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Environnement : Autonomie stratégique de l’Union européenne

Cet article fait référence à la partie 3 du mémoire de Master 1 d’Astrid ETONDE réalisé durant son Master 1 Relations Internationales et Diplomatie (2022/2023)

Partie 1.     –     Partie 2.       –    Partie 4.

Titre du mémoire : L’industrie automobile européenne face aux défis de la transition écologique

Rétrospectivement, nous pouvons dire que la pandémie du Covid a été une période très formatrice pour l’Union dû au fait qu’elle lui a permis de la mettre face à ses failles.

Effectivement, la délocalisation massive de certains domaines d’activités au nom des bienfaits de la mondialisation et de la coopération internationale s’est avérée être un handicap durant la période de confinement.

Les réalités ont donc été les suivantes : dans le secteur médical et pharmaceutique, l’Union a pu difficilement se fournir de manière suffisante en fournitures médicales essentielles, telles que les équipements de protection individuelle (EPI), les tests de dépistage, les médicaments et les vaccins.

La pandémie a entraîné des interruptions de la production et des exportations de médicaments essentiels dans certains pays de l’UE, causant des pénuries.

La crise a mis également en évidence la dépendance de l’UE à l’égard des technologies numériques et des infrastructures de communication.

L’augmentation du télétravail, de l’apprentissage en ligne et des services numériques a nécessité une connectivité fiable et une infrastructure numérique robuste.

Il en va de même pour le secteur agricole, qui du fait de la perturbation des chaînes d’approvisionnement a souligné la dépendance de l’UE à l’égard de l’importation de produits alimentaires, notamment de certains produits frais.

En somme, l’UE a dû se rendre à l’évidence, elle doit pallier tous ces problèmes de dépendance qui de surcroît ont un impact sur la santé et le bien-être de ses concitoyens, en plus de soulever des problématiques d’absence d’autonomie stratégique dans ces secteurs.

Il est donc nécessaire que nous revenions sur la définition de ce qu’est l’autonomie stratégique. Nous le disions en introduction, il s’agit de la reconquête méthodique domaine après domaine afin de réduire les dépendances de l’Union européenne.

Autrement dit, cela fait référence à sa capacité à prendre des décisions et à agir de manière indépendante dans les domaines économique, politique et sécuritaire, afin de protéger et de promouvoir ses intérêts et ses valeurs.

L’objectif est de réduire la dépendance de l’UE à l’égard d’autres acteurs mondiaux et de renforcer sa résilience face aux défis internationaux.

La transition écologique du secteur automobile demande énormément de besoins en innovations technologiques.

Ces innovations reposent sur l’assemblage de matière première critique, c’est-à-dire des ressources naturelles essentielles pour l’économie et l’industrie, jouant un rôle primordial dans la fabrication de produits technologiques, électroniques, et énergétiques.

Toutefois, ces matières premières considérées comme critiques en raison de leur rareté, de leur concentration géographique, ou de la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement, font actuellement face à une pression au niveau de la demande de plus en plus croissante.

La situation est telle qu’au sein de l’UE, que celle-ci dépend de 75 % à 100 % des importations pour la plupart des métaux selon l’OCDE, alors même que 84 % des matériaux rares et composants transformés sont détenus par le marché de l’Asie pacifique.

Le risque est donc le suivant : tomber dans une dépendance indo-pacifique pour l’accès à ces ressources.

C’est pourquoi l’Union européenne doit redoubler d’efforts pour conserver son autonomie stratégique pour atteindre son objectif de neutralité carbone.

Nous verrons donc dans cette partie que pour répondre à ce défi l’UE doit envisager de diversifier ses sources d’approvisionnement en matière première critique (A), ce qui l’implique de revoir ses partenariats énergétiques (B), et bien évidemment tout l’ensemble de ce processus s’accompagne d’un investissement massif dans la recherche et le développement (C).

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Une nécessité de diversifier les sources d’approvisionnement en matières premières critiques de l’Union européenne

Depuis les années 1990, la demande mondiale de métaux rares a doublé et devrait encore augmenter de 40 % d’ici à 2040.

Ces matériaux sont devenus omniprésents dans nos appareils électroniques et électroménagers que nous utilisons quotidiennement.

