calcul puissance centre de masse personnes amputées

Calcul de puissance chez les amputés : Méthodes au centre de masse

Cet article fait référence à l’introduction du mémoire de Master 2 STAPS-IEAP – Voie Ingénierie et Sciences du Mouvement Humain par Éloïse CHAMALET réalisé à l’Université Paris-Saclay (2019/2020) sous la direction de Xavier BONNET.

Titre du mémoire : Comparaison des méthodes de calcul de puissance au centre de masse chez les personnes amputées transfémorales

Marche et coût métabolique

Tout exercice entraîne un coût métabolique, c’est l’énergie dépensée nécessaire à l’activation des muscles ou du système pour exercer cette activité.

Dans le cas de la marche, nous pouvons faire varier naturellement deux paramètres, la vitesse et la longueur de pas, qui vont avoir un impact direct sur le coût métabolique lié à l’exercice (Donelan et al., 2002; Ralston, 1958).

L’homme cherche instinctivement à minimiser le coût métabolique de la marche, c’est pourquoi il adapte sa vitesse et sa longueur de pas (Alexander 2002). La vitesse que nous choisissons naturellement pour marcher est appelée vitesse de confort et varie suivant l’âge et les capacités physiques de chaque individu.

Dans une revue systématique, Waters et Mulroy ont présenté un ensemble de valeurs de références pour le coût énergétique de la marche normale et pathologique (arthrodèse, amputations etc…).

Ils ont mis en avant que la vitesse de confort choisie par l’individu asymptomatique pour une marche à plat est d’environ 1,3 m/s et que la dépense énergétique (𝑉̇𝑂2) correspondante est d’environ 12 mL/kg/min (Waters et Mulroy 1999).

Après avoir décrit le lien entre la marche et le coût métabolique chez les individus asymptomatiques, nous nous intéressons maintenant à ce lien chez des patients amputés transtibiaux (TT) (en dessous du genou) et des patients amputés transfémoraux (TF) (au-dessus du genou).

L’amputation d’une partie ou de la totalité du membre inférieur entraîne une augmentation du coût énergétique lors de la marche, que ce soit dû à l’utilisation de béquille pour des personnes non-appareillées ou à l’énergie supplémentaire nécessaire à l’activation des muscles proximaux pour l’utilisation d’une prothèse (Waters et Mulroy 1999).

Pour pallier cette augmentation, les patients amputés adoptent une vitesse de confort inférieure à celle d’un individu asymptomatique. Plus le niveau d’amputation est important plus le coût métabolique lié à la marche est important et plus la vitesse de confort choisie est lente (figure 1) (van Schaik et al. 2019; Waters et Mulroy 1999).

Coût métabolique et vitesse de marche amputation
Figure 1 Coût métabolique et vitesse de marche en fonction du niveau d'amputation (Waters et Mulroy 1999). HP : désarticulation inter-ilio abdominal, HD : désarticulation de hanche, TF : transfémoral, TK : désarticulation du genou, TT : transtibial

Le coût métabolique semble donc un bon indicateur de la qualité de la marche, que ce soit chez des personnes amputées ou bien asymptomatiques.

S’il a été montré que le coût métabolique augmente linéairement avec le coût énergétique mécanique (figure 2)(Donelan, Kram, et Kuo 2002), l’analyse biomécanique de la marche, et plus précisément de l’énergie mécanique, semble être complémentaire de l’analyse physiologique pour mieux comprendre les causes de variation du coût métabolique.

Coût métabolique de la marche et énergie mécanique
Figure 2 relation entre le coût métabolique de la marche et l'énergie mécanique ; adapté de Donelan 2002

Méthodes de calcul de l'énergie mécanique

La marche chez l’homme suit un paterne appelé cycle de marche, et cela, que la personne soit amputée et appareillée ou non-amputée.

Le cycle de marche débute avec la pose du talon d’une des deux jambes et finit lors du contact suivant de ce talon avec le sol. Au cours du cycle, deux phases d’appui se distinguent, une phase d’appui unipodale et une phase d’appui bipodale.

Kuo fait l’analogie au pendule inversé pour représenter la marche (figure 3), l’homme passe d’un pendule inversé sur une jambe (appui unipodal) à un pendule inversé sur l’autre jambe (appui unipodal), le passage d’un pendule à l’autre est la phase de transition d’un pas à l’autre (appui bipodal) (Kuo 2007; Kuo, Donelan, et Ruina 2005).

Le pendule inverse décrit le déplacement du centre de gravité (CoM), c’est pourquoi, sur les phases de simple appui, la puissance interne est considérée comme nulle.

Cependant, c’est la phase de transition d’un pas à l’autre et donc le passage d’un pendule à l’autre qui nécessite une énergie importante. Nous nous intéressons donc à l’énergie mécanique nécessaire à la redirection du CoM lors de la phase de transition d’un pas à l’autre pour évaluer les causes de variations du coût métabolique de la marche.

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Figure 3 description de la marche à l'aide du pendule inverse ; adapté de Kuo 2007

Calcul de l'énergie mécanique

Pour calculer l’énergie mécanique totale du système il faut intégrer la puissance totale du système, la puissance totale au CoM peut être obtenue via deux méthodes.

La première méthode est la somme des puissances articulaires ou méthode intersegmentaire (cheville, genou, hanche) où la puissance d’une articulation est 𝑃𝑚=𝑀𝑗𝑤𝑗 (Winter 2009).

