Edgar Morin : La pensée complexe

La pensée complexe tient forme d’un concept philosophique popularisé par Edgar Morin ayant trait à la non-unicité des connaissances.

Venant du latin complexus, « ce qui est tissé ensemble », celle-ci se veut globalisante en évitant toute forme de réductionnisme par l’imbrication des différents domaines/idées (e.g., science, philosophie) lors d’un raisonnement.

Ainsi, la connaissance peut être appréhendée d’une manière plus profonde par une critique transdisciplinaire aux points de vue variés permettant in fine l’émergence d’un savoir constructif.

Né Edgar Nahoum, dit Edgar Morin, le 8 juillet 1921 à Paris il est un sociologue, humaniste et philosophe français.

Membre de la résistance communiste et militant antifasciste durant la Seconde Guerre Mondiale, c’est durant celle-ci que naîtront ses premiers écrits faisant état d’un monde rendu apocalyptique par les Allemands.

S’éloignant à partir de 1949 du parti communiste, il qualifiera son adhésion comme étant « un chagrin d’enfant, énorme et très court ». Par la suite, il intégrera le CNRS en 1950, et ce, sans avoir écrit de thèse de doctorat, où il s’intéressera rapidement aux pratiques culturelles souvent mal considérées à cette époque.

Docteur honoris causa de plusieurs institutions dans le monde, son travail par le biais de livres, d’articles et de conférences exerce une influence sur la manière de penser tant sur ce qui nous entoure que ce qui nous habite.

Son œuvre principale, La Méthode, regroupe 6 volumes écrits sur trois décennies et permet de mettre en exergue les différentes applications d’une pensée complexe ainsi que sa nécessité. Cette pensée est décrite plus en profondeur dans l’article qui suit.

Il définira lui-même cette pensée dans son article « La stratégie de reliance pour l’intelligence de la complexité » au sein de la Revue internationale de systémique, vol. 9, n°2, 1995 :

« Quand je parle de complexité, je me réfère au sens latin élémentaire du mot « complexus », « ce qui est tissé ensemble ».

Les constituants sont différents, mais il faut voir comme dans une tapisserie la figure d’ensemble. Le vrai problème (de réforme de pensée) c’est que nous avons trop bien appris à séparer. Il vaut mieux apprendre à relier.

Relier, c’est-à-dire pas seulement établir bout à bout une connexion, mais établir une connexion qui se fasse en boucle. Du reste, dans le mot relier, il y a le « re », c’est le retour de la boucle sur elle-même. Or la boucle est auto productive.

À l’origine de la vie, il s’est créé une sorte de boucle, une sorte de machinerie naturelle qui revient sur elle-même et qui produit des éléments toujours plus divers qui vont créer un être complexe qui sera vivant.

Le monde lui-même s’est autoproduit de façon très mystérieuse. La connaissance doit avoir aujourd’hui des instruments, des concepts fondamentaux qui permettront de relier. »

La stratégie de reliance pour l’intelligence de la complexité, Revue internationale de systémique, vol. 9, n°2, 1995

Cette pensée complexe peut être structurée selon plusieurs étapes. En effet, elle se base principalement sur les théories de l’information, de la cybernétique ainsi que des systèmes ayant tous trait à l’organisation, aux boucles rétro-actives / pro-actives ainsi qu’aux notions d’incertitude et d’auto-organisation.

Enfin, la pensée complexe comprend 3 principes que sont le principe dialogique, de récusion et hologrammatique.

Pour Edgar Morin, la théorie de l’information et de la cybernétique sont issues à la fois de l’ordre et du désordre qui permettent via les boucles de rétroaction (feed-back) et proactives (feed-foward) de s’adapter à l’incertitude en s’organisant afin de créer de l’information, nouvelle.

Quant aux théories des systèmes, elles prennent une part importante dans la pensée complexe. En effet, elles soutiennent que le tout est plus que la somme des parties, en mettant en avant que des qualités propres au système peuvent émerger par l’association des parties tout en rétroagissant, le cas échéant, sur ces mêmes parties qui composent ce système.

L’inverse est également vrai, avec un tout pouvant être inférieur à la somme des parties qui peuvent avoir des qualités inhibées lors d’une organisation de l’ensemble. Dès lors, il convient de prendre en considération tant le tout que les parties le composant afin d’apprécier la diversité dans le tout et le tout dans la diversité.

Ceci rejoint le principe hologrammatique d’un tout dans la partie et de la partie dans le tout. Dans une vidéo publiée sur Youtube « Les paradoxes de la complexité : système, tout, partie », Edgar Morin prend comme exemple le patrimoine génétique désignant l’ensemble du génome d’un organisme qui est au sein de toutes les cellules composant cet organisme.

Enfin, le principe dialogique permet d’aller au-delà des notions antagonistes en associant celles-ci lors d’un raisonnement afin de promouvoir cette émergence complexe de la connaissance.

La pensée complexe est une forme de pensée non-réductionniste tissant en son sein des domaines différents afin de rendre compte d’une connaissance globalisante constructive.

Parmi les livres d’Edgar Morin approchant la pensée complexe, son ouvrage Introduction à la pensée complexe est mon préféré. Concis mais précis, il permettra à chacun qui s’y plonge d’appréhender certains de ses fondements-clefs.

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