De plus, la demande croissante en énergies renouvelables est un autre facteur clé, notamment pour la fabrication de batteries rechargeables utilisées dans les véhicules électriques et les systèmes de stockage d’énergie.

Selon le commissaire européen Valdis Dombrovskis, la demande en lithium devrait être multipliée par douze d’ici 2030, principalement en raison des batteries utilisées pour véhicules électriques.

Cependant, l’Union ne produit pas suffisamment de matières premières pour répondre à ses besoins. Selon la Commission européenne, seulement 8 à 9 % des composants et des matériaux transformés proviennent actuellement de l’UE, alors que 80 à 90 % de ces métaux proviennent de Chine.

L’accès à ces matériaux est devenu une question de sécurité stratégique, en 2020, la Commission européenne a identifié plus de 30 matières premières critiques.

Parmis toutes celles-ci, on retrouve entre autre le silicium métal utilisé dans les semi-conducteurs, les métaux du groupe du platine utilisés dans les piles à hydrogène et les électrolyseurs, le cobalt essentiel dans les cathodes des batteries lithium-ion des voitures électriques, ainsi que le magnésium, utilisé dans l’industrie automobile pour alléger les véhicules, et le manganèse, principalement utilisé dans la production d’acier.

Consciente de son retard, depuis 2020, l’Union a entamé une stratégie d’approvisionnement dans le but de créer sa propre chaîne de valeur.

Dans un premier temps, nous verrons que le marché des métaux rares est dominé par des  puissances  étrangères  (1),  ensuite  nous  analyserons  la  stratégie  européenne d’approvisionnement (2), et enfin, nous verrons qu’il est nécessaire que l’Union repense ses partenariats énergétiques (3).

Un marché dominé par des puissances extérieures

Nous avons évoqué précédemment que les matières premières jouent un rôle de plus en plus crucial dans notre vie quotidienne.

Dans le domaine de la transition écologique de l’industrie automobile, ces matériaux sont essentiels, en particulier dans les batteries qui constituent le cœur des véhicules électriques.

L’Union européenne, résolument engagée dans cette transition écologique, fait face à une demande croissante de lithium et de cobalt.

Selon les estimations de la Commission européenne, les besoins de l’UE en lithium devraient augmenter de 7 à 18 fois d’ici 2030, et de 16 à 57 fois d’ici 2050, alors que la demande est plus forte que la provision.

Cette augmentation considérable témoigne de l’ampleur du défi auquel l’UE est confrontée dans la sécurisation de ces ressources stratégiques.

En effet, il ne faudrait pas que la précipitation de la sortie de la dépendance des énergies fossiles, ne se transforme en une dépendance vers ces métaux rares. Il est donc devenu impératif pour l’UE de renforcer sa souveraineté dans le domaine des matières premières critiques à l’instar de la Chine.

La Chine occupe indéniablement une position dominante sur le marché des métaux rares, tels que le néodyme, le dysprosium et le terbium, qui sont essentiels aux technologies de pointe.

Cette domination chinoise découle d’une politique protectionniste mise en place entre 2015 et 2019, visant à renforcer sa position dans le secteur des batteries, considéré comme stratégique pour le développement de l’industrie automobile électrique et d’autres secteurs clés.

Cette politique a été soutenue par d’importantes subventions et incitations financières accordées aux entreprises nationales de batteries.

Dans le cadre de cette politique, la Chine a cherché à garantir un accès facile aux matières premières nécessaires à la production de batteries en établissant des partenariats et des accords d’approvisionnement avec des pays tels que l’Australie, leader mondial du minerai de lithium, la République démocratique du Congo, riche en cobalt, le Chili, possédant d’importantes réserves de lithium, ainsi que le Brésil, un fournisseur majeur de nickel.

Un autre élément clé qui a contribué à la domination de la Chine dans ce secteur est la maîtrise de la chaîne d’approvisionnement par les constructeurs chinois.

Grâce à une intégration verticale de la chaîne d’approvisionnement, ces constructeurs contrôlent toutes les étapes, de l’extraction minière à la production de composants et de produits finis utilisant des métaux rares.

Cette approche d’intégration verticale leur a permis d’acquérir une expertise approfondie dans les technologies avancées.

Par ailleurs, le cadre réglementaire chinois diffère de celui de l’Union européenne.