Les valeurs de Mj le moment articulaire et wj la vitesse angulaire sont obtenues avec la méthode de la dynamique inverse, applicable en ayant recours à des appareils de capture du mouvement tel qu’un système Vicon.

La seconde méthode est l’Individual Limb Method (ILM) (Donelan, Kram, et Kuo 2002). Les membres inférieurs sont alors identifiés comme leading limb, jambe qui initie le cycle de marche avec le premier contact du talon sur le sol et trailing limb la seconde jambe (figure 3).

L’ILM propose de calculer la puissance de chaque jambe au centre de masse tel que :

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C’est une méthode facile à utiliser puisqu’elle nécessite seulement les forces de réaction données par des plateformes de force et la vitesse du centre de masse (cf matériel et Méthode).

Si, lors de l’acquisition de données, un tapis instrumenté avec plateformes de force intégrées est utilisé, la vitesse du centre de masse peut être associée à la vitesse du tapis.

Les deux méthodes semblent complémentaires, puisque la méthode intersegmentaire permet de comprendre la contribution des articulations, au prix de la propagation des incertitudes, alors que l’ILM permet de connaître directement et avec peu de moyen la puissance appliquée au CoM tout en limitant les incertitudes de mesure.

Comparaison des méthodes de calcul de la puissance eau centre de masse

Chercher à comparer les deux méthodes entre elles est une manière de mieux comprendre quels sont les acteurs du travail mécanique ou de bien mettre en évidence des biais méthodologique ou calculatoire.

Cependant, très peu d’articles comparent les deux méthodes, le plus souvent l’une ou l’autre est utilisée pour être comparer avec le coût métabolique de l’exercice.

Les courbes de puissance obtenues via les deux méthodes présentent sensiblement la même allure, la différence majeure se lit à 65% du cycle (figure 4)(Zelik et Kuo 2010; Zelik, Takahashi, et Sawicki 2015).

L’ILM calcule la puissance lors de la phase d’appui (utilisation des forces de réaction du sol) et ne prend donc pas en compte la phase d’oscillation de la jambe, c’est pourquoi la puissance est nulle à partir de 65% du cycle.

Puissance articulaires d'un seul membre
Figure 4 Puissances articulaires d'un seul membre (lignes pleines) sur un cycle de marche comparées à la puissance ILM (lignes pointillées), adapté de Zelik et Kuo 2010

Il est possible de découper les courbes en quatre phases énergétiques : la collision, le rebond, le pré-chargement et le décollement du pied (push-off) (Kuo, Donelan, et Ruina 2005).

En comparant les courbes de puissances, le genou semble la cause principale de la puissance négative lors de la collision et la cheville intervient majoritairement pour fournir le travail positif lors du push-off.

Cependant, la somme des puissances articulaire semble plus positive lors de la collision que la puissance ILM et cette dernière semble un peu plus positive que la somme des puissances articulaire lors du rebond (figure 4).

De plus, la dynamique inverse utilisée pour mesurer la puissance articulaire modélise le corps par des segments rigides et ne prend donc pas en compte les tissus mous. L’ILM mesurant directement la puissance au CoM doit englober les puissances articulaires et les tissus mous.

La différence des deux, et donc la différence de puissance négative à la collision, serait la preuve du travail négatif fournit par la déformation des tissus mous (Zelik et Kuo 2010).

Les subtiles différences entre les courbes pourraient aussi être dus à la dynamique inverse utilisant trois degrés de liberté (calcul du travail rotationnel aux articulations).

En procédant à une analyse à six degrés de libertés (travail rotationnel et translationnel), les différences de travail positif s’effacent (Zelik, Takahashi, et Sawicki 2015).

Problématique et hypothèse

Nous savons, d’une part, que le coût métabolique peut être un indice de la qualité de la marche et, d’autre part, qu’il augmente linéairement avec le coût mécanique de cette dernière.

Enfin, le coût mécanique de la marche est obtenu en intégrant sur le temps la puissance mécanique au CoM. Ainsi, l’étude de la puissance mécanique au CoM est une manière indirecte d’étudier les paramètres biomécaniques pouvant influencer le coût métabolique de la marche.

Il sera donc intéressant de comparer les différentes méthodes de calcul des puissances (somme des puissances articulaire et ILM) pour mettre en avant les différents acteurs du coût mécanique.

Ces deux méthodes ont déjà été comparé chez des personnes asymptomatiques pour la marche à plat, montrant la similarité de l’aspect des courbes de puissance et le rôle des tissus mous.

Cependant, très peu d’articles s’intéressent à la puissance mécanique chez le sujet TF et aucune étude n’a comparé les méthodes de calcul de puissance pour ce type d’amputation.

L’objectif de cette étude est donc de comparer la somme des puissances articulaires avec la puissance ILM chez les personnes amputées TF. Nous nous demandons si les courbes de puissance se comporteront de la même manière que chez les sujets sains.

Nous formulons l’hypothèse suivante :

Les courbes de puissances obtenues via les méthodes de somme des puissances articulaires et ILM auront sensiblement la même allure avec des différences de valeurs des pics.

Pour rappel, l’article présente uniquement l’introduction du mémoire. Pour accéder au protocole, données ainsi qu’à la discussion du présent document, n’hésitez pas à vous adresser directement auprès de l’auteur.

Éloïse Chamalet

Éloise CHAMALET

Ingénieure d'étude

Références

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