Cet article fait référence à l’introduction et au chapitre 1 et 2 du mémoire de KIABELUA Laurence-Grâce réalisé durant son Master 1 Innovation Entreprise et Société parcours RSE et Développement Durable à l’Université Haute-Alsace – Terra Institute.
Titre du mémoire : Les conséquences socio-économiques des Jeux de Paris 2024 en Île-de-France.
Cet article s’inscrit dans une série de 2 articles consacrés à ce mémoire, à retrouver à la fin.
Sommaire
Introduction
Le 13 septembre 2017 à Lima au Pérou, la ville de Paris a été choisie par le Comité International Olympique afin d’être la ville hôte des Jeux Olympiques et
Paralympiques de 2024 face aux villes de Hambourg en Allemagne, Budapest en Hongrie, et Rome en Italie. Les Jeux Olympiques et Paralympiques sont des événements sportifs internationaux tant attendus chaque quatre ans par les sportifs. Les Jeux Olympiques de Paris 2024 comptent plus de trois cent vingt-neuf épreuves dans trente-deux sports différents.
Ils se dérouleront du 26 juillet au 11 août 2024 et accueilleront plus de dix milles athlètes, plus de deux cent pays dans une trentaine de disciplines sportives. Les Jeux Paralympiques de Paris 2024 quant à eux, se dérouleront du 28 août au 8 septembre 2024 avec environ cinq cent quarante épreuves dans vingt-deux sports différents. Ils accueilleront approximativement quatre mille quatre cent athlètes qui proviennent de cent soixante pays différents.
Les objectifs des Jeux de Paris 2024 sont multiples : ils s’engagent dans une démarche durable[1] car les infrastructures prévues pour les événements encouragent l’usage des transports en commun ou bien de mobilité plus douce et il y a une volonté de réduire l’empreinte carbone des jeux.
De plus, une attention particulière se porte à l’accessibilité pour faciliter la participation des personnes handicapées et cela favorise le processus d’inclusion : cela rentre totalement dans quelques Objectifs du Développement Durable mis en place par l’Organisation des Nations Unies en 2015.
Certains monuments historiques seront utilisés pour certaines compétitions et cela mettra en avant le patrimoine culturel parisien. Cela s’inscrit donc dans une démarche de soft-power de la part de la ville de Paris. Le soft-power[2] se définit comme étant l’habileté d’une nation à influencer et attirer d’autres pays grâce à sa culture, ses valeurs politiques ou environnementales plutôt que d’influencer par sa force militaire ou économique, autrement dit, le hard-power.
Le soft-power permet alors à la France de projeter une image assez attrayante, écologique et positive de sa capitale, qui promeut son patrimoine culturel et renforce la visibilité de la ville et son influence à l’international pacifiquement, en y organisant cet évènement mondialement connu.
Les épreuves des Jeux de Paris 2024[3] seront réparties dans plusieurs villes en dehors de Paris comme à Lille pour certains matchs de basket-ball, Marseille pour les épreuves de voile et Tahiti pour celles de surf. Les sites principaux seront donc dans Paris et sa proche banlieue.
Le Grand Palais à Paris accueillera les épreuves de Taekwondo et d’Escrime, le VTT sera à Elancourt dans les Yvelines, dans la grande couronne de la région parisienne, la gymnastique à La Défense Arena, situé principalement à Nanterre, ville des Hauts-de-Seine situé à moins de sept kilomètres de Paris Centre et les mythiques épreuves d’athlétisme, les cérémonies d’ouvertures et de clôtures qui seront elles, au Stade de France, dans la ville de Saint-Denis, la principale ville du département de la Seine-Saint-Denis, situé en périphérie de Paris.
Nous savons que la plupart des équipements principaux des Jeux de Paris 2024 seront en Seine-Saint-Denis. La Seine-Saint-Denis est un département qui se situe au nord-est de Paris, à proximité du 18e, 19e et 20e arrondissement qui sont connus pour être des arrondissements assez précaires[4], tout comme le département lui-même.
Les villes de ce département qui bénéficieront des équipements et qui seront hôtes des joueurs ou des médias internationaux se situeront majoritairement dans les villes de l’agglomération de la Plaine Commune dont Saint-Denis, La Courneuve, Saint-Ouen-sur-Seine etc. puis dans des villes qui sont situées non loin de l’aéroport Roissy – Charles de Gaulle comme Le Bourget ou Dugny. Le Village Olympique qui héberge tous les athlètes sera situé entre Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et l’Île-Saint-Denis.
Avant même le choix du Comité International Olympique, une grande partie du département de la Seine-Saint-Denis était déjà en travaux mais depuis lors, il y a de plus en plus de travaux en cours car la date approche à grand pas : plusieurs quartiers sont rénovés, des bâtiments sont détruits, des routes sont refaites et on va mettre en place certains projets.
