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Philosophe : entre désir de l’être et corruption

Cet article fait référence au grand B de la deuxième partie du mémoire de Master de Bastien FAUVEL réalisé durant son Master II Recherche en philosophie à l’Université de Strasbourg (2021/2022)

Titre du mémoire : L’éducation des philosophes-rois dans la philosophie platonicienne : dans l’Alcibiade et dans La République

La République, Livre VI : La philosophie et le monde sensible, une affaire de corruption

Le côtoiement des philosophes et des sophistes : La désorientation du désir de l’être

Dans cette partie, notre thèse sera la suivante : Bien que nous ayons jusqu’à présent développé le naturel-philosophe selon des critères élogieux, nous allons désormais décrire la manière dont celui-ci se désoriente de sa véritable préoccupation, à savoir la philosophie elle-même.

C’est ainsi dans cette partie, que nous allons commencer à exposer les méthodes éducatives traditionnelles d’Athènes ainsi que la critique platonicienne de celles-ci.

Il s’agira de montrer que la corruption du philosophe n’est pas une auto-corruption, le philosophe ne peut se corrompre qu’en regard de son inscription dans un milieu social et culturel précis et par conséquent néfaste pour lui.

Certes le philosophe, comme nous venons de le développer, oriente son désir vers les choses intelligibles, il n’en demeure pas moins que ces individus restent des individus attachés au monde sensible donc sujets à des détournements possibles de leur conditionnement.

Au fond, nous pouvons dire dans ces conditions que le philosophe naît déjà avec une nature profondément corruptible dans la mesure où cette nature précède son éducation.

Aucune norme, aucun principe ne dicte une certaine conduite aux philosophes, voilà pourquoi ils sont exposés à la corruption. 

  En effet, Platon commence par développer ce point en précisant la chose suivante : « – Or, considère le nombre de causes et de causes pernicieuses – qui affectent ce petit nombre »[1] : Nous pouvons comprendre à partir de cette phrase, que le philosophe ne se corrompt pas luimême mais l’ensemble de ses vertus subissent d’une certaine manière l’influence nocive du milieu extérieur.

Il faut dire, que selon la description de la cité et de son rapport avec la philosophie, d’après Platon, le philosophe s’inscrit dans un milieu relativement hostile à la philosophie elle-même :  « Le brave patron, ils le réduisent à l’impuissance, ils l’intoxiquent à la mandragore, ils l’enivrent ou recourt à quelque autre expédient pour se rendre maître du navire »[2]

Pour décrire cette corruption venue de l’extérieur, Platon commence par développer une certaine fracture, à travers la métaphore du navire, entre celui qui ne dispose pas d’une connaissance suffisante dans l’art de navigation et celui qui, rejeté par les autres, se soucie « du temps, des saisons, du ciel, des astres, des vents ».

Cette image est là pour représenter en réalité les hommes politiques actuels et les hommes de la cité, eux qui sont étranger à toute technique politique et toute science concernant la manière de gouverner la cité, de la même manière qu’on gouverne un navire.

De plus, ces hommes politiques refusent toute considération liée à la connaissance que suppose l’art politique, ils pensent que celle-ci est existante et par conséquent vont nier la philosophie elle-même.

Dans ces conditions, l’homme doué d’un naturel philosophique, se dissipe dans un milieu hostile à toute philosophie, de la même manière que la « semence »[3] souffre si elle ne dispose pas de ressources nécessaires pour survivre dans un milieu inadéquat. 

A partir de là, nous comprenons l’intervention de l’éducation comme un outil non seulement d’ascension vers un bon état, mais également un outil de protection, c’est-à-dire de préservation de l’orientation du désir vers un objet qui lui correspond.

Seule cette éducation est capable d’engendrer, nous dit Platon, le bon développement qui « le mènera à la vertu toute entière »[4] : Les naturels les plus doués devront être protégés par une éducation attentive et les naturels plus faibles ne feront pas l’objet de cette éducation.

L’environnement néfaste produit l’altération, l’éducation bonne engendre la préservation. Car en effet, si l’âme est corrompue c’est parce qu’elle se situe dans un environnement qui ne correspond pas au sien, un environnement qui suppose comme nous le verrons par la suite, un exil de l’âme elle-même afin de retrouver sa véritable demeure.

A ce propos, nous pouvons réinvestir l’analyse Paul Ricoeur qui déploie ce processus de corruption de l’âme aux prises avec un environnement néfaste, principalement dans le Phèdre : « la captivité du corps et même la captivité de l’âme dans le corps, sont le symbole du mal que l’âme s’inflige à elle-même »[5] :

Il reprend pour le coup cette idée du Phèdre, qui nous explique ce qui peut nous arriver en cas d’enchaînement de l’âme à un ensemble de plaisirs frivoles et dépendants du monde sensible.

Cette idée de captivité est essentielle pour comprendre le voyage de l’âme, dans la mesure où elle montre que celle-ci, n’est pas à sa place et que son lieu originaire suppose un certain détournement, un retour qui se cristallise par un certain souvenir du monde d’avant.

