Écologie radicale, Jean-Christophe Rufin, convictions écologiques, croyances écologiques, parcours initiatique, radicalisation des personnages, hard ecology, actes répréhensibles, acteurs des évènements, rejet de l'écologie radicale

Analyse de l’écologie radicale dans l’œuvre de J-C. Rufin

Cet article fait référence au chapitre 2 (A) du mémoire de Nicolas POYAU réalisé durant son Master II Écriture, Culture, Médias à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3(2021/2022)

Titre du mémoire : L’illustration de la pensée écologique française dans La Fonte des glaces de Joël Baqué et Le Parfum d’Adam de J- C. Rufin – Une étude du rapport entre l’Homme et l’animal dans la littérature écologique

Chapitre 2 (A) : Les convictions et croyances écologiques développées – Le rejet d’une écologie radicale

Cet article s’inscrit dans une liste de 12 articles consacrés à ce mémoire, à retrouver à la fin.

Les convictions et croyances écologiques développées

Le parcours initiatique tel qu’étudié précédemment ne conduit pas à une radicalisation des personnages. Ces derniers peuvent commettre des actes répréhensibles à leur insu. Toutefois ils ne sont pas pleinement acteurs des évènements potentiellement assimilables à de la hard ecology

Le rejet d’une écologie radicale

Dans l’œuvre de J-C. Rufin le personnage principal est complice sans le savoir des agissements d’un groupuscule lié à la hard ecology. Toutefois il développe une conception de la nature opposée à celle de ces manipulateurs. L’auteur détaille très précisément les idéaux de l’organisation écologique radicale appelée les “Nouveaux prédateurs”.

Le parcours du personnage principal permet ainsi de détailler la pensée et le fonctionnement d’un groupe qui se fonde sur cette théorie. J-C. Rufin décrit dans son œuvre un groupe terroriste dont les agissements sont représentatifs selon lui des menaces politiques actuelles[1] : 

Du coup on oublie le visage que peut prendre l’écologie dans d’autres pays, aux Etats-Unis ou en Angleterre par exemple. Le terrorisme écologique est pourtant pris très au sérieux par les services de sécurité de ces Etats. Le FBI a été jusqu’à considérer que l’écoterrorisme constituait la deuxième menace aux Etats-Unis, derrière le fondamentalisme islamiste. 

L’auteur reprend ainsi un fait de société et décide de construire les agissements d’un groupe terroriste écologique autour de la pensée de la hard ecology. J-C. Rufin s’emploie tout au long du roman à détailler ces agissements extrêmes qui sont réalistes selon Luc Semal. Ce dernier rappelle dans sa thèse Militer à l’ombre des catastrophes[2] que :

Le recours à des formes diverses d’action directe non-violente a pu être étudié dans le cadre des mobilisations écologistes, notamment dans le cas des campagnes très médiatisées contre des programmes autoroutiers au Royaume-Uni, contre les OGM, contre des infrastructures aéroportuaires, etc.

Ces engagements ont également été nourris par l’émergence du mouvement altermondialiste, et plus généralement par un renouveau transnational des mouvements contestataires qui a contribué au renouvellement des répertoires d’action collective.

Quelques auteurs se sont intéressés aux controverses sémantiques qui entourent ces pratiques, parfois qualifiées d’éco-sabotage, voire d’écoterrorisme – le premier terme étant revendiqué par des organisations comme Earth First!, qui s’inspirent des romans de l’étatsunien Edward Abbey, tandis que le second est davantage utilisé par leurs opposants, de manière à disqualifier des pratiques ainsi rapprochées de quelques cas extrêmes comme les meurtres perpétrés par Unabomber. 

L’association les “Nouveaux Prédateurs” peut ainsi être rapprochée d’un groupe d’activiste bien réel : Earth First!. Les deux groupes ont les mêmes idéaux dérivés d’un même fondamentalisme naturalisme américain relayé par la littérature de la wilderness. Les “Nouveaux Prédateurs” fondent en effet leurs actions sur la nécessité de respecter davantage la nature que l’homme. La pensée fondatrice des acteurs majeurs du groupe provient d’un cours universitaire.

