transition écologique secteur automobile

Transition écologique : Réglementation automobile

Cet article fait référence à la partie 2 du mémoire de Master 1 d’Astrid ETONDE réalisé durant son Master 1 Relations Internationales et Diplomatie (2022/2023)

Partie 1.     –     Partie 3.       –    Partie 4.

Titre du mémoire : L’industrie automobile européenne face aux défis de la transition écologique

Depuis les années 1990, l’Union européenne n’a cessé de remodeler son système réglementaire en réponse à la nécessité croissante de prendre en compte les enjeux environnementaux.

Nous en parlions dans l’introduction, la mise en vigueur des traités emblématiques tels que les traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Lisbonne, ont contribué à faire inscrire l’environnement dans l’ADN de l’Union.

En effet, l’article 192 paragraphe 1 et 2 du Traité du fonctionnement de l’Union européenne illustre clairement cette orientation : 

“ 1. La politique de l’Union dans le domaine de l’environnement contribue à la poursuite des objectifs suivants : – la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement, – la protection de la santé des personnes, – l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles, – la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement, et en particulier la lutte contre le changement climatique.

2. La politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union. Elle est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur.”5

Ainsi, de manière générale, et plus spécifiquement au secteur de l’industrie automobile, les enjeux ne se limitent pas seulement à des considérations environnementales, mais ils ont également des répercussions économiques et sociales.

C’est la raison pour laquelle, il convient de mettre en place divers leviers qui doivent être collectivement approuvés par les États membres afin d’atteindre les objectifs fixés.

Dans la suite de notre étude, nous allons d’abord dresser un état des lieux du contexte juridique dans lequel s’inscrit le Plan « ajustement 55 » via l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050 (A).

Ensuite, nous nous concentrerons sur les détails et les dispositions spécifiques de ce plan (B).

Enfin, nous examinerons les conditions nécessaires établies par l’UE pour permettre la décarbonation du parc automobile européen (C).

5 Article 192 du traité de fonctionnement de l’Union européenne

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Des objectifs de neutralité carbone à atteindre d’ici 2050

Dans cette section, nous dresserons un panorama du contexte dans lequel s’inscrit le « Plan ajustement 55 ». Tout d’abord, nous aborderons les Accords de Paris (1) et le Pacte Vert pour l’Europe (2) et nous explorerons les directives relatives aux énergies renouvelables RED I et II (3).

Les Accords de Paris

Les Accords de Paris, conclus lors de la 21e Conférence des Parties (COP21) de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 2015, représentent un accord international historique.

Approuvé par 196 parties, dont 195 pays et l’Union européenne, ces accords sont entrés en vigueur le 4 novembre 2016. Ils ont été salués comme un pas important vers une action collective mondiale visant à atténuer les effets du changement climatique.

Effectivement, les accords mettaient l’accent sur le principe suivant, en « contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels”6.

Son caractère inédit réside dans la portée de l’accord comparé aux accords antérieurs de Kyoto.

En effet, contrairement à l’engagement de 2015, les Accords de Kyoto ne concernaient que les pays développés et ne couvraient qu’une partie limitée des émissions mondiales de GES.

Signé en 1997, le protocole de Kyoto avait pour objectif de réduire les émissions de six GES spécifiques (dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote, hydrofluorocarbones, perfluorocarbones et hexafluorure de soufre) d’au moins 5 % par rapport aux niveaux de 1990 sur une période de cinq ans.

De plus, cet engagement était juridiquement contraignant en comparaison aux accords de Paris basés sur le volontarisme des États.

Il convient d’ajouter que les résultats du Traité de Kyoto ont été mitigés.

D’un côté certains ont globalement réussi à dépasser leur objectif collectif de réduction de 8 %, comme l’UE principalement grâce à la mise en place du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) et à des politiques nationales de réduction des émissions, tandis que certains pays ne sont pas parvenus à atteindre leurs objectifs de réduction.

C’est le cas du Japon qui a connu une augmentation de ses émissions en raison de la catastrophe de Fukushima, et du Canada qui a été confronté à des défis liés à la production de sables bitumineux.

6 Réchauffement planétaire de 1.5 °C. (s. d.). GIEC. https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/SR15_Summary_Volume_french.pdf

La convention de Paris vise à être plus ambitieuse, mais ils exigent néanmoins des

efforts importants. La croissance économique étant souvent liée à la croissance énergétique, il est essentiel de freiner les émissions mondiales.