S’exiler, comme nous le verrons c’est dialectiser pour Platon. Sauf que l’âme est pour l’instant, prisonnière d’un monde marqué par « les biens, la beauté, la richesse, la force physique, la puissance des alliances politiques »[6] :

Ce monde-là c’est au fond le monde réductible à ce qui relève du sensible, c’est-à-dire le monde de l’inconsistance et de la contradiction liée à un ensemble de pensée et de parole nocive pour cet âme captivée, voire capturée par le sensible.

Ce qui au fond est normal, car c’est avec ce monde que nous entretenons nos premiers contacts, il est un monde donné et par conséquent un monde qui fait de la corruption, un passage presque obligatoire.

Plus précisément, ce monde-là, c’est un monde marqué par les « sophistes, et que certains sophistes font ce travail de corruption à titre de simples particuliers »[7] :

Platon pointe ici, pour la première fois dans notre développement, un type d’éducation, à savoir l’éducation sophistique et au fond l’influence publique plus étendue, qui se caractérise par des lieux de parole de la cité démocratique, où Platon ne voit que vacarme et parole vaine. 

« Lorsqu’ils se pressent nombreux, répondis-je, pour siéger dans les assemblées politiques, dans les tribunaux, dans les camps militaires, et à tout autre rassemblement, et qu’ils blâment ou qu’ils louent ce qui se dit ou ce qui se fait »136 :

D’un côté nous retrouvons, ceux qui se tournent du côté de la Paideia, c’est-à-dire les philosophes attirés érotiquement par le mouvement des choses dans leur réalité.

De l’autre côté, nous trouvons ceux qui se tournent vers la Paidia, c’est-à-dire une forme d’amusement bruyant dans les assemblées, où chacun ne fait que reprendre les opinions des autres, en leur prêtant le nom de savoir véritable.

Ce qui est intéressant de soulever, c’est la différence qui existe entre ces deux formes d’éducation concernant le rapport aux choses et l’âme des hommes : d’un côté dans la Paideia philosophique nous avons un certain rapport de pénétration aux choses-mêmes, un contact en direction de ce que les choses sont dans leur essence, tandis que du côté de l’éducation sophistique nous avons une certaine mise à distance de l’âme tournée vers ce qu’elle croit être la réalité.

Cette réalité qui ne s’apparente qu’à des objets trompeurs, dans la mesure où elle relève seulement de l’opinion des foules qui est incapable selon Platon d’admettre que « c’est le beau en soi, et non la multiplicité des choses belles, qui existe, et que c’est chaque chose en soi qui existe, et non la multiplicité des choses particulières »[8]: Platon nous explique donc que les premiers responsables de la corruption des philosophes, ce sont des individus porteurs d’une idéologie et d’une attitude profondément démagogique.

La corruption des philosophes est ainsi dans cette perspective contextualisée et historicisée : c’est la tendance intellectuelle et politique générale qui influence l’ensemble des caractères rares que sont les philosophes.

La transformation du caractère des individus ne peut donc pour Platon se produire que sous l’influence d’une révolution radicale, une intervention presque divine à travers une forme de grâce.

Cette grâce divine est aussi bien en apparence du côté de la réforme des institutions que du côté du caractère du philosophe :  

Car pour ce qui est d’atteindre la vertu, un caractère ne se modifie pas- aucun ne s’est modifié ni ne se modifiera jamais s’il est éduqué selon l’éducation transmise par ces gens-là (…) car tu dois savoir que tout ce qui, dans l’organisation actuelle des régimes politiques, est sauvé et devient ce qu’il doit devenir, tu peux l’affirmer sans te tromper, tout cela doit son salut à la faveur divine. [9]

Ce passage rejoint d’ailleurs un autre passage du Phédon dans lequel Platon sous-entend que la vertu philosophique n’est pas le produit d’une intelligence proprement humaine, que l’homme politique sage est le résultat d’un miracle : « Il nous apparaît que c’est par une faveur divine que la vertu est présente chez ceux où elle se trouve »[10].

Si Platon est aussi pessimiste au sujet de la réforme des pensées ainsi que des caractères, c’est principalement à cause de l’ampleur que cette sophistique éducative a prise au sein de la société : « Quelle éducation particulière résisterait sans être emportée dans ce cataclysme de blâmes et de louanges, dérivant au gré du courant qui l’entraîne ? »[11].

Au fond, l’influence de l’éducation sophistique ne peut détourner un certain ethos en direction du bien, mais elle peut le corrompre en raison de l’influence généralisée, qui se manifeste à l’échelle de la doxa, de l’opinion. 

Nous sommes donc ici au cœur du problème lié à notre enquête sur la formation des philosophes que nous pouvons formuler de la manière suivante : le naturel philosophique ainsi décrit, ne suffit plus à rendre compte de la légitimité politique des philosophes à gouverner.

Au fond, l’ampleur que prend la sophistique à cette époque témoigne en réalité d’une certaine maladie propre à la cité mais également d’une crise de la définition du savoir lui-même : celui-ci n’étant basé que sur l’apparence et n’étant que le résultat d’une aptitude usurpatrice du plus grand nombre des citoyens.

Cette crise définitionnelle du savoir cristallise à ce titre une rivalité certaine entre les philosophes et les sophistes. Ce désir chez Socrate et Platon de se placer en tant qu’ennemi des sophistes se double également d’une prétention à évacuer chez eux toute légitimité à gouverner la cité mais aussi à éduquer la vertu aux citoyens.