C’est pour cela qu’avec tous les processus en cours post Jeux Olympiques 2024, nous pouvons donc nous demander qu’est ce que vont engendrer les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 en Île-de-France et nous verrons que les Jeux Olympiques vont pouvoir relancer l’économie de l’un des départements le plus précaire de France, la Seine-Saint-Denis, qu’il créera plus de mobilité mais que tout cela peut conduire à des fragmentations socio-spatiale qui peuvent produire des fuites de ses habitants dans la grande couronne d’Île-de-France à cause d’un phénomène de gentrification.
La redynamisation économique de la Seine-Saint-Denis.
Création d’emplois pour les Séquano-Dyonisiens et les Franciliens.
L’accueil des Jeux Olympiques de Paris 2024 représente une opportunité exceptionnelle pour redynamiser le département de la Seine-Saint-Denis. Avec une population de 1,6 million d’habitants5, majoritairement composée de jeunes et de personnes issues de minorités ethniques, la Seine-Saint-Denis connaît une croissance économique et démographique significative depuis la candidature de Paris auprès du Comité International Olympique.
Cette dynamique est renforcée par la création de nombreux emplois directs et indirects liés aux préparatifs des Jeux. Les projets d’infrastructure en cours, notamment la construction du Village des Athlètes, du Centre Aquatique Olympique, et d’autres installations sportives, ont nécessité une main-d’œuvre assez conséquente.
Les maires et les collectivités locales de la Seine-Saint-Denis ont encouragé leurs habitants à postuler pour ces emplois[5][6], que ce soit en tant qu’ouvriers sur les chantiers ou dans des rôles logistiques et organisationnels pour les événements médiatiques internationaux. Les retombées positives en termes d’emploi concernent non seulement les habitants de la Seine-Saint-Denis, mais aussi l’ensemble des Franciliens.
Le projet prévoit la création de cent cinquante mille emplois7, dont une partie sera dédiée aux habitants de la région par le biais de politiques d’insertion[7] et de formation[8].
Ces emplois couvrent un large éventail de secteurs, allant de la construction et la sécurité à l’accueil et la restauration[9], et représentent une opportunité unique de participer à l’organisation d’un événement historique. Les premiers emplois ont été accessibles dès 2021, avec le début des chantiers des sites olympiques.
Cette mobilisation massive contribue à la transformation du paysage urbain et social de la Seine-Saint-Denis, offrant une amélioration durable des infrastructures locales. Les initiatives incluent également des programmes de formation professionnelle et des ateliers d’information pour préparer les jeunes[10] et les demandeurs d’emploi aux opportunités à venir.
En investissant dans le capital humain du département, les Jeux Olympiques de Paris 2024 aspirent à laisser un héritage durable, tant en termes de compétences acquises que de cohésion sociale renforcée. Cette initiative vise non seulement à réduire le taux de chômage local mais aussi à offrir des opportunités de développement professionnel aux résidents[11].
Les opportunités économiques et initiatives inclusives pour la valorisation locale
Étant l’un des départements les plus pauvres de France, la Seine-Saint-Denis est composée de plusieurs habitants au chômage et en manque de diplômes ou de formations professionnelles. Pour cela, dans les Chartes Seine-Saint-Denis Egalité[12] ont été intégrées des actions dédiées aux métiers des secteurs concernés par les Jeux.
Créée dans le cadre des Jeux de Paris 2024, la Fabrique des Jeux[13] accompagne les habitants de Seine-Saint-Denis afin de leur permettre de bénéficier pleinement des opportunités économiques liées aux Jeux Olympiques de Paris 2024 pendant cinq ans. Dès lors, plusieurs acteurs économiques seront accompagnés pour se positionner sur les opportunités de marchés des Jeux de 2024.
Les professionnels de l’insertion en Seine-Saint-Denis seront mobilisés pour positionner les publics sur les recrutements des Jeux, avec une attention particulière pour les personnes au Revenu de Solidarité Active (animation des réseaux professionnels, journée de sensibilisation sur les métiers des Jeux).
Un plan bâtiment à l’échelle de l’ensemble du territoire de la Seine-Saint-Denis permettra de valoriser les métiers du bâtiment et de structurer des parcours professionnels cohérents, en visant notamment les trois mille allocataires du Revenu de Solidarité Active[14] qui sortent chaque année des actions du programme départemental d’insertion et d’emploi.
De plus, un projet innovant a été consacré à la valorisation des langues des habitants de Seine-Saint-Denis dans le cadre de l’appel à projets 100% inclusion[15], afin d’assurer leurs recrutements dans les trois secteurs distingués par la cartographie (bâtiment, organisation, accueil/tourisme).