Dans le cas de l’Union européenne, la diminution  des  émissions progresse à un rythme insuffisant, ce qui nécessite une accélération de la transition vers un modèle à zéro émission nette d’ici 2050.

C’est pourquoi l’UE a mis en place les objectifs du Pacte vert pour relever ce défi.

Le Pacte Vert pour l'Europe

Dès son discours de candidature prononcé le 16 juillet 2019, devant la Présidence de la Commission prononcé devant le Parlement européen, Madame Ursula Von Der Leyen, actuelle, présidente de la Commission européenne, annonçait élever au premier rang son ambition de faire de l’Europe le “premier continent neutre” en carbone d’ici 2050.

Quelques mois plus tard, le 19 décembre 2019, la Présidente pose les premiers actes de sa promesse via la communication du “Pacte Vert pour l’Europe” par la Commission européenne, également appelé “The Green Deal”.

Accentué par la pandémie du Covid-19 et la nécessité de répondre aux besoins de santé et de bien-être des citoyens européens, le Pacte Vert est un plan  d’investissement  de  1000  milliards  d’euros  visant  à  intégrer  les  aspects environnementaux, économiques et sociaux pour une transition écologique juste et durable.

Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, l’UE a renforcé le Pacte par le 8e programme d’action pour l’environnement (PAE), ayant pour ambition d’accélérer la transition verte.

Pour être efficace, le Green Deal couvre un large éventail de domaines d’action à savoir l’action climatique via la lutte contre le réchauffement climatique ; la promotion de l’économie  circulaire  et  la  gestion  des déchets ; la biodiversité ; l’agriculture et l’alimentation durable ; l’efficacité et pour finir le transport durable.

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Nous devons souligner que l’objectif de neutralité carbone est un processus à long terme.

Cependant, il est encourageant de constater les progrès positifs réalisés jusqu’à présent, ce qui laisse présager la réussite des ambitions européennes dans ce domaine.

En matière de réduction des émissions de carbone, l’Union a réalisé des progrès significatifs dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Selon les estimations de la Commission européenne, les émissions de l’UE ont diminué d’environ 24 % entre 1990 et 2019. Cela place l’UE sur la bonne voie pour atteindre son objectif de réduction de 40 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990.

Le Pacte Vert a également permis de stimuler les investissements dans des projets et des technologies liés à la transition écologique.

Le plan de relance de l’UE, appelé « NextGenerationEU » mis en place pour soutenir la reprise économique après le Covid-19 accorde une attention particulière aux investissements verts privilégiant les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, la mobilité durable et la recherche.

Ainsi, des mesures spécifiques ont été prises dans différents secteurs pour promouvoir la durabilité.

Par exemple, dans le secteur de l’agriculture, ou encore le transport en  soutenant  des  initiatives  encourageant  l’adoption  de  véhicules  électriques,  le développement de l’infrastructure de recharge et la promotion des carburants alternatifs.

Dans cette perspective, il est crucial de promouvoir la mobilité durable en raison de son impact important sur les émissions de carbone.

C’est pourquoi l’Union européenne encourage activement l’adoption des énergies renouvelables, qui jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des véhicules électriques.

Dans cette optique, nous examinerons les directives relatives aux énergies renouvelables RED I et RED II.

Les directives RED I et RED II

De l’anglais Renewable Energy Directive (RED), les directives relatives aux énergies renouvelables I et II, qui comme leur nom l’indique, sont des réglementations de l’Union européenne qui visent à promouvoir l’utilisation des énergies renouvelables dans le secteur de l’énergie, en fournissant un cadre réglementaire pour faciliter la transition vers des modes de transport plus propres et plus durables.

Adoptée en 2009, la RED I avait pour conviction d’établir pour chaque État des objectifs  contraignants  concernant  la  part  d’énergie  produite  à  partir de sources renouvelables dans la consommation d’énergie finale brute à atteindre en 2020.

La directive est un réel succès, l’ensemble des pays membres à l’exception de la France, a réussi à atteindre leurs objectifs nationaux.

Selon Eurostat, en 2019, environ 19,7 % de la consommation finale brute d’énergie provenait de sources renouvelables dans l’UE, dépassant ainsi l’objectif initial de 20 % fixé pour 2020.

Alors même que la RED I prévoyait que l’ensemble de l’Union atteigne une proportion de 20 % des énergies renouvelables intégrées dans son mix énergétique pour l’année 2020, la même année le pourcentage s’élevait à 22,1 % selon la Commission européenne.