En outre, c’est principalement l’influence de plus en plus grandissante de la sophistique qui conduit à un manque de reconnaissance de la philosophie et par conséquent à une fragilité certaine de celui qui détient le naturel philosophe. Comme il est exprimé par Platon : 

Ne penses-tu pas qu’il (le naturel philosophe) qu’il se gonflera d’un espoir extraordinaire allant jusqu’à s’imaginer qu’il pourra devenir capable de gouverner   autant les Grecs que les Barbares ? et dans la foulée ne s’élèvera-t-il pas lui-même jusqu’au sommet, rempli de façon insensée de prétention et de vaine arrogance ? [12]

Nous pouvons penser ici que Platon dresse le portrait d’un certain Alcibiade, lui-même jeune, élégant et promis à un avenir philosophique du fait de son caractère naturel.

Mais, sous l’influence des sophistes, il se produit chez lui une forme d’ambition irrationnelle et par conséquent, un caractère aux antipodes de toute mesure, ne cherchant que des prétentions aussi folles qu’arrogantes.

Or si le naturel philosophe est éduqué par ces mêmes sophistes, il sera tenté d’être porté par un objet qui ne correspond pas à celui auquel sa nature était érotiquement attirée.

Socrate raconte d’ailleurs cette forme de corruption dans les Lois au livre X en évoquant ce qui est nommé la diaphtora du philosophe : celle-ci étant une maladie du naturel philosophe qui renseigne d’une part le caractère dynamique de l’âme mais aussi son état corrompu au moment où celle-ci se détache de ce qui est, l’essence, pour se tourner vers ce qui se corrompt, vers tout ce qui se détache de l’Eidos.

Sous l’effet de la flatterie mais aussi de l’éducation sophistique, le naturel philosophe détourne ainsi le lien aussi charnel qu’amoureux qu’il entretenait jusqu’alors avec la vérité : « Or ceux-là, qui se détournent ainsi d’une occupation qui leur convient suprêmement et qui abandonnent la philosophie à son isolement et à son célibat, ils vivent une vie qui ne convient pas à leur nature et n’est pas authentique »[13].

Nous retrouvons ici le lien de parenté qui lie la philosophie et le philosophe, lequel se rompt par l’abandon de celle-ci. La philosophie est donc célibataire et parce qu’elle est célibataire, elle est courtisée par un ensemble de prétendants qui ne la mérite pas.

Nous pouvons relever un certain paradoxe propre à la condition de la philosophie actuellement : Platon nous dit que celleci « conserve précisément, par comparaison avec les autres professions, un prestige plus important »[14] pour autant, celle-ci est dans ce contexte, à la portée de tous et donc considérée comme une science populaire, qui ne demande ni travail ni éducation préalable.

Le philosophe perd donc la philosophie en raison de sa corruption, mais la philosophie se perd elle-même lorsqu’elle est reprise par des individus qui ne disposent pas d’un naturel-philosophe, mais seulement « de beaux noms et riche de belles apparences, comme des prisonniers échappés de prison. »[15] :

Ces hommes qui ont l’opportunité, en raison de sa perdition, de se saisir de la philosophie alors même qu’ils ont toujours vécu sous l’influence de travaux qui ne demandent aucune mobilisation de l’intelligence, à savoir le travail manuel et l’artisanat.

Nous retrouvons également cette critique des travaux artisanaux, dans la Politique[16] d’Aristote, qui implique selon lui une posture avilissante, tel le cordonnier ou le charpentier qui s’adonnent chacun d’eux à des travaux « vulgaire » et « grossier ».

A la différence des travaux dit supposent l’acquisition d’une technè, beaucoup plus rapproché de l’épistémè plutôt que de l’empereia, comme par exemple le médecin.

D’ailleurs, la condition de ce pseudo-philosophe sera moquée par Platon lui-même, à travers la représentation d’un forgeron abruti par les travaux manuels, qui se « procure un habit neuf et, paré comme un jeune marié, entreprend d’épouser la fille de son maître pour fuir sa solitude et sa pauvreté. »[17] :

Les sophistes, dans ce cadre, renforcent l’effort de mimétisme auquel ces mêmes séducteurs s’adonnent à l’échelle de la cité tout entière : car en effet, les sophistes imitent d’une part les opinions de la foule, ils reprennent ce que pense cette foule, ce qu’elle déteste, ce qu’elle envie afin de mieux se retourner contre elle.

D’autre part, ils miment ce qui ne suppose aucun mot, les plaisirs, les émotions, l’argent, la gloire, les faits et prétendent à partir de là se donner eux-mêmes le nom de philosophe, tout en méprisant la philosophie elle-même.  

Le philosophe est ainsi dans ces conditions, prisonnier d’un monde que pourtant sa nature réfute. D’ailleurs, si lui-même tente d’échapper à cette sphère d’une éducation corruptrice, des sophistes, ces mêmes prétendus éducateurs exercent sur eux une autorité constante manifestée dans la dégradation civique, la confiscation des biens des philosophes, mais aussi la mort comme menace.