Par ailleurs, le site France Travail, anciennement Pôle Emploi a étrenné sa plateforme Emplois 2024[16] il y a de cela trois ans, la Maison des Canaux[17] se charge elle de mettre en réseau et d’accompagner les entreprises de l’économie sociale et solidaire via sa plateforme ESS 2024[18].
Mais compte tenu du profil de personnes éloignées de l’emploi qui ont souvent des difficultés de connexion, d’autres solutions, moins « distancielles », étaient heureusement proposées. La Seine-Saint-Denis a ainsi mis en place des actions de sensibilisation aux opportunités liées aux Jeux via le réseau des Voisins Malins[19].
Depuis lors, dans le prolongement de l’engagement de la SOLIDEO[20], le département de la Seine-Saint-Denis a augmenté le nombre de marchés réservés et fixé un objectif de 10% d’insertion. 10 % des heures travaillées sur les chantiers ont été dédiées à des personnes éloignées de l’emploi et 25 % des marchés liés aux Jeux de Paris 2024 attribués dans la mesure du possible à des entreprises de l’économie sociale et solidaire.
Cinq cent vingt-quatre personnes ont déjà bénéficié d’un contrat en insertion sur les chantiers[21], dont un tiers ont aujourd’hui un emploi stable, et huit cent trente-neuf TPE-PME[22] ont pu travailler sur les ouvrages olympiques en 2021. Si on peut prendre quelques exemples, on peut citer : Label Gamelle, traiteur d’insertion montreuillois ou encore Tricycle, entreprise spécialisée dans le remploi de matériaux, interviennent ainsi sur certains des chantiers liés aux Jeux.
Les Jeux Olympiques de Paris 2024 auront un grand impact économique sur le département de la Seine-Saint-Denis, ses habitants et ses entreprises (quelque soit la taille). Pour que les emplois soient accessibles à tous, il faut créer plus de mobilité.
Des mobilités plus durables
Le développement des infrastructures de transport en commun en Île-de-France
La création d’emplois en Seine-Saint-Denis et l’afflux de visiteurs en Île-de-France entraîneront une augmentation significative de la mobilité. La Société du Grand Paris Express joue un rôle crucial en facilitant cette mobilité grâce à la création de nouvelles lignes de métro et au prolongement de certaines lignes de RER ou de métro.
Ces infrastructures permettront un accès plus aisé à des lieux stratégiques de la région, tels que l’aéroport d’Orly, le Stade de France ou encore La Défense U Arena. L’objectif principal est de garantir que les spectateurs des Jeux Olympiques de Paris 2024 se rendent sur les sites de compétition en utilisant exclusivement les transports en commun, afin de promouvoir le développement durable et de lutter contre la pollution.
Cependant, plusieurs défis se posent. Les lignes 16 et 17 du métro Grand Paris Express ne seront pas prêtes pour les JO 2024[23]. Les travaux ont subi des retards dus à la pandémie de COVID-19 et à un tragique accident survenu en décembre 2020 à Aulnay-sous-Bois, où un ouvrier a perdu la vie. Initialement, la ligne 16 devait relier Saint-Denis Pleyel à Clichy-Montfermeil et être opérationnelle d’ici le deuxième semestre 2026.
Quant à la ligne 17, une partie devait être fonctionnelle jusqu’à l’aéroport du Bourget dès le printemps 2024. Ces retards ont contraint les organisateurs à réviser certains plans. Par exemple, le Centre Aquatique Olympique, initialement prévu à Aubervilliers, a été déplacé au quartier de la Plaine Stade de France, à proximité du Stade de France.
Ce réajustement illustre les efforts continus pour garantir que les infrastructures essentielles soient en place à temps, malgré les imprévus. La mise en œuvre de ces solutions alternatives est cruciale pour assurer le bon déroulement des Jeux et pour atteindre les objectifs de durabilité et de mobilité fixés par les organisateurs.
Le déplacement de certains sites ne va pas impacter le réseau francilien actuel qui est toujours en constante évolution : la RATP et la SNCF ont et sont en train de prolonger certaines lignes qui seront accessibles aux quinze millions de spectateurs attendus25. Le métro 14 a été prolongé il y a quelques temps jusqu’à la Mairie de Saint-Ouen et dans quelques jours, il sera officiellement prolongé jusqu’à l’aéroport d’Orly.
Cette prolongation jusqu’à l’aéroport d’Orly est assez stratégique puisqu’il relie l’aéroport avec l’Arena de Bercy, où se déroulent certaines compétitions et avec aussi le village des athlètes à Saint-Ouen. Ce prolongement peut être aussi bénéfique que ce soit pour les visiteurs et les Franciliens dont les habitants de Seine-Saint-Denis qui accèderont plus facilement à l’aéroport d’Orly ou bien à leurs lieux de travail sans trop faire de correspondances.