La seconde directive, mise en vigueur en 2018, vient alors renforcer la précédente en se fixant un palier d’au minimum 32 % d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie d’ici 2030.

Si toutefois, elle a intensifié des dispositions spécifiques pour promouvoir l’utilisation des énergies renouvelables dans les secteurs du chauffage, du refroidissement, et du transport, cette fois-ci la deuxième directive ne fixe pas d’objectif national à atteindre.

D’ailleurs depuis 2021, la directive stipule que la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie ne devrait pas être inférieure à celle de 2020.

Ces directives sont donc des instruments importants pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre du Pacte Vert pour l’Europe et pour accélérer la transition vers une économie plus durable et respectueuse de l’environnement, comme nous pouvons le voir dans la figure ci-dessous

Part d’énergie provenant de sources renouvelables transition énergétique
Figure 4 : Part d’énergie provenant de sources renouvelables

Dans cette première section, nous avons établi le cadre législatif qui a permis à l’Union européenne d’envisager des ambitions de plus en plus élevées, allant jusqu’à la décarbonation totale du parc automobile européen.

C’est dans ce contexte que nous aborderons en détail dans notre prochaine section le Plan « Ajustement 55 », en nous attardant sur la mesure visant à décarboner le parc automobile européen d’ici 2035 (B).

La décarbonation du parc automobile européen

Dans cette section, nous examinerons le plan « Fit for 55 » (1) et les oppositions spécifiques à cette directive émanant de certains pays européens, ainsi que des acteurs industriels et des ONG (2).

Le plan "ajustement 55"

Le 14 juillet 2021, la Commission européenne dévoilait son plan “Fit for 55”, que nous traduisons en français par “ajustement 55”.

Nous lui devons ce nom “d’ajustement à l’objectif 55” en référence à l’objectif de l’UE de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990.

Dans le contexte de la lutte contre le changement climatique et la transition vers une économie plus verte et durable, le paquet législatif, constitué de douze mesures, vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris sur le climat.

Il cherche ainsi à renforcer les politiques existantes dans les domaines de l’énergie, du transport, de l’industrie et de l’utilisation des terres, favorisant ainsi une transition plus rapide vers une économie à faible émission de CO.

Le paquet législatif présenté propose une révision approfondie de plusieurs initiatives clés. Tout d’abord, il met l’accent sur l’efficacité énergétique, visant à optimiser l’utilisation de l’énergie et à réduire la consommation globale.

Ensuite, il promeut les énergies renouvelables en encourageant leur développement et leur intégration dans le mix énergétique.

Une autre mesure importante concerne la taxation de l’énergie, où des ajustements seront apportés pour refléter davantage les impacts environnementaux des différentes sources d’énergie, de façon à inciter à une transition vers des sources d’énergie plus propres et à décourager les énergies fossiles à forte intensité carbonique.

L’ajustement à l’objectif 55 comprend également des propositions spécifiques pour le secteur de l’aviation, avec l’initiative RefuelEU, cherchant à promouvoir l’utilisation de carburants durables et à faible émission de carbone dans l’aviation, de même, pour le secteur maritime, via l’initiative FuelEU.

En ce qui concerne l’utilisation des terres et des forêts, le paquet vise à promouvoir une gestion durable des terres, la protection des forêts et la lutte contre la déforestation.

Un autre volet important est la création d’un fonds social pour le climat, pensé pour atténuer les effets sociaux et économiques de la transition vers une économie plus verte.

Ce fonds soutiendra des mesures pour aider les communautés et les travailleurs affectés par les changements structurels induits par la transition écologique.

Afin d’éviter la fuite de carbone et pour protéger les industries européennes, le paquet législatif comprend également un mécanisme d’ajustement carbone, qui imposera des droits d’importation sur les produits issus de pays ayant des réglementations moins strictes en matière de réduction des émissions de carbone.

Il propose également des mesures pour développer les infrastructures de carburants alternatifs, afin de favoriser l’adoption de solutions de mobilité plus durables, telles que les véhicules électriques et les stations de recharge.

Pour se faire l’ajustement 55 propose des révisions du système d’échange de quotas d’émission de l’UE, visant à renforcer et à étendre ce mécanisme clé de régulation des émissions.