La philosophie face à ce climat pesant et destructeur pour elle n’a pas d’autre choix de se séparer d’elle-même, le lien de parenté établi jusqu’alors entre la philosophie et le naturel philosophe est condamné à « l’orphelinat »[18].

La situation que connaît le philosophe est donc marquée d’une profonde contradiction avec lui-même, entre sa nature et son état au contact de la cité, celui-ci étant malgré son naturel libre, enchainé à une doxa transcendant supérieur et surplombant toute légitimité à enseigner la philosophie.

A la fin du livre VII de la République nous retrouvons une indication qui renseigne fortement sur l’état de la philosophie actuelle : la philosophie doit être protégée pour ne pas être couvert « d’un ridicule encore plus grand » [19].

Nous arrivons à un point où la philosophie ne fait pas l’objet d’une éducation, mais doit faire l’objet de protection. Toute la vocation de la Républiqueest donc de défendre la philosophie face à la réputation qu’on lui en fait, cet art qui ne doit pas être choisi par défaut, mais par les meilleurs naturels, les plus intelligents ainsi que les plus énergiques comme le relève le Gorgias.

Ces naturels sont les derniers survivants de la folie de la multitude, comme il est indiqué dans la République : il existe encore « quelque noble caractère »[20] se tenant à l’écart de toute corruption.

Ces philosophes qui ont parvenu à s’effacer face à la multitude, face à tout un climat dominé par la tromperie, sont donc tenu non seulement loin de la cité mais aussi loin de toutes les affaires qui concernent celle-ci : « ils ont pleinement pris conscience de la folie de la multitude et ils ont vu que personne, pour ainsi dire, ne mène d’action politique saine »[21] :

Nous arrivons ici à une première étape de l’éducation platonicienne, elle qui pour former des hommes à la politique leur invite d’abord à se détourner de celle-ci. Ces mêmes philosophes se protègent eux-mêmes de la cité dont ils sont pourtant décidés à en prendre la charge, jusqu’au jour où comme dit Platon : « quelqu’un s’approche doucement de lui et lui dit la vérité, que l’esprit lui fait défaut »151

Jusqu’à maintenant le philosophe est pris à son propre piège, dès sa plus tendre enfance il a le devoir selon son naturel de s’occuper de tout ce qui concerne la vérité, le savoir, mais par l’influence de la sophistique tombe dans un comportement opposé.

Ainsi, quelle est cette voix extérieure qui aide le naturel philosophe à se retrouver ? De plus, comment la philosophie elle-même peut-elle accéder au rang de science politique suprême dans un contexte marqué par une décrédibilisation de celle-ci et par une représentation du philosophe décrit comme un « homme tombé parmi les fauves, refusant de s’associer à leurs iniquités, mais impuissant à résister seul à la horde en furie » [22] ?

Sans s’arrêter à une corruption de type sophistique, la philosophie est également en danger face à toute une influence éducative concernant les arts et particulièrement, la poésie. Cette influence artistique ne contribue pas seulement à la corruption intellectuelle, mais également à l’infantilisation du caractère et la transmission d’émotions contraires à une conduite vertueuse.

C’est ainsi, ce que nous allons développer, dans cette deuxième sous-partie.  

[1] PLATON, République, VI, p.325, 491b. 

[2] Ibid., p.321, 488c. 

[3] Ibid., p.326, 491d. 

[4] VI, p.326, 492a.

[5] RICŒUR Paul, Philosophie de la volonté, Paris, Éditions Points, 2009.

[6] PLATON, République, VI, p.325, 491c.

[7] PLATON, République, VI, p.326, 491e. 136            VI, p.327, 492b.

[8] PLATON, République, VI, p.326, 493e.

[9] PLATON, République, VI, p.328, 493a. 

[10] PLATON, Phédon,100b. 

[11] VI, p.327, 492c.

[12] VI, p.323, 494c.

[13] Ibid., p.331, 495c. 

[14] Ibid., p.332, 495d.

[15] Ibidem.  

[16] ARISTOTE, La Politique, VI, 1317b, p.39-41. 

[17] VI, p.332, 496a.

[18] PLATON, République, VI, p.331, 495c.

[19] PLATON, République VII, 536b. 

[20] Ibid., 496b. 

[21] PLATON, République, VI, p.333, 496b. 151 Ibid., VI, p.330, 494d.

[22] Ibid., VI, p.333, 496d.

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La perversion artistique : un contexte nuisible pour le caractère du philosophe : l’influence des poètes homériques

Nous avons jusqu’à maintenant étudié de quelle manière le philosophe peut être corrompu par tout un contexte intellectuel marqué par la sophistique, lequel contribue à détourner le naturel décrit du philosophe de sa véritable orientation.

Cette orientation caractérisée par la recherche de la vérité et donc de la philosophie elle-même. Mais nous pouvons aller plus loin cette démarche en décrivant cette fois-ci la possible corruption du philosophe à travers un contexte artistique et culturel néfaste pour celui-ci :

« Il nous faut donc commencer, semble-til, par contrôler les fabricateurs d’histoires. Lorsqu’ils en fabriquent de bonnes, il faut les retenir, et celles qui ne le sont pas, il faut les rejeter. »[1] :

En effet, la critique platonicienne du contexte athénien, bien qu’elle se caractérise par un dépassement du cadre démocratique et sophistique, s’ancre également dans une logique de censure face à un ensemble de pratiques artistiques et culturelles, responsables selon lui de l’amollissement des philosophes de la cité.