Alors que l’UE accorde une grande importance aux droits de l’homme et aux considérations environnementales et sociales dans l’extraction des matières premières, la Chine a adopté des politiques favorisant une exploitation intensive des ressources pour répondre à la demande croissante, avec une réglementation moins soucieuse de ces aspects.

Cependant, il est important de noter que la Chine n’est pas le seul acteur majeur sur le marché des métaux rares dont dépend l’UE.

Par exemple, 98 % des approvisionnements en borate proviennent de Turquie, et 71 % des besoins en platine de l’UE sont importés d’Afrique du Sud, (comme indiqué dans le tableau présent dans les annexes).

C’est la raison pour laquelle l’UE a prévu de mettre en place une stratégie européenne d’approvisionnement pour tenter de diminuer sa dépendance.

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La stratégie européenne d’approvisionnement

Afin de réduire sa dépendance aux acteurs dominants du marché des métaux rares tels que la Chine, l’Union européenne a élaboré une stratégie d’approvisionnement.

Cette initiative vise à mettre en place une approche européenne coordonnée pour garantir un approvisionnement plus diversifié et sécurisé en matières premières nécessaires à la transition vers une économie verte.

L’objectif ultime est alors de réduire la dépendance de l’UE vis-à-vis des marchés mondiaux et d’assurer un approvisionnement stable et durable pour soutenir ses ambitions de transition écologique et technologique.

La Commission européenne a établi en mars 2020 une stratégie industrielle visant à accompagner l’industrie européenne vers une économie verte.

Cette stratégie vise à renforcer l’autonomie stratégique de l’Europe afin de réduire sa vulnérabilité aux dépendances extérieures.

Dans ce contexte, un premier bilan approfondi a identifié six domaines stratégiques dans lesquels l’Union doit accroître son autonomie.

Ces domaines sont les suivants : les matières premières, les batteries, les principes actifs pharmaceutiques, l’hydrogène, les semi-conducteurs et la technologie en nuage et en périphérie.

Pour atteindre ces objectifs, le plan propose plusieurs actions. Il prévoit notamment le renforcement des alliances industrielles, l’établissement de propositions réglementaires sur les batteries, l’hydrogène et les semi-conducteurs pour définir les normes de leur extraction jusqu’à leur recyclage, ainsi que la diversification des partenariats internationaux.

Il souligne également l’importance de la mise en place de projets d’intérêt européen communs (PIIEC) sur lesquels nous reviendrons dans quelques instants.

En parallèle, l’alliance européenne pour les matières premières a été créée en septembre 2020.

Son objectif est de garantir un approvisionnement sûr et durable en matières premières essentielles en rassemblant des acteurs des secteurs public et privé tels que des entreprises, des organisations industrielles, des associations, des instituts de recherche et des gouvernements nationaux.

Cette alliance promeut des pratiques d’extraction respectueuses  de  l’environnement,  encourage  la  recherche  de  nouvelles  sources d’approvisionnement en matières premières à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE, et soutient la recherche et l’innovation dans ce domaine pour développer de nouvelles technologies et de nouveaux procédés permettant une utilisation plus efficace et durable des ressources.

Ces actions contribueront à renforcer la compétitivité de l’industrie européenne à long terme face à ses concurrents.

Union européenne et prise en charge des batteries

Cependant, il serait incorrect de croire que l’Union européenne ne s’est préoccupée de la question des batteries et n’a pas pris conscience de leur importance dans les années à venir uniquement depuis les années 2020.

En réalité, bien avant la nouvelle stratégie industrielle mentionnée précédemment, la Commission européenne a mis en place l’Alliance européenne pour les batteries.

Ayant vu le jour en octobre 2017, l’Alliance avait pour but de parvenir à l’autonomie stratégique avant même que ce terme ne devienne familier en Europe.

L’intention était la suivante : établir une chaîne de valeur durable et verticale 100 % européenne, pour à terme créer une industrie de la batterie autosuffisante d’ici 2030.

En février 2022, plus de 111 projets étaient en cours dans le cadre de cette initiative, et 20 méga-usines d’éléments de batterie étaient déjà opérationnelles.

L’une des plus importantes à l’heure actuelle en Europe est l’usine de Northvolt créée en 2016, située en Suède, spécialisée dans la fabrication de batteries lithium-ion pour les véhicules électriques et le stockage d’énergie.