De plus, il prévoit des normes plus strictes en matière de CO pour les voitures et les camionnettes, afin de permettre une transition vers des véhicules plus propres et plus efficaces sur le plan énergétique.

C’est sur cette dernière mesure, la norme de COpour les voitures et les camionnettes, que nous allons nous attarder, car elle représente un levier important pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports.

Effectivement, il est essentiel de rappeler que malgré les efforts de l’UE quant à la baisse de ses émissions de gaz à effet de serre, comme nous l’avons mentionné dans notre Partie 1, le secteur automobile n’a cessé d’augmenter ses émissions depuis 1990.

Un calendrier prévisionnel de décarbonation ?

C’est pourquoi le plan « Fit for 55 » se fixe le défi de réduire les émissions de ce secteur d’ici 2030, en les faisant passer de 29 à 40 % par rapport à 2005.

Dans le même élan, la disposition sur les normes de CO pour les voitures prévoit une diminution progressive des émissions de carbone des véhicules.

Tout d’abord, à partir de 2021 jusqu’en 2024, une limite de 95 grammes de CO par kilomètre par an sera imposée.  Ensuite, de 2025 à 2029, une réduction supplémentaire de 15 % sera visée. De 2030 à 2034, l’objectif sera de réduire les émissions de 55 %.  Enfin, à partir de 2035, l’objectif ultime sera d’atteindre une réduction de 100 % des émissions de CO des voitures.

La faisabilité de ce plan repose principalement sur son approche progressive et à long terme.

La Commission européenne prévoit une évaluation approfondie des progrès réalisés dans la réduction des émissions à partir du 31 décembre 2025.

Cette évaluation, qui se tiendra tous les ans à compter de cette date, tiendra compte des évolutions technologiques et visera à atteindre l’objectif de la décarbonation du parc automobile européen.

Cette approche progressive reconnaît que la transition vers une économie faible en carbone nécessite des avancées technologiques et des adaptations de grande envergure.

En évaluant régulièrement les progrès réalisés, l’UE pourra ajuster et mettre à jour les politiques en fonction des développements technologiques, tout en garantissant que les objectifs de réduction des émissions restent réalisables et réalistes.

Par son aspect préventif, le plan offre également aux acteurs du secteur automobile le temps nécessaire pour s’adapter et innover.

Les fabricants auront l’occasion d’investir dans la recherche et le développement de technologies plus propres et plus efficaces, tout en s’assurant que les véhicules répondent aux normes de CO de plus en plus strictes.

D’autant plus que nous verrons un peu plus tard que l’UE a prévu tous les verrous pour qu’au niveau des constructeurs les objectifs puissent être respectés.

Afin d’assurer une transition harmonieuse du parc automobile européen, il est crucial que tous les États membres parviennent à un consensus.

Cependant, il est important de souligner qu’il existe des disparités notables entre certains pays, notamment l’Allemagne, l’Italie et la Pologne.

Quelques oppositions

Suite à l’annonce de la Commission, nombreux sont les États qui ont annoncé leur intention d’accélérer l’introduction de véhicules à émission nulle, certains ont même annoncé vouloir mettre un terme à la vente de voitures consommant des énergies fossiles sur leur territoire avant 2035 à l’instar de la France.

En dépit des ambitions élevées du projet de l’ajustement à l’objectif 55 est loin de faire l’unanimité à bien des égards que ce soit au niveau des États, des industriels et des ONG.

Au niveau des états, on peut associer cette dissension par rapport au niveau de l’état de la décarbonation du mix énergétique de chacun des pays. Il diffère également en fonction de l’importance de l’usage de la voiture dans le pays.

Dans cet article, nous analyserons les cas d’opposition de l’Allemagne, de l’Italie et de la Pologne avant de nous pencher sur l’avis des industriels et des ONG.

Les négociations allemandes

L’industrie automobile occupe une position prépondérante en Allemagne, faisant du pays l’un des principaux producteurs mondiaux de voitures.

En dépit des défis posés par la pandémie, l’année 2020 a vu la production de 3,5 millions de véhicules en Allemagne, représentant environ 16% de la production totale de l’Union européenne.

De plus, environ 2,9 millions de voitures particulières neuves ont été immatriculées dans le pays au cours de cette même année. En ce qui concerne le mix énergétique, l’Allemagne dispose d’une diversité significative.

Selon les chiffres de TotalEnergies, en 2021 l’énergie renouvelable représente 36,59 % de la production totale d’électricité dans le pays.