Cette censure s’attaque aux poètes, mais aussi comme nous le verrons plus tard à des outils musicaux ou encore pictural. L’ambition diachronique de notre sujet ne se cantonne donc pas à montrer de quelle sorte l’éducation platonicienne dépasse un contexte historique mais en quoi celle-ci constitue la réponse et le dépassement de celui-ci à travers une volonté profondément contestataire chez Platon visible dans La République

Dans le livre II de la République, l’entreprise de Platon est la suivante : fonder une cité juste qui par analogie va déterminer en même temps ce qu’est une âme juste.

En effet, la formation du philosophe ne peut se développer sans établir un rapport de domination et de gouvernance entre l’âme et le corps, lequel comme nous avons pu le voir peut-être à l’origine aussi bien de dérives psychologiques que de dérives sociales et politiques.

Dans ce cadre, il convient de donner au gardien la fonction de légiférer et de réguler les arts utiles ou non au bon développement du naturel. Cette législation et cette réglementation passent ainsi par la prescription des bons discours adressés aux enfants et la reconnaissance de ceux qui, prononcés par les poètes, sont nuisibles.

Pourquoi est-il important de légiférer à propos de ces discours et de se prononcer sur les influences qu’ils peuvent exercer durant la période de l’enfance ? Car nous dit Platon, « C’est en effet principalement durant cette période que le jeune se façonne et que l’empreinte dont on souhaite le marquer peut-être gravée. »[2] : l’image de l’emprunte est en effet significative dans l’éducation platonicienne dans un passage du Théétète[3] :

Platon évoque l’image du cachet qui s’imprime dans la cire comme un don de Mnémosyne, la mère des Muses, laquelle métaphorise l’accueil de la science et de la culture qui se gravent comme des marques que l’on imprime en nous.

Mais cette image renseigne également, au-delà de son contenu historique, sur un principe fondamentalement philosophique concernant la nature de l’âme chez Platon : Elle fait état du caractère plastique de celle-ci et l’idée plus grande encore selon laquelle former, éduquer, c’est avant tout imprégner les bons naturels d’un modèle, de façonner ces mêmes hommes à des représentations durables qui, une fois imprimées, demeurent ineffaçables.

Platon va d’ailleurs plus loin dans le Théétète en expliquant que cette trace est non seulement ce qui implique la rectitude du caractère à travers des modèles, mais ce qui permet en outre d’actualiser la mémoire et la reconnaissance de quelque chose d’identique à l’emprunte qu’elle a laissé en nous.

Ce qui fait donc intervenir ici le rôle de la réminiscence et l’idée présente dans le Ménon selon laquelle connaître, c’est se ressouvenir d’un élément que l’âme a connu dans le passé, antérieurement à toute naissance. Nous trouvons donc ici une perspective engrammique de l’éducation platonicienne et de la manière de percevoir les choses qui nous entourent.

Or, nous sommes confrontés à un problème ici qui vient impacter cette approche de l’éducation : la plupart des récits majeurs d’Hésiode par exemple et d’Homère offrent aux jeunes enfants des modèles insuffisants au bon développement intellectuel et par conséquent de mauvaises traces qu’il s’agirait de suivre à titre d’exemple :

« Ce sont les histoires, répondisje, que Hésiode et Homère nous ont racontées l’un et l’autre, et les autres poètes aussi. Ce sont eux, en effet, qui ont raconté aux hommes ces histoires fictives qu’ils ont composées et qu’ils continuent de raconter. » [4]

La critique adressée à ces récits selon Platon s’attaque à la fictivité de ces discours remaniés et défigurés, qui mettent au premier rang le mensonge et la tromperie.

Ces discours, parce qu’ils tiennent leur véracité en fonction d’une interprétation subjective et donc possiblement fausse, ont la possibilité de substituer à la répugnance du mensonge inscrite dans le naturel philosophe, la tentation de basculer vers celui-ci.

« Lorsqu’on représente mal dans leur discours ce que sont les dieux et les héros, comme lorsqu’un dessinateur dessine des choses qui ne ressemblent aucunement à ce à quoi il souhaitait les faire ressembler en les dessinant. »[5] :

Le mensonge est ici le reflet d’une fausse représentation des dieux à travers leur caractère vil et méchant, ce qui peut donc détourner le philosophe non seulement de sa nature philosophique, en raison du mensonge transmis, mais également d’un modèle divin qui constitue comme nous le verrons, un modèle d’excellence et de vertu pour lui. 

En ciblant par exemple le traitement qu’Hésiode réserve aux actes de « Ouranos » envers Cronos à travers l’histoire de la généalogie des Cronides, Platon exprime de cet exemple deux conséquences et deux manières de persuader ou de corrompre à travers elles :

D’une part, ces récits transmettent, comme il sera d’ailleurs dit dans le livre X de la République, des images trompeuses dues à une mauvaise représentation des dieux.

