires sériels.

Cette circulation permet aux imaginaires, aux mythes, à la littérature et aux styles graphiques de circuler d’un art à un autre, d’un genre à un autre, etc. 197 La lecture sérielle du roman de Stoker ainsi que l’analyse de l’évolution de la bande dessinée française mettent en lumière l’importance de la connexion des différents supports et des différents arts.

La bande dessinée, ainsi que le mythe de Dracula, s’inscrivent dans un carrefour médiatique et dans un processus de reconfiguration constant des arts littéraires, cinématographiques et graphiques : le neuvième art est un médiart198. La notion de paralittérature, tout comme la notion d’art second, de primauté d’une œuvre sur une autre, et enfin, toute la problématique autour d’une adaptation « fidèle » à « l’œuvre originelle » semblent à présent dépassées par la complexité du caractère intermédiatique des œuvres.

Le Dracula de Stoker et la bande dessinée française relèvent d’une notion de médiagénie, dans le sens ou ces deux objets peuvent être modulés indéfiniment dans n’importe quel projet narratif. Le mythe de Dracula possède donc cette capacité, comme nous l’avons vu à travers nos bandes dessinées, de pouvoir se réaliser, se transformer de manière optimale, en choisissant dans tout un panel de partenaires médiatiques.

Le mythe de Dracula, à travers une notion de mythopoétique, se réalise également à travers cette diversité d’œuvres, cette diversité de lectures, d’interprétations et d’adaptations. Nous pouvons dire que la bande dessinée, dans son caractère de médiagénie et de médiart, contribue largement à l’expansion du mythe de Dracula à travers les âges. La bande dessinée fait aussi preuve de médiativité, car dans sa contribution à l’élaboration du mythe de Dracula à travers différents mondes possibles, elle possède une forte capacité de représentation, et donc, un potentiel spécifique.

L’adaptation et la représentation du mythe de Dracula dans les bandes dessinées de Bess, Croci et Hippolyte ouvrent tout un champ de mondes possibles dont on ne peut réduire le caractère à quelque chose de légitime ou d’illégitime. Le réel et les faits historiques liés à l’histoire de la Transylvanie et de l’Angleterre, le travail sur la genèse du roman, sur une suite, un préquel, tout cela participe, dans nos bandes dessinées, à un fantasme du lecteur, fantasme qui participe donc intensément à l’évolution constante de la notion de mythe.

Dès lors qu’une œuvre s’inscrit dans une relation sérielle, qu’elle soit légendaire, historique et littéraire comme chez Dracula, il est essentiel d’en accepter les possibles, puisqu’elle est elle-même un monde possible, dans le cas de notre roman : le monde du vampire, le monde de l’époque victorienne, un monde gothique, etc. L’assemblage du texte et de l’image dans nos bandes dessinées propose donc une synthèse de ces mondes. Le neuvième art, qui est sans nul doute un art que l’on pourrait qualifier de total, remodélise et représente le mythe de Dracula dans toutes ses états.

Ils m’ont proposé d’autres adaptations à réaliser dans la collection Carrément Bd, mais plus pour me donner des idées qu’autres choses. Je ne peux pas trop en parler pour l’instant car rien n’est fait mais en tout cas ils semblent intéressés pour continuer dans les adaptations. Après, il faut voir si je me destine à être un adaptateur de grands livres en BD ou si je m’essaie à un scénario plus personnel. Mais bon, il y a tellement de grands livres à adapter…

Hippolyte


Cet article s’inscrit dans une série consacrée à Dracula, voir ci-dessous :

1 – Le mythe de Dracula : adaptations et représentations

2 – Dracula l’immortel : mythe, chronologie et illustrations

3 – Les vampires illustrés : Pascal Croci, Françoise-Sylvie Pauly

4 – Dracula et George Bess : Vision Pluridisciplinaire et Voltarienne

5 – Hippolyte : Dessins, Identité et Audaces Esthétiques

6 – Dracula : un développement transmédiatique

7 – Dracula : Nosferatu, Aristocrate et Coppola

8 – Dracula revisité : Entre mythe et Réalité

9 – Dracula : Mythes, Bande Dessinée et sérialité Médiatique


Pour plus d’informations sur ce mémoire, n’hésitez pas à vous adresser directement à l’autrice ci-dessous.