D’après les chiffres de la firme, les batteries qu’ils produisent consomment 80 % de moins de COpar rapport aux cellules fabriquées à partir de charbon.

Au début de l’année 2022, l’Union européenne a présenté une nouvelle évaluation stratégique des dépendances de l’UE.

Basée sur la première, cette nouvelle analyse a identifié cinq domaines stratégiques majeurs pour l’Europe.

Ces domaines comprennent les terres rares et le magnésium, les panneaux solaires, les produits chimiques, ainsi que la cybersécurité et les logiciels informatiques.

Outre l’Union européenne, les États membres se sont également engagés dans la promotion de l’autonomie stratégique, notamment dans le domaine des batteries.

En effet, le 9 décembre 2022, sept pays, à savoir la France, l’Allemagne, l’Italie, la Pologne, la Belgique, la Suède et la Finlande, ont lancé un important projet d’intérêt commun (PIIEC) dans ce domaine.

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Récemment, la Norvège a fait une découverte majeure en matière de ressources. Plus de 70 milliards de tonnes de roche phosphatée ont été découvertes dans le sud-ouest du pays, couvrant une superficie de plus de 15 hectares. Ce gisement est le plus grand gisement de phosphate, de titane et de vanadium sur tout le continent européen.

En réponse à cette découverte, l’Alliance européenne des matières premières soutient la filiale norvégienne Norge mining de la société Norge Mineraler AS dans l’extraction et l’exploitation de ces minéraux.

Cette initiative permettra à l’Union européenne de rivaliser avec la Chine, qui produit environ 59 % du vanadium mondial et 41 % du titane.

La  mise  en  valeur  de  ces  ressources  naturelles  stratégiques  renforcera considérablement la position de l’Union européenne sur le marché mondial.

Non seulement, elle réduira sa dépendance à l’égard des fournisseurs étrangers, mais elle créera également de nouvelles opportunités économiques et industrielles au sein de l’UE.

En utilisant ces ressources pour développer des technologies innovantes et durables, l’Europe sera en mesure de renforcer sa compétitivité et de promouvoir une transition énergétique respectueuse de l’environnement.

Cela marque une étape importante vers l’autonomie stratégique de l’Union européenne dans des secteurs clés et contribue à garantir sa sécurité et sa prospérité à long terme.

Nous l’avons donc compris, la diversification des sources d’approvisionnement constitue une priorité de la stratégie européenne. Cherchant à être de plus en plus autonome.

Ajouté à un souci de respect de l’environnement et de la gestion des déchets, l’Union prévoit d’utiliser à ses fins ce que l’on prénomme les matières premières critiques secondaires, qui ne sont autres que des matières premières critiques recyclées.

Les matières premières critiques secondaires sont récupérées et utilisées, à partir des déchets miniers provenant des mines et des usines à travers l’Europe identifiées dans la figure ci-dessous

mines de matière premières pour les batteries, usines de fabrication de batteries et mines de charbon
Figure 5 : mines de matière premières pour les batteries, usines de fabrication de batteries et mines de charbon

Cette approche permet de valoriser les matériaux précieux et de réduire la dépendance à l’égard des extractions minières traditionnelles.

En recyclant ces matières premières critiques, l’Union européenne favorise une utilisation plus efficace des ressources et contribue à la transition vers une économie circulaire.

En exploitant les matières premières critiques secondaires, l’UE répond à la fois à ses besoins économiques et à ses objectifs environnementaux. Elle s’engage ainsi dans une approche durable en réduisant la quantité de déchets, en évitant les impacts environnementaux liés à l’extraction minière et en préservant les ressources naturelles.

Cette utilisation intelligente des matières premières recyclées renforce la résilience de l’Europe tout en favorisant une croissance économique durable.

Cependant, il est important de souligner que l’identification et la récupération des matières premières critiques secondaires nécessitent une collaboration étroite entre les différents acteurs de l’industrie, les gouvernements et les organismes de régulation.

Un effort conjoint est nécessaire pour mettre en place des infrastructures de recyclage efficaces, promouvoir la recherche et le développement de nouvelles technologies de récupération, ainsi que faciliter la coordination et l’échange d’informations à l’échelle européenne.

