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statut de fiduciaire en droit OHADA : rigidité et implications

Cet article fait référence au chapitre 2 section 2 paragraphe 1 du mémoire de Elie Blaise Martin LENDOYE AKOULOUA réalisé durant son Master en Droit Privé option Droit des affaires à l’Institut Supérieur de Droit de Dakar (2022/2023)

Titre du mémoire : La fiducie-sûreté en droit OHADA

Les limites liées aux dispositions relatives au statut de fiduciaire

Le droit OHADA a introduit dans sa réforme de décembre 2010 un mécanisme de transfert fiduciaire d’une somme d’argent en garantie du paiement d’une dette. La sous-section relative à ce mécanisme est très succincte[1]. Elle est composée de cinq courts articles qui laissent beaucoup de place à l’interprétation.

Or, les praticiens des sûretés n’aiment pas beaucoup les interprétations, le but d’un mécanisme de sûreté étant par définition d’être sûr, au moins juridiquement. C’est certainement une des raisons pour lesquelles le mécanisme de la fiducie-sûreté est si peu utilisé qui existe également en droit français, est si peu utilisé[2]

Le terme fiduciaire n’est pas connu en droit OHADA, mais plutôt en droit français. C’est procédant à une interprétation qu’il nous a été permis de parler de fiduciaire par assimilation au droit français[3] de la fiducie.  Ainsi, par assimilation, nous nous permis de considérer l’établissement de crédit teneur du compte comme fiduciaire.

Comment se traduit les limites liées aux dispositions relatives au fiduciaire ? 

Les limites liées aux dispositions relatives au fiduciaire se manifestent d’une part par une insuffisance des dispositions relatives au fiduciaire (Paragraphe 2), mais aussi par une rigidité relative au statut de fiduciaire en droit OHADA (Paragraphe 1). 

Paragraphe 1 : La rigidité dans le statut de fiduciaire  

En consacrant le transfert fiduciaire d’une somme d’argent, le législateur communautaire a formulé des exigences en ce qui concerne le patrimoine d’affection. C’est-à-dire le lieu sûr, au sein duquel les fonds cédés devraient être placés pendant toute la durée de l’opération. Par l’article 87 alinéa 2, le législateur s’est prononcé sur le statut de fiduciaire en droit OHADA. 

Que dit le législateur communautaire en ce qui concerne le statut de fiduciaire en droit OHADA ? 

A cette question, nous pouvons y répondre en disant que le législateur communautaire a limitativement accordée le statut et la qualité de fiduciaire aux établissements de crédits. Face à cette rigidité quant aux personnes juridiques pouvant acquérir le statut de fiduciaire, il y aurait intérêt à s’interroger les conséquences d’une telle restriction

Les conséquences d’une telle restriction peuvent être deux ordres. Pour ce qui est du premier, on peut alors parler de conséquences positives relativement à l’objet restreint de la fiducie 

(A). En revanche, dans le second ordre, il s’agirait de conséquences dites négatives (B).

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statut de fiduciaire

A- Les conséquences positives de la rigidité de la qualité de fiduciaire

La qualité de fiduciaire est dévolue en droit des sûretés OHADA aux établissements de crédit habilités[4] .  

La notion d’établissement de crédit est définie dans la zone BCEAO[5] par la loi cadre portant règlementation bancaire comme les personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle, des opérations de banquesConstituent des opérations de banques au sens de la présente loi, la réception des fonds du publique, les opérations de crédit, ainsi que la mise à disposition de la clientèle et la gestion de moyens de paiement. Les établissements de crédit sont agréés en qualité de banque ou d’établissement financier à caractère bancaire[6]

Le législateur OHADA précise que l’établissement de crédit qui doit accueillir les fonds, doit être habilité. Ainsi, après lecture de l’article 2 de la loi cadre portant réglementation bancaire il s’agirait ici soit d’une banque car elle a l’habilitation ou encore l’agrément pour effectuer toutes les opérations de banque énumérées en particulier celle qui nous intéresse la réception des fonds du public et les établissements financiers à caractère bancaire ayant agrément permettant d’effectuer les opérations de réception des fonds du public.  