Mais de plus, nous dit Platon cette représentation erronée des dieux impliquent des conceptions biaisées des relations entre les hommes et donc de la cité tout entière, dans la mesure où il nous dit : « Il ne faut pas raconter non plus, repris-je, absolument pas que les Dieux font la guerre aux Dieux »[6]:

En étant spectateur de ces récits, les jeunes enfants et notamment ceux doués d’un naturel philosophe peuvent appliquer le modèle de guerre civile à la représentation qu’ils se font de la cité et des hommes qui composent celle-ci.

A ce titre, ils peuvent chercher à nuire à autrui et par conséquent être affecté par un ordre général de la cité qui ne peut correspondre à celui, imaginé par Platon : un climat de discorde hostile à l’harmonie, au bien et à la justice commune.

Platon adopte ici une position respectueuse des dieux, proche de Pindare d’ailleurs qui dit la chose suivante : « Blasphémer les Dieux est une mauvaise sagesse (…) que la guerre ni les combats n’approchent des immortels »159 : Comme nous le verrons dans une prochaine partie à travers l’importance de la divinité liée à la  connaissance de soi, le divin est pour Platon celui qui représente l’exemple d’une conduite moralement bonne et intellectuellement parfaite, ce qui lui confère ainsi sa posture de dieu sacré.

Platon remet en cause, une conception également responsable corruptrice du trouble de l’âme, c’est-à-dire l’idée d’une nature dynamique et mouvante des dieux représentée dans la mythologie grecque. Homère dira par exemple : « Deux jarres sont disposées sur le seuil de Zeus remplies de sorts, l’une de sorts heureux, l’autre de sorts malheureux »[7] :

Dans ces conditions, cette entreprise descriptive d’une double nature liée à la divinité, peut entraîner chez les jeunes enfants la rupture avec un principe clé de la métaphysique platonicienne : l’idée de l’inaltérabilité de l’âme et de la conduite.

Cette idée d’un dieu mouvant peut en outre renforcer la dépendance de l’homme à l’égard du monde sensible et de cette conception du monde des choses constamment en mouvement. Une dépendance donc à l’égard de ce qui renvoie au faux, à la tromperie.

Ainsi, c’est toute une invitation et une élévation de l’homme à la piété que la poésie homérique semble compromettre.

Pour dépasser cette désorientation, Le dieu en question ne peut donc pas semer la discorde, ni rechercher le malheur d’autrui dans la guerre et dans le conflit. Ainsi, comment contracter chez les individus, doués d’un naturel philosophe, la douceur du caractère envers les autres, si la culture poétique et mythologique athénienne transmet constamment une image des dieux qui, entre eux ne semblent pas entretenir de liens d’amitié ?

Cette tendance à transmettre l’image des dieux agressifs entre eux peut cultiver le danger du thumoeides, cette colère nécessaire comme nous le verrons, pour les individus mais lorsqu’elle se mêle d’une férocité envers autrui, celle-ci est incontrôlable et irascible. « Si nous voulons au contraire les persuader que jamais un citoyen n’a considéré un autre citoyen comme son ennemi, et que cela serait chose impie, alors que telles soient les histoires que les vieux et les vieilles doivent rapidement préférer pour les enfants »[8]:

Platon pense donc que ces récits ont d’une part l’intention d’altérer le jugement des jeunes enfants concernant la nature de la cité et des hommes, mais d’autre part, de leur donner un mauvais exemple lié cette fois-ci à une conduite droite et rigoureuse.

Pourquoi ?

Car le dieu se manifeste ici « sous des figures diverses, tantôt en se produisant lui-même par la transformation de son être en plusieurs formes, tantôt en nous trompant par la production autour de lui de semblants de ce genre »162 :

Or un corps, pour qu’il soit le meilleur possible et pour que la conduite soit la plus droite possible doit remplir un principe statique, il doit être « le moins altéré par les nourritures et les boissons, par les efforts, et de même pour toute plante, celle qui sera la moins altérée par la chaleur du soleil, les vents et les autres phénomènes qui l’affectent. »[9]

Nous voyons à partir de là, de quelle manière les récits poétiques entravent le processus d’ascension vers un comportement vertueux du caractère et de l’âme lié au courage de celle-ci : « Si tu réfléchis au fait que la partie de l’âme que nous cherchions tantôt à contenir par la force, dans les circonstances de nos malheurs personnels – cette partie qui est assoiffée de larmes et portée à se lamenter sans retenue jusqu’à épuisement »[10] : Ces récits sèment la discorde dans l’âme de l’individu puisqu’ils éveillent et renforcent un sentiment excessif, celui de la férocité et la brutalité du caractère.

D’autre part, la poésie éveille des sentiments contraires à toute forme de maîtrise et contraire à cette partie rationnelle de l’âme qui canalise l’ensemble de ces émotions. Cette excitation liée à l’âme et aux passions irrationnelles vient du fait que la poésie, dramatique mettent en scène « un de ces héros accablés par le malheur qui déclame une longue complainte mêlée de gémissements »[11] ou le héros qui se met en scène « en se frappant la poitrine » :

Il convient de mesurer ici le propos, si le plaisir de l’émotion dramatique est un élément condamnable dans la critique du théâtre et de l’art chez Platon, celui-ci ne rejette pas toutes les œuvres qui éveillent les émotions, mais propose, selon les commentaires de Leroux une véritable ascèse, capable de dépasser l’émotion inférieure.