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Ce socle théorique qui rapproche les différents activistes est décrit comme philosophique. Selon leur professeur des actes inhumains permettraient de préserver et même de sauver la nature. Ces propos sont détaillés au lecteur lors d’une interview [3] :

[…] les sociétés primitives vivaient en équilibre avec la nature et la nature leur prodiguait tout l’abondance. Mais la clef de cette harmonie, c’était le nombre. Pour qu’ils vivent dans l’abondance, il fallait que les membres de ces tribus restent en nombre limité et stable. D’où les rites pour supprimer tous les excédents : exposition de nouveaux nés, sacrifices humains, castration des ennemis, anthropophagie rituelle, célibat forcé pour une partie de la population. A partir du moment où cet équilibre a été rompu, l’homme a proliféré et est devenu le meurtrier de la nature. 

Cette dernière phrase pourrait s’inscrire dans la mouvance d’un groupe tel que Earth First!. Ce propos éclaire le lecteur sur les futurs agissements des “Nouveaux Prédateurs”. 

Juliette, manipulée par ce groupe, est ainsi poussée à verser un virus issu du choléra dans les canalisations d’un bidonville. Le personnage principal est ici victime de cette idéologie et n’est présenté à aucun moment comme un membre pleinement convaincu du groupe. J- C. Rufin ne semble pas proposer un recul réflexif sur ses personnes, qui n’agissent pas de manière active pour l’écologie.

Au contraire le parcours du personnage principal illustre au lecteur ce qui est décrit comme une trahison de la cause écologique par les membres les plus virulents de l’organisation. L’auteur approfondit ainsi davantage le caractère terroriste de ces organisations. De ce fait Le Parfum d’Adam s’écarte des œuvres littéraires et sociologiques qui selon Luc Semal permettent de réfléchir sur le manque d’engagement écologique [4] : 

Ainsi, des partis verts aux pratiques désobéissantes, […] la diversification foisonnante des incarnations politiques des préoccupations écologistes a suscité une variété tout aussi foisonnante d’études sociologiques. Mais la plupart des pratiques politiques ainsi étudiées relevant de la normalisation ou de l’institutionnalisation, il en ressort logiquement l’impression que le catastrophisme initial de l’écologisme s’est dilué avec le temps, qu’il a été comme « perdu de vue », par les militants comme par les sociologues qui les étudiaient.

C’est à ce stade que l’analyse des mouvements émergents pour la décroissance et pour la transition peut enrichir la sociologie des mobilisations écologistes, en nous amenant à nous interroger sur le pourquoi de ces mobilisations catastrophistes elles-mêmes, mais aussi, en creux, sur cet étonnant phénomène d’euphémisation de la dimension catastrophiste dans la sociologie des mobilisations écologistes en général. 

J-C. Rufin ne s’inscrit clairement pas dans cette démarche et ne nuance pas son propos pour enjoindre le lecteur à réfléchir. Le dénouement de son œuvre est centré autour de l’échec de ce groupe d’activiste. Les “Nouveaux Prédateurs” sont clairement désignés comme une menace tout au long de l’œuvre46 : 

Roguluski pense que la pandémie créée, la septième pandémie historique du choléra, devrait toucher deux milliards de personnes et en supprimer cinquante pour cent. 

Le roman se conclue sur les paroles de Juliette qui prend conscience du caractère extrême de cette pensée. Elle souligne ainsi le caractère néfaste de l’extrémisme écologique symbolisé par les “Nouveaux Prédateurs”. Le personnage principal détaille ainsi directement au lecteur les erreurs de jugement qui l’on amenée à croire momentanément à cette idéologie[5] : 

Personne [Harrow, un militant des Nouveaux Prédateurs] ne m’avait fait aussi nettement penser à la terre, à sa fragilité, à la mort qui la menace. […] Cela je ne le renie pas. Et pourtant Harrow avait tort. La solution qu’il proposait de mettre en œuvre était monstrueuse. Son raisonnement, quand il le formulait était convaincant : l’homme tue la terre ; il faut la protéger de lui. Ou était l’erreur ? […] Il se croyait ennemi de la civilisation industrielle et ne cessait de le répéter. En réalité il en était le plus parfait serviteur. 