Le charbon représente 27,96 %, le gaz 14,86 %, le nucléaire 12,26 %, l’hydroélectricité 3,30 % et le pétrole 0,83 %.

Engagée  dans  sa  stratégie  de  transition  énergétique  connue  sous  le  nom d’Energiewende, l’Allemagne s’est fixé l’objectif de devenir neutre en carbone d’ici 2045, comme le stipule sa loi sur la protection du climat adoptée le 31 août 2021.

Cependant, lors du vote sur la loi Fit for 55, qui nécessitait une majorité qualifiée, l’Allemagne s’est opposée, exigeant des engagements supplémentaires concernant l’utilisation des carburants de synthèse dans les véhicules à combustion après 2035.

Le ministre des transports, Volker Wissing, a déclaré : « Nous avons toujours affirmé clairement que la Commission européenne devait présenter une proposition sur la manière dont les carburants synthétiques pourraient être utilisés dans les moteurs à combustion après 2035 (…). Ce qui manque maintenant, c’est la concrétisation de cet engagement. »

Cette proposition a été vivement critiquée par l’Union européenne en raison de l’aspect énergivore des carburants synthétiques, également appelés « e-fuels », qui sont produits à partir de CO2 extrait des activités industrielles.

Les e-fuels sont des carburants liquides ou gazeux d’origine non-biologique dont la combustion entraîne des émissions de gaz à effet de serre inférieures à un certain seuil.

Le processus de fabrication de ces carburants neutres en carbone, qui implique des processus chimiques complexes, va à l’encontre du plan Fit for 55 car ils peuvent être utilisés dans les véhicules à combustion.

Cependant, grâce à son poids dans l’industrie automobile européenne, représentant 8 % du PIB de l’UE, l’Allemagne a réussi à obtenir gain de cause. Ainsi, fin juin 2022, le Conseil Environnemental a annoncé que « après consultation des parties prenantes, la Commission présentera  une  proposition  concernant  l’immatriculation  après  2035  des  véhicules fonctionnant exclusivement avec des carburants neutres en CO2, conformément au droit de l’Union ».

Cette décision permettra aux constructeurs automobiles de continuer à vendre des voitures à moteur thermique.

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L'abstention italienne

L’Italie s’oppose vivement à l’objectif de réduction des émissions de 100 % d’ici 2035 et ne prévoit aucune mesure en faveur des carburants renouvelables.

En raison de son fort secteur industriel, l’industrie automobile italienne emploie près de 270 000 salariés directs ou indirects, représentant 5,2 % du PIB en 2022. Dans le pays, les intérêts industriels ont souvent pris le pas sur les enjeux environnementaux, ce qui a entraîné un retard dans l’électrification des voitures et l’infrastructure de recharge.

Par exemple, comparé aux Pays-Bas qui disposent de 90 000 points de recharge électrique, l’Italie n’en compte que 36 000.

Face à cette situation, le gouvernement italien a demandé à la Commission européenne d’autoriser les biocarburants afin de maintenir les activités économiques liées à l’industrie des moteurs thermiques.

Cependant, ces demandes italiennes ont été rejetées par l’Union européenne. Le vice-président du Conseil des ministres italien, Matteo Salvini, a appelé à un blocage majoritaire, qualifiant l’objectif de l’ajustement à l’objectif 55 de « folie » qui détruirait  des  milliers  d’emplois. 

Selon  le  Comité  de  Liaison  de  la  Construction d’Équipements et de Pièces d’Automobiles (CLEPA), la décarbonation du parc automobile en Italie entraînerait la perte de plus de 60 000 emplois d’ici 2035, uniquement pour les fournisseurs automobiles.

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Le refus Polonais

La Pologne a été le seul pays à voter contre l’adoption du texte Fit for 55, en tant que pays fortement dépendant du charbon pour sa production d’électricité, la transition vers des véhicules électriques et des énergies renouvelables représente un défi majeur pour le pays.

La Pologne est la plus grande productrice de charbon de l’Union européenne et utilise encore largement cette source d’énergie pour alimenter son réseau électrique.

Par conséquent, la réduction des émissions de CO2 dans le secteur des transports, qui repose principalement sur les énergies fossiles, est considérée comme une menace économique par le gouvernement polonais. De plus, la conservation des industries minières dans le pays accroît sa dépendance au charbon.

Ainsi, la transition vers des véhicules électriques et des énergies renouvelables pourrait susciter des préoccupations au niveau social et économique.