Cette émotion qui, une fois cultivée au théâtre, s’accompagne également d’un manque de contrôle sur l’ensemble de nos émotions personnelles (oikeîa). 

Dès lors, la poésie traditionnelle ne peut constituer un modèle éducatif pour les jeunes enfants de la cité, c’est pourquoi d’après Platon il ne faut pas supprimer celle-ci mais remplacer le modèle mensonger des divinités brutales, en modèle vrai et conforme à la véritable nature du dieu : Il ne s’agit pas d’ériger un dieu transcendant et surplombant l’ensemble des hommes de la cité mais d’attribuer au dieu des qualités comme la bonté et l’immutabilité.

En effet, la présence du mal au côté des dieux et de leur profonde adversité entre eux semble remettre en cause le sens du monde lui-même par la critique de la puissance d’un dieu, incarnant bonté et amour.

Dieu ne peut nous dit Platon être cause du mal terrestre présent entre les hommes, sa nature bonne ne peut lui conférer le titre de cause du malheur : « il est donc impossible, dis-je, même pour un dieu, de vouloir s’altérer lui-même, mais il semble au contraire que chacun des dieux, parce qu’il est le plus beau et le meilleur possible, demeure dans sa forme propre éternellement et absolument. »[12]:

Dès lors, les tragédies d’Homère ou d’un autre poète ne peuvent rendre responsables les dieux du malheur du monde. En représentant ce genre d’image, ils entrainent la désolidarisation des hommes avec les dieux et oriente ainsi les hommes vers des « simulacres »167, c’est-à-dire l’imitation dans le langage de la méconnaissance ainsi que de la tromperie. Un processus que chaque philosophe, dans son éducation, doit éviter.

C’est cette même production des simulacres qui va exciter la partie inférieure de l’âme humaine, cet élément excitable lequel est indépendant de toute réflexion. C’est tout le sens que donne Platon à cette phrase : « le poète imitateur instaure dans l’âme individuelle de chacun une constitution politique mauvaise » [13] :

La poésie prive donc toute élément réflexif propre à l’âme mais impose également un jugement des choses, qui soient tantôt une, tantôt leur contraire, autrement dit un jugement purement sensible des choses. 

En outre, l’excitation d’un ensemble de passion et la transmission d’illusion à travers les simulacres, sont également renforcées à travers la représentation d’une mort qu’il faudrait craindre. Platon commence le livre III en indiquant qu’il faut également bannir les poésies épiques qui ont pour but de « dénigrer les choses de l’Hadès en les décrivant sans nuance »[14]:

Cette description de l’Hadès consiste à décrire une vision désastreuse et craintive de la mort, que chaque guerrier ou chaque homme en général doit redouter. Dans cette perspective, ces poèmes invitent les hommes à rester des esclaves enchainés à une ignorance de la véritable nature de la mort et à la peur qui suscite celle-ci.

Or nous avons précédemment vu que le naturelphilosophe, parce qu’il accorde une grande valeur à la vie n’a par conséquent pas peur de la mort. De plus nous dit Platon, le vocabulaire terrifiant que ces récits proposent, comme « Cocyte » ou « spectres »[15] contribue à détourner l’âme du courage et d’entretenir avec elle la peur, une conduite craintive à l’égard des choses et qui par conséquent ne correspond pas à l’idéal de la conduite ferme face à n’importe quel danger. 

Or, nous dit Platon, les gardiens comme les philosophes sont les véritables ouvriers de la liberté à l’échelle de la cité, par conséquent ils doivent également posséder une nature libre. C’est-à-dire une nature qui ne soit pas constamment sous la servitude de l’illusion d’une nature terrifiante de la mort.

Selon cette représentation, Platon craint d’ailleurs que les gardiens deviennent « plus nerveux et plus fragiles »171. C’est donc toute la vertu du courage qui semble être ici corrompue par la méconnaissance de la mort, ce courage qui pourtant constitue en grande partie la nature du philosophe : elle est la vertu qui, sous la direction d’un véritable logos, lutte contre le déséquilibre entre la tempérance et l’ardeur.

Le philosophe est celui qui demeure maître de luimême face à la terreur de l’Hadès, mais aussi celui qui préfère mourir, comme Socrate, plutôt que d’être ignorant et dépendant d’une opinion faussée de la mort.

En transmettant cette fausse opinion sur la mort, la poésie tragique d’Homère par exemple éloigne donc constamment l’âme d’une conduite réfléchie, puisqu’elle ne vit que selon l’illusion qu’elle se fait de la mort. 

Dans cette partie, nous avons pu mettre en lumière le caractère plastique et contradictoire du naturel philosophe au contact de la cité. Nous avons montré de quelle manière celle-ci est le support de toute corruption, liée aussi bien au caractère qu’à l’âme elle-même.

D’une part, la sophistique, en raison de son écrasante domination à Athènes, contribue à détourner le naturel philosophe de son amour pour la vérité, à cause d’une parole vaine et d’un ensemble d’opinion indépendant de toute vérité. Le climat doxographique entraîne donc une désorientation du naturel-philosophe mais également une décrédibilisation de celle-ci, en la percevant comme une pratique accessible à tous.