Dans sa démarche de diversification des sources d’approvisionnement pour réduire ses dépendances énergétiques, l’UE doit donc envisager de repenser ses partenariats énergétiques en explorant de nouvelles opportunités et en renforçant sa coopération avec des fournisseurs alternatifs.

Repenser ses partenariats énergétiques

Dans le contexte de la réduction de ses dépendances croissantes, l’UE doit revoir ses partenariats  afin  d’assurer une plus grande stabilité de ses approvisionnements, de promouvoir les énergies renouvelables et de renforcer sa résilience face aux fluctuations du marché mondial de l’énergie. Jusqu’à présent, l’Union était fortement tributaire de la Chine, de la Turquie et de l’Afrique du Sud comme nous venons de le voir à l’instant.

Avec ses nouvelles ambitions, l’Europe cherche à mettre en place une véritable diplomatie énergétique via sa nouvelle stratégie industrielle.

Elle reconnaît les potentiels existants dans des pays développés sur le plan minier, tels que le Canada, l’Australie et certains pays d’Amérique latine.

Respectivement, le Canada est reconnu pour ses vastes gisements de minéraux critiques, notamment le lithium et possède d’importantes réserves de cobalt, qui est un composant clé des batteries rechargeables.

L’Australie est quant à elle un acteur majeur dans l’exploitation de minerais tels que le lithium, le cobalt et le nickel, qui sont essentiels pour le stockage d’énergie et la production de batteries.

De plus, certains pays d’Amérique latine, tels que le Chili et l’Argentine, sont riches en lithium et en cuivre, des ressources cruciales pour l’industrie des énergies renouvelables et des véhicules électriques.

Un partenariat entre l’UE et l’Egypte pour l’hydrogène renouvelable est également en place. Cette collaboration vise à exploiter le potentiel énergétique de l’hydrogène vert et à favoriser son adoption à grande échelle.

L’objectif est que ces nouveaux partenariats soient équitables et favorisent le respect de l’environnement dans l’extraction des ressources, en encourageant les pays qui n’ont pas encore pleinement embrassé la transition écologique.

Au sein même de l’Europe, l’Union, on peut détecter du potentiel énergétique du côté de l’Ukraine et des pays des Balkans occidentaux, du fait des ressources naturelles et de capacités de production qui peuvent être bénéfiques pour l’UE.

Effectivement, ces pays possèdent des ressources minérales, énergétiques et agricoles, ainsi que des industries manufacturières émergentes.

En plus de cela, en renforçant les liens économiques, cela offrira une opportunité de consolider les relations politiques et de favoriser la coopération régionale, contribuant ainsi à la stabilité régionale à long terme.

Cette nécessité de diversifier les sources d’approvisionnement de l’UE, ne peut se faire sans un investissement massif dans la recherche et le développement permettant à l’Europe de pérenniser sa sécurité énergétique.

Une autonomie stratégique préservée grâce à un investissement massif dans la recherche et le développement

L’innovation technologique est aujourd’hui le moteur essentiel de la décarbonation du parc automobile européen et de la réalisation des objectifs de neutralité carbone d’ici 2050.

En effet, elle joue un rôle important dans la transformation des industries et des infrastructures, permettant l’émergence de solutions innovantes et durables.

En encourageant l’émergence de nouvelles technologies propres, l’Europe se positionne comme un acteur de premier plan dans la course à l’innovation verte, offrant des solutions concrètes pour un avenir plus durable et résilient.

Pour autant, nous verrons que l’Union doit désormais trouver sa place face à ses rivaux internationaux dans un contexte marqué par des tensions commerciales et technologiques entre la Chine et les Etats-Unis (1) et enfin, nous verrons que pour relever le défis, l’Union européenne a lancé une série d’investissements (2).

L'Union européenne à la conquête de l'innovation écologique face à ses rivaux américains et chinois

L’Union européenne se trouve confrontée à une situation délicate sur l’échiquier international, alors que les États-Unis et la Chine, deux puissances majeures, adoptent des politiques protectionnistes pour promouvoir leurs intérêts.

La Chine, en particulier, est en passe de devenir une hyperpuissance, ambitionnant de prendre la première place mondiale dans certains secteurs, comme cela a été clairement exprimé dans son plan « Chine 2025 ».

Le président chinois lui-même a affirmé que « l’Orient monte, l’Occident décline », une opinion largement partagée et basée sur des analyses géopolitiques de la dernière décennie.