Cependant, des discussions et les négociations entre la Pologne et l’Union européenne sont en cours pour trouver des compromis et des mesures d’atténuation qui tiennent compte des préoccupations spécifiques de la Pologne tout en respectant les objectifs climatiques globaux.

Les États membres ne sont pas les seuls à s’être opposés à la directive européenne, les ONG ainsi que les industriels ont émis certaines réserves.

Premièrement d’après l’ONG Réseau Action Climat, pour avoir un impact, l’ambition européenne ne devrait pas fixer son objectif à 55 %, mais bel et bien à 65 %.

Ajouté à cela, l’association reproche à l’UE d’encourager l’utilisation des véhicules à émission nulle, sans toutefois donner de grande incitation à l’utilisation du transport public et à son développement.

Quant aux industriels, ils soulignent que la mise en œuvre des mesures proposées par le plan Fit for 55 entraînera des coûts élevés pour les entreprises.

La transition vers des technologies plus propres et l’adaptation aux nouvelles réglementations nécessiteront des investissements importants, ce qui peut peser sur la rentabilité des entreprises, en particulier pour les industries intensives en énergie.

De plus, les constructeurs estiment que le plan ne prévoit pas suffisamment de mesures de soutien et d’incitations pour accompagner la transition vers une économie bas-carbone. Ils demandent des incitations fiscales plus importantes, des subventions à la recherche et au développement de nouvelles technologies.

Toutefois, l’Union européenne a envisagé tout un ensemble de mécanisme pour permettre l’efficacité du processus de décarbonation du parc automobile.

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Des normes et réglementations de plus en plus strictes pour les constructeurs

Il est important de mettre en évidence que la volonté de réduire les émissions de GES dans le secteur automobile, n’est pas un phénomène nouveau.

En effet, dès les années 1990, la Commission a tenté de lancer une politique ambitieuse, mais qui s’est avérée incomplète et inefficace.

Cette politique reposait initialement sur trois piliers : une baisse des émissions des voitures neuves, une fiscalité incitative et un étiquetage pour informer le consommateur.

L’engagement pris en 1998, avec l’objectif de réduire les émissions de 25 % par rapport à 1995, afin d’atteindre une moyenne de 140 g/km en 2008, s’est avéré être un échec du fait de la demande croissante de voitures plus grandes et plus puissantes a rendu difficile la réduction des émissions, ce qui a entraîné une augmentation de la consommation de carburant et des émissions de CO.

Face à ce constat, l’Union européenne a donc dû revoir sa stratégie, en passant d’une logique s’appuyant sur la responsabilité et le bon vouloir des constructeurs à une logique d’obligation.

Bien avant le plan d’ajustement 55, la Commission avait posé une première limite en en imposant dès 2009 une limite de 130 g/km d’émission de CO aux constructeurs automobiles.

En 2013, l’UE pousse d’un cran ses limites, en imposant une limite de 95 g/km pour 2021, soit un nouvel effort de 35 g/km.  Désormais, nous l’avons vu, d’ici 2035 l’Union met tout en œuvre pour que les voitures consomment 0 g/km pour les émissions de CO des voitures.

Pour y parvenir, cette section se penchera d’abord sur le système d’obligation qui repose sur l’imposition d’amendes aux constructeurs pour assurer leur conformité (1), puis examinera les verrous juridiques mis en place par l’UE pour atteindre ces objectifs (2).

Des sanctions pour les constructeurs automobiles en cas de non-respect des normes

Face à l’urgence de la situation, les constructeurs automobiles se trouvent dans une position délicate, étant contraints de redoubler d’efforts pour atteindre les objectifs fixés par l’Union européenne, selon les estimations, il sera nécessaire de réduire les émissions moyennes de CO des voitures neuves de 10 grammes par an. Une des principales mesures pour assurer la faisabilité de ces normes repose sur la mise en place de sanctions financières.

En effet, chaque gramme excédant l’obligation de 2018 de ne pas dépasser 95 g par kilomètre entraînera une amende imposée aux constructeurs, pouvant atteindre rapidement des montants astronomiques, se chiffrant en milliards d’euros pour ceux qui ne respecteraient pas les règles établies.

Un levier supplémentaire consiste à mettre en place un système de bonus-malus indexé sur le poids et l’utilisation en mode électrique des voitures au niveau européen. Cette mesure vise spécifiquement à décourager l’achat de véhicules SUV, grâce à un mécanisme du bonus-malus reposant sur des incitations financières.