D’autre part, la poésie homérique et tragique est également un outil de corruption et de désorientation du naturel-philosophe, dans la mesure où elle a pour but, comme nous l’avons développé, de représenter des modèles dénaturés des dieux, ainsi qu’un ensemble de sentiment irrationnel fait de lamentation et de servilité. 

L’éros philosophique ne peut donc pour l’instant pas s’inscrire dans un cadre politique et social. Ainsi, nous sommes confrontés à ce propos à une double problématique : D’une part, comment le philosophe peut-il gouverner une cité dans laquelle il est répugné et au contact de laquelle sa nature ne peut se joindre à celle des autres ?

D’autre part, comment le philosophe peut-il devenir philosophe roi alors même que celui-ci semble pris dans le gouffre de la corruption et du détournement de la vérité, donc de la philosophie elle-même ? Ces deux questions font intervenir la nécessité de l’éducation comme outil de maintien de l’éros philosophique.

L’éducation est le seul instrument capable, face au contexte décrit, de réorienter le philosophe vers le désir de philosopher et la préoccupation première pour une vie dominée par la réflexion.

L’éducation philosophique, comme nous allons ainsi le voir se doit de faire face à un ensemble de contrainte factuelle liée à la réputation prêtée à celle-ci et en vertu de ce combat, elle n’aura de consistance et de fiabilité qu’en dépassant ces contraintes.

Pour autant que cela peut s’avérer paradoxal, l’éducation du naturel rare à la philosophie et par la suite à la science politique, devra ainsi se détourner d’abord de l’affaires des hommes de la cité.

Ce détournement sera de ce fait décrit en vertu d’une critique généralisée des pratiques culturelles, intellectuelles et esthétiques de la cité, chacune ayant le point en commun d’affaiblir le naturel philosophe.

De plus, l’éducation entame un véritable parcours, dur et long, de la réappropriation du philosophe de ce pourquoi il a été fait, ce qui détermine d’une part le chemin de son existence et d’autre part sa légitimité à gouverner la cité. 

En effet, l’argumentation concernant la poésie trouve sa place dans le développement concernant l’éducation des gardiens, en raison d’une extension du territoire de la cité. Cette extension produit inévitablement la guerre et donc l’intervention des soldats et des gouvernants au rang de protecteur et gouverneur de la cité.

L’intervention de ces deux classes suscite également la question de leur recrutement, dans la mesure où il est nécessaire de choisir des individus aptes à occuper ces fonctions, en raison de leur qualité requise.

Mais, « de quelle manière seront élevés chez nous ces gardiens et comment seront-ils formés ? »[16] : Dans la mesure où nous avons rendu compte du caractère corruptible du philosophe, l’intervention de l’éducation s’avère nécessaire afin de dépasser d’une part cet état contradictoire avec lui-même, mais également d’autre part l’idée selon laquelle il est possible d’être un acteur politique en même temps qu’être un ignorant.

Afin de répondre au problème lié à la corruption du philosophe sous l’influence de la poésie et de la sophistique, nous allons ainsi commencer par étudier le programme éducatif de Platon concernant la musique et la gymnastique.

Lesquelles entendent non seulement, substituer aux modèles de simulacres et de mensonge concernant les dieux propres à la poésie, des modèles de vertus, qu’il serait cette fois-ci nécessaire d’imiter.

D’autre part, ces deux pratiques entendent éduquer le naturel-philosophe à la maîtrise du corps, mais également au plaisir lié à la recherche de ce qui est bon pour celui-ci. L’approche n’est donc plus ici une approche critique et descriptive d’un contexte et d’un état, mais elle revête une exigence profondément normative :

Qu’est-il bon de faire ou de penser afin de devenir meilleur et par conséquent de dépasser la condition corrompue, propre au philosophe ?

[1] II, p.151, 377b.

[2] PLATON, République, II, p.152-153, 377a-378e. 

[3] PLATON, Théétète, 191d. 

[4] PLATON, République, II, p.151-152, 377d.

[5] PLATON, République, II, p.152, 377e.

[6] PLATON, République, II, p.152, 378b.  159 PINDARE, Olympiques, IX, 54 sq. 

[7] PLATON, La République, II, p.155, 379d. 

[8] PLATON, La République, II, p.153, 378d.  162 PLATON, La République, II, p.157, 380d.

[9] PLATON, La République, II, p.157, 381a. 

[10] PLATON, La République, X, p.499,606a.

[11] PLATON, La République, X, p.498, 605d. 

[12] Op.cit., II, p.158, 381c. 167 Op.cit., II, p.160,382c.

[13] Op.cit., X, p.498, 605b. 

[14] PLATON, La République, III, p.163, 386c. 

[15] Op.cit., III, 387c.  171 Ibidem. 

[16] PLATON, République, II, p.149, 376c.

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bastien fauvel

Bastien FAUVEL

Dans un monde marqué par les réseaux sociaux, j’ai décidé de fonder en 2023 la revue Phusis. Cette revue a pour but de partager des articles sur les sciences humaines et sociales.

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