Les bénéfices des mobilités douces sur les Franciliens
L’apparition des nouvelles lignes et le prolongement de certaines lignes de transport en Île-de-France peuvent contribuer à un bien-être accru pour les Franciliens, particulièrement en matière de santé[24]. Tout d’abord, la diminution de l’utilisation des voitures personnelles réduit les émissions de gaz nocifs pour l’environnement et la santé publique, comme les oxydes d’azote et les particules fines, responsables de maladies respiratoires et cardiovasculaires[25].
L’usage des voitures, notamment en heure de pointe, est également source de stress et de tensions, particulièrement dangereux pour les personnes atteintes de problèmes cardiaques.
Par ailleurs, la hausse des prix du carburant peut aggraver la précarité économique des ménages. En revanche, opter pour les transports en commun présente des avantages économiques considérables. Par exemple, un abonnement de transport pour les zones 2 et 3 coûte moins cher qu’un plein d’essence effectué deux fois par mois.
De plus, certaines entreprises et collectivités locales en Seine-Saint-Denis offrent des remboursements partiels des frais de transport pour les travailleurs à faibles revenus. Cela constitue une aide précieuse pour les familles en difficulté, qui pourraient sinon être contraintes de sacrifier des dépenses essentielles, telles que l’alimentation, pour payer leurs trajets.
Le recours aux transports en commun réduit également le risque de recevoir des amendes pour non-paiement, amendes que les personnes précaires pourraient avoir du mal à régler.
En outre, utiliser les transports en commun encourage l’activité physique, notamment la marche, pour rejoindre les stations ou arrêts. Cette augmentation de l’activité physique quotidienne est bénéfique pour la santé générale. De plus, dans le cadre des préparatifs pour les Jeux de Paris 2024, des équipements sportifs seront mis en place dans des espaces verts accessibles directement par des voies cyclables, piétonnes ou via les transports en commun. Ces installations permettront aux jeunes de Seine-Saint-Denis de bénéficier d’infrastructures sportifs modernes, favorisant ainsi leur santé et leur bien-être.
La création d’une mobilité accrue en Seine-Saint-Denis, tout en favorisant le bien-être et la réduction de la pollution, pourrait également entraîner des inégalités socio-spatiales et des défis pour l’équité territoriale.
Pour plus d’informations sur ce mémoire, n’hésitez pas à vous adresser directement à l’auteure ci-dessous.
KIABELUA Laurence-Grâce
Livres pour approfondir
Articles consacrés à ce mémoire :
1 – Jeux Olympiques Paris 2024 : Impact écologique et économique
2 – Jeux Olympiques Paris 2024 : Gentrification et impact socio-spatial
Notes
[1] OLYMPICS – Notre plan et héritage durabilité
[2] Geoconfluences – soft power
[3] Sites des épreuves des Jeux de Paris 2024
[4] Précarité des arrondissements parisiens et de la Seine-Saint-Denis 5 Population Seine-Saint-Denis
[5] Mobilisation entraîné par les maires
[6] emplois créés dans le cadre des Jeux de Paris 2024
[8] OLYMPICS – Paris 2024 agit pour dynamiser l’emploi et la formation
[9] CCI : Les JO de Paris 2024 : Quelles retombées économiques pour les entreprises ?
[10] Le Figaro – Paris 2024, un accélérateur pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes
[11] Le Parisien – L’emploi en Seine-Saint-Denis profite de la dynamique olympique
[12] Charte Seine-Saint-Denis Egalité
[13] ESS 2024 – #DÉPARTEMENT DE SEINE-SAINT-DENIS – La Fabrique des Jeux monte en puissance
[14] Seine-Saint-Denis – Insertion sur les chantiers des jeux
[15] Travail Emploi – Projet 100% inclusion
[17] Paris : La Maison des Canaux
[20] Société de Livraison des Ouvrages Olympiques : un établissement public pour les ouvrages olympiques
[21] Le Mag Seine-Saint-Denis : les retombées des JO 2024 toujours chiffrées autour de l’emploi
[22] Le Moniteur de Seine-et-Marne – Paris 2024 : les TPE-PME se prennent aux Jeux
[23] Le Parisien – Métro du Grand Paris : les lignes 16 et 17 ne seront pas prêtes pour 2024. 25 Affluence – Gestion de l’affluence pendant les JO de Paris 2024
[24] Santé Publique France – Dossier Urbanisme et Aménagement favorable à la santé : Le Grand Paris peut-il être favorable à la santé ?
[25] François MIRABEL, Mathias REYMOND , Économie des transports urbains, V/ Vers une réduction de la place automobile en ville (2013) page 95-112, Cairn.info