En réaction à cet enjeu, les États-Unis ont lancé l’Initiative pour la Renaissance de l’Amérique (IRA). L’innovation technologique est désormais le terrain privilégié de ces deux puissances, car elle est essentielle à la transition écologique face à l’urgence climatique mondiale.

La compétition se concentre principalement sur les technologies disruptives telles que l’intelligence artificielle et l’informatique quantique. Les deux pays n’hésitent pas à subventionner leurs entreprises nationales pour renforcer leur domination, et les États-Unis vont même jusqu’à utiliser l’extraterritorialité de leur droit pour faire face à leur rival.

Cette rivalité entre les États-Unis et la Chine crée deux modèles économiques et technologiques distincts, forçant les autres nations à choisir leur camp.

Et l’Union européenne dans tout cela ? – Premièrement, nous pouvons dire que rétrospectivement, l’Union européenne devait anticiper cette hypothèse d’être prise au piège par les deux géants.

En effet, d’une part, on pouvait observer l’ascension fulgurante sur le plan économique de la Chine depuis son entrée à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001 selon le Fond Monétaire International (FMI), le PIB de la Chine est passé de 1,33 billion de dollars en 2001 à 16,64 billions de dollars en 2020.

D’une autre part, le désengagement progressif de l’allié américain par le pivot géostratégique vers l’Asie pacifique dès 2012 sous la présidence de Barack Obama, puis le fort désengagement outre-atlantique durant les années Trump à partir de 2016.

Aujourd’hui, l’Union européenne se retrouve dans une position délicate, tiraillée entre ces relations transatlantiques pas toujours équitables et les perspectives de croissance économique chinoise.

C’est dans cette perspective que le géant normatif qu’est l’Union européenne doit se positionner lui aussi comme un acteur comptant sur le marché de l’innovation technologique verte en développant sa propre vision.

C’est pour cela que l’UE investit massivement dans la recherche et le développement de technologies propres, telles que les véhicules électriques, les énergies renouvelables et le stockage d’énergie.

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Une série d’investissement pour parvenir à ses ambitions

Dans le but de trouver sa place dans l’échiquier international dans le domaine de l’innovation technologique et atteindre ses objectifs environnementaux, l’Union a lancé des investissements colossaux que nous allons énumérer :

Horizon Europe

Horizon Europe est un programme-cadre de recherche et d’innovation qui s’étend sur la période 2021-2027.

Son objectif principal est de promouvoir l’excellence scientifique, renforcer la compétitivité de l’industrie européenne et relever les défis sociétaux, notamment la transition vers une économie durable.

Le budget total alloué à Horizon Europe est de 95,5 milliards d’euros. Parmi cette somme, 52,7 milliards d’euros sont destinés à soutenir des projets de recherche et d’innovation dans des domaines tels que la santé, la sécurité alimentaire, l’énergie propre, le climat et les transports durables, relevant du pilier « défis mondiaux et compétitivité industrielle » ; et une enveloppe de 25,8 milliards d’euros est dédiée à la promotion de l’excellence scientifique, la collaboration internationale et l’accès ouvert aux résultats de la recherche, dans le cadre du pilier « recherche et innovation ouverte ».

InvestEU

InvestEU est un programme cherchant à mobiliser les investissements publics et privés pour soutenir des projets d’investissement durables et à fort impact social au sein de l’Union européenne.

Il consolide plusieurs instruments financiers de l’UE en un seul fonds, notamment le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), le Programme de soutien aux réformes structurelles (SRSP) et le Fonds européen pour les investissements stratégiques en dehors de l’Union européenne (EIP).

Pour la période 2021-2027, un budget de 26,2 milliards d’euros a été alloué afin de contribuer à la réalisation des objectifs de l’UE tels que la transition énergétique, la transformation numérique, la cohésion sociale et territoriale.

Le Fond européen de développement régional (FRDER)

Le FEDER, qui est l’un des fonds structurels de l’Union européenne, joue un rôle essentiel dans le soutien des investissements régionaux en vue de promouvoir la cohésion économique, sociale et territoriale.

Pour la période 2021-2027, le FEDER bénéficie d’un budget de 222,7 milliards d’euros. Son objectif est de soutenir des projets qui renforcent la compétitivité régionale, favorisent l’innovation, développent les infrastructures, encouragent la transition vers une économie verte et créent des emplois durables, entre autres initiatives.