image 3 Dracula: mythes, bande dessinée et sérialité médiatique

Carla BEDINI

image Dracula: mythes, bande dessinée et sérialité médiatique
Carla Bedini

Livres pour approfondir

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Bram Stoker Dracula Édition définitive

En 1897, Bram Stoker dévoile au public l’extraordinaire Dracula, un être immortel se délectant du sang des vivants pour les transformer en créatures maléfiques, à travers un roman épistolaire. Bien qu’il n’ait pas inventé le concept du vampire, Stoker lui confère une forme moderne en érigeant le comte Dracula en une figure iconique, source d’inspiration pour des générations d’écrivains.

Frankenstein

Frankenstein – Mary Shelley

Poursuivant son éclatante réussite avec Dracula, Georges Bess nous livre une adaptation somptueuse du Frankenstein de Mary Shelley. Son noir et blanc profond et élégant sublime la dramaturgie, donnant naissance à une œuvre grandiose. Le trait incisif et l’encrage puissant de l’auteur insufflent le souffle romantique de cette histoire, celle du cauchemar d’un monstre et de la folie d’un homme.

BIBLIOGRAPHIE

Bibliographie primaire :

Bandes dessinées :

  • BESS, Georges. Bram Stoker Dracula, Édition prestige. Glénat BD, 2019. CROCI, Pascal, et Françoise-Sylvie PAULY. Dracula. Paquet, 2015.
  • HIPPOLYTE. Dracula. Tome 1. Vol. 1. 2 vol. Carrément BD. Glénat, 2003. HIPPOLYTE. Dracula: Tome 2. Vol. 2. Carrément BD. Glénat, 2004.

Roman :

  • STOKER, Bram. Dracula. Le Livre de Poche. Imaginaire. LGF/Le Livre de Poche, 2009.

Autres œuvres :

Poésies :

  • DOTOLI Giovanni, SELVAGGIO Mario, Le vampire dans la poésie française, XIXe-XXe siècles, Anthologie. AGA, L’Harmattan, 2019.

Filmographie :

  • BROWNING, Tod. Dracula. Universal Pictures, 1931.
  • BROWNING, Tod. La Marque du vampire. Metro-Goldwin-Meyer, 1935. COPPOLA, Francis Ford. Bram Stoker’s Dracula. Columbia Pictures, 1992.
  • HERZOG, Werner. Nosferatu, fantôme de la nuit, société de production Werner Herzog, 1979. KENTON, Erle C. La Maison de Frankenstein. Universal, 1944.
  • MURNAU, Fiedrich Wilhelm. Nosferatu le vampire. Prana Film Berlin GmbH, 1922. POLANSKI, Roman. Le bal des Vampires. Cadre Films, 1967.

Bibliographie secondaire :

Corpus secondaire de bande-dessinées :

  • BESS, Georges. Le vampire de Benarès. Tome 1: le Vampire de Benarès. Vol. 1. 3 vol. Glénat, 2011.
  • BESS, Georges. Frankenstein. Glénat, 2021.
  • CORBEYRAN, Eric, et Serge Fino. Dracula, l’Ordre des Dragons. 1. L’Enfance d’un monstre. Vol. 1. 2 vol. 1800. Soleil Productions, 2011.
  • CROCI, Pascal. Carmilla. EP Media, 2016.
  • CROCI, Pascal, et Françoise-Sylvie PAULY. À la recherche de Dracula : Carnet de voyage de Jonathan Harker. Le Pré aux Clercs, 2008.
  • CROCI, Pascal, et Françoise-Sylvie PAULY. Élisabeth Báthory, Emmanuel Proust, collection « Atmosphères », 2009.
  • THOMAS, Roy, Mike MIGNOLA, et Mark CHIARELLO. Dracula. Graphic U.S. Comics USA, 1993.