Le malus correspond à une taxe additionnelle imposée aux véhicules émettant des niveaux élevés de CO, tandis que le bonus représente une récompense financière accordée aux véhicules à faibles émissions de CO. En raison de leur consommation élevée, les SUV sont généralement plus lourds et équipés de moteurs plus puissants, ce qui entraîne des niveaux d’émissions de CO par kilomètre parcouru plus élevés.

Par conséquent, ce système impose des malus plus élevés à ces véhicules émettant des quantités importantes de CO2, ce qui se traduit par un coût d’acquisition plus élevé pour ces voitures. Cela contribue à promouvoir des choix de véhicules plus respectueux de l’environnement et à réduire les émissions de CO dans le secteur automobile.

Par exemple, en Norvège, pour dissuader les ménages d’acheter des voitures toujours plus grosses et plus, le pays a prévu que la Smart ForTwo de bénéficier d’un bonus de 1 500 euros à l’achat, tandis qu’une Audi Q7 devrait s’acquitter d’un malus de 17 500 euros.

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En application des systèmes de bonus-malus dans le secteur automobile, certaines villes européennes adoptent également des mesures complémentaires pour promouvoir des véhicules à très faibles émissions et réduire la pollution atmosphérique.

Ces mesures comprennent la création de zones à faibles émissions où seuls les véhicules respectant des critères stricts peuvent circuler.

À l’instar de Londres et de Paris, plusieurs villes européennes ont mis en place des zones à faibles émissions, également connues sous le nom de zones à circulation restreinte (ZCR) ou de zones à émissions réduites (ZEZ).

Ces zones sont souvent situées dans les centres-villes et sont destinées à réduire la pollution atmosphérique en limitant l’accès des véhicules les plus polluants. Elles encouragent les propriétaires de véhicules à opter pour des options de transport plus respectueuses de l’environnement et incitent les constructeurs automobiles à produire des véhicules à faibles émissions pour répondre à la demande croissante.

Pour permettre la bonne application de ces mesures, l’Union européenne a prévu des normes contraignantes et des verrous juridiques. Ces normes jouent un rôle essentiel dans la transition  vers  une  mobilité  durable  et  contribuent  à  l’atteinte  des  objectifs environnementaux de l’Union européenne.

Des verrous juridiques pour permettre le respect de ces règles

Dans le contexte de la réalisation des objectifs du plan « ajustement 55 », l’Union européenne reconnaît l’importance d’une approche progressive dans l’adoption de normes, en particulier pour les véhicules spécifiques.

Avant d’aborder les normes telles que le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et le système d’échange de quotas d’émission (SEQE), nous examinerons la manière dont l’UE envisage la transition verte des véhicules particuliers.

La Commission européenne a pris en considération la situation particulière des petits constructeurs automobiles, qui se différencient des grands constructeurs mondiaux en produisant un nombre limité de véhicules par an.

Ces entreprises spécialisées opèrent dans des segments spécifiques tels que les voitures haut de gamme, les véhicules de luxe, les véhicules électriques ou les voitures personnalisées fabriqués par des marques telles que Bentley, Bugatti ou Lotus.

Contrairement aux grands constructeurs, qui sont tenus de répondre strictement aux exigences du plan « Fit for 55 », les petits constructeurs bénéficient d’une réglementation plus souple. Chaque petit constructeur devra veiller à ce que les émissions moyennes de CO de l’année civile ne dépassent pas leur objectif annuel. Ils sont autorisés à continuer à vendre des voitures à combustion, à condition de ne pas dépasser ces objectifs annuels.

Toutefois, s’ils dépassent la limite de 95 g de CO par kilomètre, ils seront soumis à des amendes. Cet assouplissement réglementaire, qui restera en vigueur jusqu’en 2035, vise à trouver un équilibre entre la promotion de normes environnementales plus strictes et la reconnaissance des défis auxquels sont confrontés les petits constructeurs, tout en les encourageant à progresser vers des véhicules plus respectueux de l’environnement.

La Commission européenne prévoit de renforcer la limitation maximale des crédits d’émission  accordés  aux  constructeurs  automobiles.  Ces  crédits  représentent  des autorisations permettant aux fabricants de produire une certaine quantité de gaz à effet de serre, obtenue grâce au développement de l’innovation technologique visant à démontrer une réduction significative des émissions de CO. Cette limite actuelle est fixée à 7 g/km par an pour chaque réduction de CO.

