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Rapprochement avec la Nature : Témoignage Réaliste dans le Roman de Joël Baqué

Cet article fait référence au chapitre 2 (2-B) du mémoire de Nicolas POYAU réalisé durant son Master II Écriture, Culture, Médias à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3(2021/2022)

Titre du mémoire : L’illustration de la pensée écologique française dans La Fonte des glaces de Joël Baqué et Le Parfum d’Adam de J- C. Rufin – Une étude du rapport entre l’Homme et l’animal dans la littérature écologique

Chapitre 2 (2-B) : Une vision documentaire réaliste – Un témoignage réaliste par sa naïveté

Cet article s’inscrit dans une liste de 12 articles consacrés à ce mémoire, à retrouver à la fin.

Un témoignage réaliste par sa naïveté

L’auteur pousse jusqu’au bout le parti pris de l’innocence de Louis. Le fait qu’il soit spectateur se maintient comme un parti pris tout au long du roman. Le comportement de Louis peut être qualifié de “rapprochement avec la nature” puisqu’il s’attèle à adopter le mode de vie des oiseaux : même face à l’urgence écologique qui menace les manchots empereurs, le toulonnais adopte la même position qu’eux, c’est-à-dire celle de victime.

Le “réensauvagèrent” qui peut caractériser son mode de vie est ainsi un frein à son engagement écologique. Jusqu’au bout Louis veut s’intégrer dans la “communauté” des manchots empereurs et se sentir proche de ce groupe, même si cela signifie la destruction de leur milieu naturel.

Il devient ainsi lui aussi spectateur de son milieu environnant puisqu’il laisse Alice décider de son sort. Cette trame narrative de quelques chapitres permet d’illustrer une théorie écologique : le bio-régionalisme. Cette théorie soutien qu’il est possible de vivre en harmonie avec la nature[1]:

Au cœur du projet bio régionaliste, il y a un concept, la bio-région. « Une bio-région, déclare Peter Berg, est une zone géographique définie par les caractéristiques, naturelles incluant le bassin hydrographique, le relief, la composition des sols, les qualités géologiques, les places et les animaux originaires du lieu, le climat et le temps.

Ces caractéristiques sont connues, autrement dit quand il y a des changements dans ces caractéristiques, vous êtes passé d’une bio-région à une autre […] le bio-régionalisme inclut les êtres humains comme espèces dans des relations entre ces caractéristiques naturelles.

Il promeut une attitude, une manière de s’approprier les lieux par laquelle les humains s’adaptent aux caractéristiques de la bio région d’une manière appropriée. […] Du coup l’homme est perçu comme un élément parmi d’autre éléments ; il n’est donc pas particulier, axiologiquement supérieur à une nature perçue comme système complexe ; il doit s’adapter pour s’intégrer, presque se fondre dans les caractéristiques naturelles du lieu où il vit.

Le comportement de Louis depuis le début du roman peut illustrer cette vision de la nature et de l’homme. Le personnage principal vit en symbiose avec la faune, même si ces derniers sont morts. Il cherche aussi à mieux s’intégrer à leur mode de vie puisqu’il ne se contente pas de recréer les conditions naturelles de leur vécu mais part aussi découvrir leur milieu de vie.

Ce rapprochement entre les manchots empereurs et Louis est soutenu tout au long du roman par Joël Baqué. Le personnage principal se “fond” dans le groupe de la “Dream Team” qu’il a créé puisqu’il dort avec eux, mange avec eux et rêve d’eux. Il partage ainsi jusque dans l’expression du moi la plus profonde (les rêves) les craintes des manchots empereurs, notamment en ce qui concerne les chasseurs d’iceberg.

Le personnage peut chercher à former un groupe à part entière avec les manchots empereurs. Il ne rattacherait donc pas à un cadre anthropocentrique ni biocentrique, mais bio-régionaliste selon Frédéric Dufoing95 :

On est bien ici dans une logique qui à l’instar de celle de l’écologie profonde, relève de l’ecocentrisme, mais, on va le voir, qui tente pour ainsi dire d’accommoder les intérêts humains à la nature de manière à ce que les intérêts restent l’un des objectifs de l’action et de la réflexion.

Louis est l’exemple parfait de cette synthèse entre le bien-être des animaux et les intérêts humains. La narration permet au personnage d’être de manière réaliste proche de la nature. Il ne renie pas pour autant ses attaches avec le monde humain. De manière paradoxale plus il est proche des manchots empereurs plus il retrouve une forme de lien social. Le charcutier génère même de l’attention médiatique comme on l’a vu précédemment.

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Ce compromis entre société humaine et animale semble donc conforme à la théorie du bio-régionalisme puisqu’il concilie un rapport quotidien avec la nature et une perception globale de l’écologie. Ces deux particularités sont essentielles dans le bio régionalisme puisque la création de ce courant vient du besoin de concilier ces enjeux[2] :

Dès les années 1970, la recherche de l’échelle territoriale la plus appropriée à l’action politique a été un thème fondateur et identitaire de la pensée écologiste.

En effet, au temps de la crise écologique globale, les écologistes critiquent la prépondérance de l’échelon national, à la fois trop grand pour permettre une véritable appropriation politique par les citoyens, et trop petit pour favoriser la résolution des problèmes mondiaux inédits que sont le réchauffement climatique, l’explosion démographique, l’épuisement des ressources, etc.