Sont considérés comme fonds reçus du public, les fonds qu’une personne recueille d’un tiers, notamment sous forme de dépôts, avec le droit d’en disposer pour son propre compte, mais à charge pour elle de les restituer. Les fonds provenant d’une émission de bons de caisse sont considérés comme reçus du public[7]

Les conséquences positives de la rigidité des dispositions relatives à la qualité de fiduciaire exclusivement dédiée aux établissements de crédit peuvent se lire à deux niveaux.  

Pour ce qui est du premier, nous pouvons souligner l’aspect sécuritaire. En effet, les établissements de crédit semblent être les personnes idéales pour avoir la qualité de fiduciaire compte tenu de la législation en vigueur. Confier la gestion de fonds importants peut parfois laisser place à des doutes quant à l’idée de pouvoir les percevoir à la première demande.

A ce sujet, certains auteurs s’emploient à dire que c’est le choix idéal et souligne que c’est pour : « des raisons d’éthique, de morale et de notoriété qu’aurait une personne morale par rapport à une personne physique ». Les banques et les établissements financiers à caractère bancaire sont régies par une règlementation stricte et des contrôles accrues ce qui écarte le risque de détournement. Il est certes vrai que les fonds placés dans le compte peuvent être utilisés par l’établissement, mais à première demande les parties pourront les obtenir.

Ceci dit car l’opération de banque relative à la réception des fonds du public que prévoit la loi cadre a pour corolaire l’obligation de restituer les fonds utiliser, ceci semble se lire en ces termes : « avec le droit d’en disposer pour son propre compte, mais à charge pour elle de les restituer »[8]

S’agissant du second niveau, il faudrait souligner que les établissements de crédit sont des professionnels en matière de gestion de fonds. Ainsi, il serait en principe difficile de trouver des professionnels plus aguerris pour pouvoir mener cette opération à bien. Ainsi le choix du législateur semble être judicieux surtout en ce qui concerne l’objet de la fiducie en droit OHADA.

En droit français, l’article 2015 traite des personnes pouvant acquérir la qualité de fiduciaire : « Seuls peuvent avoir la qualité de fiduciaires les établissements de crédit mentionnés au I de l’article L.511-1 du code monétaire et financier, les institutions et services énumérés à l’article L.518-1 du même code, les entreprises d’investissement mentionnées à l’article L.531-4 du même code, les sociétés de gestion de portefeuille ainsi que les entreprises d’assurance régies par l’article L.3101 du code des assurances. Les membres de la profession d’avocat peuvent également avoir la qualité de fiduciaire. »[9], on peut constater qu’en droit français la qualité de fiduciaire est élargie à plusieurs personnes.

Cela semble tout à fait normal car la fiducie en droit français se dédouble en fiducie-gestion et sûreté mais aussi en raison de l’objet élargie de biens pouvant être placés en fiducie. 

Que le fiduciaire soit un professionnel est certainement une garantie de compétence pour les constituants et bénéficiaires. En particulier, la profession choisie se voient appliquer des règles déontologiques fortes, ce qui permet de contourner la question de la définition d’un statut juridique du fiduciaire.

Toutefois, il est dommage que le contrat de fiducie du Code civil ne soit pas largement ouvert aux destinataires naturels dudit code. De fait, la législation française rend inintéressante l’utilisation de ce mécanisme pour des montages de faible ampleur, pour lesquelles le recours à un professionnel augmente le coût de manière dissuasive. En outre, cela bride certaines utilités du mécanisme.

Notamment, contrairement au trust, qui sert régulièrement à structurer un partenariat joint-venture) ou un contrat de société que les associés ne souhaitent pas soumettre à immatriculation, le fait qu’une catégorie limitée de professionnels de secteurs bien définis s’impose à la relation des parties réduira considérablement les utilisations de la fiducie dans un tel dessein. Mais plus encore, certaines utilités de la fiducie sont clairement mises de côté[10].  