Le Fond de cohésion

Le Fonds de cohésion est également un fonds structurel de l’UE qui soutient les États membres à revenu national brut par habitant inférieur à 90 % de la moyenne de l’UE.

On peut identifier les pays d’Europe centrale et orientale et quelques pays d’Europe du sud tels que la Bulgarie, la Croatie, Chypre, l’Estonie, la Grèce, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et l’Espagne. Pour la période 2021-2027, le budget est de 47,8 milliards d’euros.

Son ambition est de soutenir des investissements dans les domaines des transports durables, de l’environnement, de l’énergie et des réseaux de communication.

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Promotion de l'innovation et du développement

Nous pouvons donc observer qu’à travers tous ces plans d’investissement l’Union cherche à promouvoir l’innovation et le développement dans l’ensemble du continent, de telle sorte à réduire les effets du phénomène de l’Europe à double vitesse afin de construire un développement équilibré et inclusif.

Toutefois, l’investissement ne se limite pas uniquement aux aspects financiers. L’Union européenne s’emploie également à développer ses infrastructures de recharge afin de permettre une utilisation généralisée des véhicules électriques.

Selon les estimations, le nombre de véhicules électriques devrait dépasser les 13,4 millions en 2022, et ce chiffre devrait décupler d’ici 2050. Cependant, la réalisation de cet objectif, tel que précisé par la Commission européenne, dépendra grandement de la disponibilité des infrastructures de recharge adéquates.

C’est pourquoi, dans les années à venir, l’Union européenne prévoit d’installer des stations de recharge tous les 60 km, en prenant en compte la croissance du nombre de véhicules enregistrés chaque année.

Ainsi, d’ici 2027, il est prévu d’avoir deux points de recharge par stationnement sécurisé, et ce nombre devrait augmenter à quatre d’ici 2030.

Cette expansion vise à assurer une accessibilité suffisante aux infrastructures de recharge, permettant ainsi le déploiement à grande échelle des véhicules électriques.

En parallèle de ces efforts visant à développer les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques, l’Union européenne accorde également une attention croissante au développement des infrastructures de carburant alternatif.

En effet, afin de favoriser une transition énergétique plus large, il est essentiel de soutenir l’utilisation d’autres sources d’énergie propre pour les transports. Les infrastructures de carburant alternatif, telles que les stations de recharge pour les véhicules à hydrogène ou les points de ravitaillement pour les biocarburants, joueront un rôle crucial dans la diversification des options de mobilité durable.

Effectivement, la recherche et le développement autour de l’hydrogène renouvelable et l’hydrogène bas carbone, a pris de plus en plus d’importance dans le mix énergétique européen.

Cela se traduit par le fait qu’aujourd’hui la moitié des fabricants d’hydrogène propre sont des européens. Consciente du potentiel de cette source d’énergie alternative, l’UE prévoit d’installer des stations à hydrogène tous les 200 km d’ici 2030, avec une attention particulière accordée à la présence d’une station dans chaque zone urbaine.

Au total, en investissant plus de 60 milliards d’euros dans les chaîne de valeurs de l’électromobilité, l’UE a investi trois fois plus que la Chine.

En investissant de la sorte, trois l’UE affirme sa détermination à jouer un rôle de premier plan dans la transition vers une mobilité durable en tant que leader mondial dans le domaine, tout en stimulant le développement économique et technologique de la région.

Nous l’avons vu, la course à l’innovation technologique et la transition vers une économie durable soulèvent des enjeux majeurs pour l’Union européenne.

Cependant, il est essentiel de reconnaître que ces initiatives ne doivent pas seulement se concentrer sur le développement technologique, mais aussi s’ancrer dans un secteur en transition qui soit juste et équitable.

Il est donc crucial de prendre en compte les aspects sociaux, économiques et environnementaux pour assurer une transition harmonieuse.

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Pour rappel, l’article présente uniquement la partie 3 du mémoire. Pour accéder au protocole, données ainsi qu’à la discussion du présent document, n’hésitez pas à vous adresser directement auprès de l’auteur.

Partie 1          –           Partie 2.         –           Partie 4

Astrid ETONDE

Astrid ETONDE

Références

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