Ouvrages théoriques et critiques sur le vampire et Dracula :

  • GORDON MELTON, John. The Vampire Book, The Encyclopedia of the Undead. Visible Ink Press, 1999.
  • MILLER, Elizabeth. Dracula. Parkstone, 2012.
  • POZZUOLI, Alain. La Bible Dracula, Dictionnaire du vampire, le Pré aux Clercs, 2010. VOLTAIRE, Dictionnaire philosophique, Garnier, 1878.

Ouvrages et articles théoriques sur l’objet du mythe :

  • GÉLY, Véronique. Le « devenir-mythe » des œuvres de fiction, Université de Paris 10 (Publié dans
  • Mythe et littérature, éd. par S. Parizet, Paris, Lucie éditions (SFLGC), 2008, p. 179-195).
  • GÉLY, Véronique. « Pour une mythopoétique : quelques propositions sur les rapports entre mythe et fiction », SFLGC, bibliothèque comparatiste, 2006.
  • LECOUTEUX, Claude et Corinne, Contes et légendes du diable, 2021. Editions Imago. ISBN : 978-2-3808-039-6.
  • MARRET, Sophie. « L’inconscient aux sources du mythe moderne », Études anglaises, 2002/3 (Tome 55), p. 298-307.
  • MUCHEMBLED, Robert. Une histoire du diable, XIIe-XXe siècle, Éditions du Seuil, 2000.

Ouvrages et articles théoriques sur la littérature fantastique :

  • LOVECRAFT, Howard Phillips. Épouvante et surnaturel en littérature, Terre de Bume, collection « Terres Fantastiques », 2014.
  • TODOROV, Tzvetan. Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil, 1970.

Ouvrages et articles théoriques sur la bande-dessinée et les arts graphiques :