Juliette est ainsi marquée par le sentiment du devoir écologique que lui a transmis Harrow. Le discours de ce dernier, quoique extrême, pousse Juliette à adhérer à ses objectifs. En revanche les valeurs que le personnage lie au concept de défense écologique son relativisés par Juliette.

Cette distinction entre ce qui est nécessaire (défendre des valeurs d’une symbiose idéaliste entre l’Homme et la nature) et ce qui est possible (une transformation de l’environnement qui ne se fait pas au détriment des principes d’humanités tel qu’expliqués dans la charte de l’ONU) est un des fondements du roman de J-C. Rufin. L’auteur s’attaque au problème complexe de la violation de la loi en faveur de la cause écologique.

Ces actions écologiques sont considérées comme destructrices et radicales par l’auteur comme nous le verrons plus tard. J-C. Rufin dénonce ainsi par le biais des paroles de Juliette les pratiques écologiques qui iraient à l’encontre de l’homme. L’excès ces dernières sont mêmes comparées à la production industrielle qui détruit l’environnement. Les agissements extrêmes des “Nouveaux Prédateurs” sont clairement associés par l’auteur à la mouvance militante issue de la hard ecology, et sont dénoncés en tant que tel. 

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Pour plus d’informations sur ce mémoire, n’hésitez pas à vous adresser directement à l’auteur ci-dessous.

Nicolas POYAU

Nicolas POYAU

Livres pour approfondir

Articles consacrés au mémoire

Liste des 12 articles consacrés au mémoire de Nicolas POYAU :

1 – Reconstruction de l’Identité Écologique : Redécouverte de la Faune

2 – Reconstruction de l’identité écologique : Un Voyage Initiatique vers la Nature

3 – Analyse de l’écologie radicale dans l’œuvre de J-C. Rufin

4 – Écologie, Animaux et Animisme dans La Fonte des glaces et Le Parfum d’Adam

5 – La cause animale : Pensée écologique, Écocentrisme et Littérature

6 – Le symbole animal dans l’espace sociétal : réflexions écologiques profondes

7 – Enjeux des Associations Écologiques dans l’Œuvre de J-C. Rufin

8 – Rapprochement avec la Nature : Témoignage Réaliste dans le Roman de Joël Baqué

9 – La Fonte des glaces : Louis et les Manchots Empereurs

10 – Animaux et dignité : l’expérience animiste de Louis contre la religion

11 – Critique de l’anti-spécisme dans « Le Parfum d’Adam » de J-C. Rufin

12 – Dénonciation des Riches dans l’Écologie: Analyse des Romans


Notes

[1] J-C. Rufin, Le Parfum d’Adamop. cit. note 27. 

[2] L. Semal, Militer à l’ombre des catastrophes : contribution à une théorie politique environnementale au prisme des mobilisations de la décroissance et de la transition., thèse, Université du Droit et de la Santé, Lille II, 2012, p. 154, URL : archives-ouvertes.fr/tel-01659916. 

[3] J-C. Rufin, Le Parfum d’Adamop. cit. note 27, p. 467. 

[4] L. Semal, Militer à l’ombre des catastrophes : contribution à une théorie politique environnementale au prisme des mobilisations de la décroissance et de la transition., thèse, Université du Droit et de la Santé, Lille II, 2012, p. 155, URL : archives-ouvertes.fr/tel-01659916.             46 J-C. Rufin, Le Parfum d’Adamop. cit. note 27, p. 623. 

[5] J-C. Rufin, Le Parfum d’Adamop. cit. note 27, p. 750.

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