Comme l’a noté la politiste australienne Robyn Eckersley, il en a souvent résulté un tiraillement entre d’une part l’aspiration universaliste de l’écologisme (« penser global »), et d’autre part son attachement à un ancrage territorial à échelle humaine, qui coïnciderait avec l’environnement quotidien de l’individu autonome (« agir local »).

[…]Cette tension fondatrice a inspiré aux penseurs écologistes des propositions politiques très diverses, qui gravitent autour de l’idée de relocalisation politique et économique : la décentralisation, le fédéralisme, le régionalisme, le bio-régionalisme, le municipalisme, etc.

Derrière toutes ces notions, il y a la quête commune d’un échelon territorial qui maximiserait l’autonomie des individus, en leur garantissant une capacité de maîtrise politique des institutions qui régissent leur vie.

Les péripéties qui amenèrent Louis à passer successivement d’un grenier avec des animaux empaillés, à l’Antarctique puis à des chasseurs d’iceberg, semblent faire du personnage un parfait représentant du bio-régionalisme. En effet la simplicité du toulonnais et son attitude passive ne donnent pas au lecteur le sentiment qu’il s’éloigne de l’échelle locale.

La médiatisation dont il fait l’objet ne change rien à son comportement. Son implication, avant tout symbolique, fait de lui un être humain qui a de l’influence sur ses pairs. Toutefois il maintient son amour pour les manchots empereurs et ne s’écarte pas de son premier intérêt.

Les deux auteurs s’emploient ainsi à décrire de manière réaliste l’environnement dans lequel évoluent les personnages et de quelle manière ils menacent l’écologie. Joël Baqué et J-C. Rufin détaillent de manière très précise les enjeux qui poussent les personnages à s’opposer à leur cadre social de référence.

Pour l’un au travers d’une lutte contre l’homme telle que celle menée par Juliette, qui s’oppose indirectement aux pauvres en suivant les projets de Harrow, étant manipulée. Et pour l’autre au travers d’une défense symbolique du milieu naturel d’un animal dans La Fonte des glaces.

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L’évocation de thèmes du quotidien dans les deux œuvres sert de support à la mise en place d’un cadre à même de faire réfléchir le lecteur sur son rapport à la cause écologique. L’œuvre de Joël Baqué met en avant la simplicité du lien entre Louis et les animaux et donc l’accessibilité de l’engagement écologique.

La défense du milieu de ces derniers se révèle en somme facile puisque Louis agit en faveur de leur environnement sans s’impliquer personnellement. C’est bien la perception qu’ont les autres êtres humains de l’authenticité des actions de Louis pour les manchots empereurs qui peut faire évoluer les mentalités.

Dans le roman de J-C. Rufin c’est au contraire la facilité avec laquelle le personnage peut s’intégrer à un groupe militant écologiste (que ce soit Kerry ou Juliette) qui met en avant la cause écologique. Le parcours des deux héroïnes est indirectement opposé : la première intègre une association engagée mais pacifiste, tandis que la seconde intègre un groupe violent. Une comparaison du parcours des deux personnages permet de mettre en avant la sincérité des membres de Greenworld.

Les deux œuvres font cependant évoluer de manière radicalement différente leurs personnages dans ces cadres. Ces réactions vont de pair avec la distance entre le héros et la figure d’animalité. Louis est proche de ses oiseaux et n’a donc pas besoin de s’engager dans une cause internationale pour être un représentant de l’écologie. Au contraire Juliette voyage pour faire échouer un acte terroriste contre les pauvres qui font ici figure d’animalité.

L’étude du comportement des personnages principaux en présence des animaux permet aux deux auteurs de présenter dans leurs diégèses des arguments en faveur de leur défense. Ces romans s’attardent sur la qualité intrinsèque de “l’animalité” et mettent ainsi en avant les arguments en faveur de leur préservation.

image 1 8 Rapprochement avec la Nature : Témoignage Réaliste dans le Roman de Joël Baqué

Pour plus d’informations sur ce mémoire, n’hésitez pas à vous adresser directement à l’auteur ci-dessous.

Nicolas POYAU

Nicolas POYAU

Livres pour approfondir

Articles consacrés au mémoire

Liste des 12 articles consacrés au mémoire de Nicolas POYAU :

1 – Reconstruction de l’Identité Écologique : Redécouverte de la Faune

2 – Reconstruction de l’identité écologique : Un Voyage Initiatique vers la Nature

3 – Analyse de l’écologie radicale dans l’œuvre de J-C. Rufin

4 – Écologie, Animaux et Animisme dans La Fonte des glaces et Le Parfum d’Adam

5 – La cause animale : Pensée écologique, Écocentrisme et Littérature

6 – Le symbole animal dans l’espace sociétal : réflexions écologiques profondes

7 – Enjeux des Associations Écologiques dans l’Œuvre de J-C. Rufin

8 – Rapprochement avec la Nature : Témoignage Réaliste dans le Roman de Joël Baqué

9 – La Fonte des glaces : Louis et les Manchots Empereurs

10 – Animaux et dignité : l’expérience animiste de Louis contre la religion

11 – Critique de l’anti-spécisme dans « Le Parfum d’Adam » de J-C. Rufin

12 – Dénonciation des Riches dans l’Écologie: Analyse des Romans


Notes

[1] F. Dufoing, L’écologie Radicale, Lausanne, Infolio Editions, 2012, p. 68. 95 Ibid. p. 69‑70.

[2] L. Semal, Militer à l’ombre des catastrophes : contribution à une théorie politique environnementale au prisme des mobilisations de la décroissance et de la transition., op. cit. note 46, p. 523.

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