  • BAETENS, Jan. « Littérature et bande dessinée. Enjeux et limites ». Cahiers de Narratologie, 2009.
  • BAETENS, Jan. « Sur la graphiation, une lecture de traces en cases », Recherches en communication. Vol. 5: La médiatisation des passions sportives, rubrique Arguments,1996.
  • CHALLE Marie, DUJARDIN Anne. « Les éditeurs de bande dessinée et de littérature pour la jeunesse », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2010/32-33 (n° 2077-2078), p. 5-61.
  • CHAMBON, Mathilde. « L’institutionnalisation de la Bande Dessinée en France ». Mémoire de DUT, IUT Paris Descartes, 2019.
  • COUSINÉ, Célie. « La valorisation du lien entre l’auteur et le lecteur de bande dessinée : un enjeu éditorial ». Septembre 2021, Université Toulouse Jean Jaurès (Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master 2 Édition imprimée et numérique. Sous la direction de Clarisse BARTHE- GAY).
  • DEYZIEUX, Agnès. « Les grands courants de la bande dessinée », Le français aujourd’hui. 2008 (n° 161), p. 59-68.
  • FRESNAULT-DERUELLE, Pierre. « Du linéaire au tabulaire », Revue Communications, n° 24. 1976.
  • GERBIER, Laurent. « Découpage fantastique et continuité graphique dans la bande dessinée ». Revue Otrante n° 13 : Fantastique et Bande Dessinée, éditions Kimé.
  • GROENSTEEN, Thierry. « Contre-culture, culture de masse ou divertissement? L’étrange destin de la bande dessinée », Esprit , mars-avril 2002, No. 283, pp. 267-276.
  • GROENSTEEN, Thierry. Système de la bande dessinée, Paris, Puf. 1999, p.190-192.
  • JORRION, Olivier. « Enjeux de l’intercase en bande dessinée », 2018. Mémoire de Master 2 en Lettres Modernes, sous la direction de Philippe MAUPEU. Université Toulouse Jean Jaurès.
  • MC CLOUD, Scott. Understanding Comics (The Invisible Art). HarperPerennial, HarperCollins Publishers, 1994.
  • MÉON, Jean-Matthieu. « Bande dessinée : une légitimité sous conditions ». Informations sociales, 2015/4 (n° 190), p. 84-91.
  • MORGAN, Harry. « La bande dessinée fantastique, genre impossible ». Neuvième art 2.0, 1999MOUCHART, Benoît. Idées reçues, la Bande dessinée, Paris, le cavalier Bleu éditions, 2004.
  • LESAGE, Sylvain. « La bande dessinée, entre mainstream et avant-gardes », Savoir/Agir, vol. 44, no. 2, 2018, pp. 47-53.
  • LETOURNEUX, Matthieu. “Espaces en tous genres. Sérialité des imaginaires spatiaux dans la bande dessinée de genre.” Between 8, 2018.
  • ORY Pascal, MARTIN Laurent, MERCIER Jean-Pierre et VENAYRE Sylvain. L’art de la bande dessinée, Citadelles & Mazenod, 2012.
  • PALTANI-SARGOLOGOS, Fred. Le roman graphique, une bande-dessinée prescriptrice de légitimation culturelle. Université Lumière Lyon 2, 2011.
  • PHILIPPON, Anne. Étude comparative de la réactualisation du motif de la vanité dans la pratique artistique contemporaine. Mémoire soutenu à l’Université du Québec à Montréal, 2013.
  • PIETTE, Jacques-Erick. « L’accession au statut d’artiste des dessinateurs de bande dessinée en France et en Belgique », Sociologie de l’Art, vol. ps2324, no. 1-2, 2015, pp. 111-128.
  • ROUND, Julia. Gothique et bande dessinée, des fantômes entre les cases, 2017, Bournemouth University.
  • TOMICKA, Joanna A. « Le paysage en Vanité dans l’art graphique européen, XVIe-XVIIIe siècles. Pistes de lecture ». Littératures classiques, 2005/1 (N° 56), p. 187-197.

Sur l’adaptation et les intertextualités :

  • BOUGON Marie-Lucie, « Cosmogonie de la fantasy française. Genèse et émancipation », Revue de la BNF, 2019/2 (n° 59), p. 38-47.
  • CARABALLO, Cecilia. La transposition de la littérature à la bande dessinée. La mise en images chez AlbertoBreccia. Thèse de Doctorat en Esthétique, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2016.
  • CHEVALDONNÉ, Yves. « Intertextualités : jeu vidéo, littérature, cinéma, bande dessinée »,
  • Hermès, La Revue, vol. 62, no. 1, 2012, pp. 115-121.
  • DUZEVIN-CAUBET, Caroline. « Dragons à vapeur : vers une poétique de la fantasy néo- victorienne contemporaine ». Littératures. COMUE Université Côte d’Azur, Thèse de doctorat (2015 – 2019), 2017.
  • LUENGO GASCÓN, Elvira. « Transmédialité, multimodalité, sémiotique et heroïc fantasy dans la littérature d’enfance et de jeunesse à l’ère numérique ». Ondina, Revue de Littérature Comparée Enfants et jeunes. Recherche en éducation, n° 6 (2021), pages 12 à 22.
  • SALAGEAN, Claudia Sandra. Enfants des ténèbres « Gothic wanderers, outcasts and rebels » dans la littérature, au cinéma, dans le jeu vidéo et dans le manga, 2016. Thèse de doctorat (lettres) dirigée par Caroline Fischer (Université de Pau et des pays de l’Adour).

Interviews des auteurs de bande-dessinée et podcasts :

Notes

  • 195 Cl. LEVI-STRAUSS, L’Homme nu, Paris, Plon, 1971, p.560.
  • 196 ORY, op.cit., p.568.
  • 197 LETOURNEUX, op.cit., p.16.
  • 198 Une forme de média hybride et métissée.

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