Cependant, à partir de 2030, cette limite sera abaissée à 4 g/km afin de contraindre les constructeurs à réduire davantage leurs émissions.

En réduisant le nombre de crédits d’émission alloués, la Commission européenne incite les constructeurs à investir davantage dans des solutions de mobilité à faibles émissions et à accélérer l’adoption de technologies plus durables.

hansjorg keller CQqyv5uldW4 unsplash Transition écologique : Réglementation automobile

Harmonisation de la méthode d'évaluation des émissions de CO2

De façon à s’accorder sur l’ensemble de l’UE concernant la méthode commune d’évaluation des émissions de CO sur l’ensemble du cycle de vie des voitures sur le marché de l’UE.

En harmonisant la méthode d’évaluation des émissions de CO, l’UE favorise également la concurrence équitable entre les constructeurs automobiles en s’assurant que tous les acteurs du marché respectent les mêmes normes et critères. Ainsi, l’UE pour mieux mesurer et contrôler l’impact environnemental des voitures vendues sur son marché,

Les deux mécanismes phare du Plan “Fit for 55” demeurent le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et le système d’échange de quotas d’émission (SEQE).

Bien que ce ne soit pas une invention de l’ajustement 55, celles-ci ont été conçues de manière à être plus contraignantes dans la poursuite de la décarbonation du parc automobile européen.

En effet, le MACF vise à réduire les fuites de carbone en imposant des ajustements aux importations de produits à forte intensité de carbone provenant de pays tiers.

Cela signifie que les produits importés, fabriqués selon des méthodes moins respectueuses de l’environnement ou avec une empreinte carbone élevée, seront soumis à des tarifs ou à des obligations d’achat de quotas d’émission. Ainsi, les entreprises sont incitées à investir dans des technologies plus propres et à réduire leurs émissions de CO.

En parallèle, le SEQE permet aux entreprises de négocier et d’échanger des quotas d’émission. Il fixe une limite totale aux émissions de CO autorisées dans l’ensemble de l’UE et attribue des quotas aux entreprises.

Si une entreprise émet moins que son quota alloué, elle peut vendre ses excédents à d’autres entreprises dépassant leur quota. Cette approche incitative encourage les entreprises à réduire leurs émissions et contribue à une réduction globale des émissions de CO.

Nous pouvons donc dire que le MACF agit en amont, en incitant les entreprises étrangères à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement, tandis que le SEQE agit en aval, en encourageant les entreprises nationales à réduire leurs émissions.

Ensemble, ces normes témoignent de l’engagement de l’UE à promouvoir des normes environnementales plus strictes et à encourager la transition vers une économie à faible émission de carbone dans le secteur automobile.

Finalement, la signature des accords de Paris l’Union a construit doucement mais sûrement un nouveau modèle juridique induit par la transition écologique.

À travers des initiatives telles que le Pacte Vert pour l’Europe, la directive sur les énergies renouvelables et le plan « ajustement à l’objectif 55 », l’UE n’a cessé de durcir son modèle normatif en le rendant plus contraignant tant pour les États, que pour les constructeurs.

Désormais, l’objectif de l’ensemble des acteurs de l’UE demeure la neutralité carbone d’ici 2050. Nous ne cessons de le répéter, la décarbonation du parc automobile européen est un élément essentiel à la réussite de cette cible.

Toutefois, ce virage vert, entamé par les politiques et fabricants automobiles, nécessite des avancées technologiques reposant sur des matières premières largement contrôlées par le marché chinois.

Alors même que l’UE cherche à se défaire de sa dépendance aux énergies fossiles russe, il serait alors tentant de se tourner vers le marché chinois pour l’accès aux matières premières critiques pour faire de l’Europe le premier continent neutre.

Cependant, l’UE a appris de ses erreurs passées et est consciente du risque que pourrait représenter une nouvelle dépendance.

C’est pourquoi, nous verrons dans notre troisième partie comment l’UE compte conserver son autonomie stratégique tout en évitant de nouvelle dépendance.

Pour rappel, l’article présente uniquement la partie 2 du mémoire. Pour accéder au protocole, données ainsi qu’à la discussion du présent document, n’hésitez pas à vous adresser directement auprès de l’auteur.


Partie 1.     –     Partie 3.       –    Partie 4.

 

Astrid ETONDE

Astrid ETONDE

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