C’est le cas par exemple de la fiducie d’utilité sociale, qui au Québec permet à des propriétaires volontaires d’affecter leurs terres à la protection de l’environnement au bénéfice des générations actuelles et futures[11]

Dans cette hypothèse, il est probable qu’un banquier ou un avocat ne soient pas les mieux placés pour mener à bien cette mission de préservation de l’environnement, en gérant les terres arables de façon durable et en assurant la conservation de la faune et de la flore, tout en veillant à la distribution de paniers de fruits et de légumes de saison dans le cadre d’un partenariat liant la population locale aux agriculteurs, auxquels la terre est mise à disposition. Une association de défense de l’environnement ou un groupe de citoyens engagés seraient certainement plus légitimes dans la réalisation d’une telle mission[12]

Après avoir vu les conséquences positives, il serait intéressant pour nous d’aborder à présent les conséquences négatives. 

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statut de fiduciaire

B- Les conséquences négatives des dispositions relatives à la qualité de fiduciaire

S’agissant des conséquences négatives des dispositions relatives à la qualité de fiduciaire, nous pouvons souligner que les dispositions en la matière nécessitent une multitudes d’interprétation, mais aussi ne permettent pas à certaines entités indépendantes de se développer et d’ajouter à leur activité la gestion du patrimoine fiduciaire. 

Pour ce qui est des multiples interprétations que suscitent les dispositions relatives à la qualité de fiduciaire, plus précisément en ce qui concerne la notion d’établissements de crédit habilités énoncée à l’article 87 al 2 de l’AUS. Il n’est pas aisé de comprendre après une lecture ce que le législateur entend par établissements de crédit habilités, il faudrait impérativement procéder à une analyse minutieuse des textes communautaires régissant les institutions financières.

Or, l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi est une caractéristique fondamentale que doit revêtir chaque loi. Ludovic Benezech disait : « Il s’agit en somme pour le législateur d’assurer l’accès à la fois matériel et intellectuel à la loi tout en ayant conscience que cette dernière exigence est relative et peut varier d’un lecteur à un autre »[13][14] et selon le Centre national  de ressources textuelles et lexicales définit  l’accessibilité comme « la propriété, la qualité de ce qui est accessible » tandis que l’intelligibilité recouvre «  ce dont on peut comprendre sans difficulté »92.

Il serait alors judicieux que la Cour commune de justice et d’arbitrage par son pouvoir souverain d’interprétation et d’application du traité ainsi que de règlements pris pour son application, des actes uniformes et des décisions[15] en apporte un sens clair. Tout ceci dans le but d’éviter une insécurité juridique.  

Des critères stricts pour la qualité de fiduciaire pourraient entraver l’innovation dans le domaine des services fiduciaires. Des acteurs non traditionnels pourraient être exclus, limitant ainsi l’émergence de nouvelles approches et technologies. En effet, il existe de nombreux cabinets fiduciaires dans l’espace OHADA qui sont à la fois des cabinets exerçant dans les domaines juridique, fiscale et comptable à l’exemple du cabinet FAEC SA[16]. Déjà à pieds joints dans le secteur des affaires, nous pensons qu’ils rempliraient pleinement la fonction de fiduciaire. 

Toujours dans la perspective de démontrer que les dispositions encadrant le transfert fiduciaire d’une somme d’argent présentent une rigidité, il est à présent opportun d’aborder le laconisme des dispositions relatives au fiduciaire. 


Pour plus d’informations sur ce mémoire, n’hésitez pas à vous adresser directement à l’auteur ci-dessous.

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LENDOYE AKOULOUA Elie Blaise Martin

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Notes

[1] Depuis sa consécration, le cadre juridique de la fiducie-sûreté est qualifié de laconique. 

[2] Thibaud FORBIN, « L’utilisation du mécanisme de transfert fiduciaire d’une somme d’argent en droit OHADA dans le cadre des contrats d’exploitation pétrolière »https://s3useast2.amazonaws.com/mwe.media/wpcontent, consulté le 16/12/23 à 16H54. 

[3] En droit français le terme fiduciaire peut se lire à l’article 2011 du code civil.  

[4] Art 87 al 2 de l’AUS. 

[5] BANQUE CENTRALE DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST. 

[6] Art 2 de la loi cadre portant réglementation bancaire de l’UEMOA. 

[7] Art 5 de la loi cadre portant réglementation bancaire de l’UEMOA. 

[8] Idem 

[9] Art 2015 du Code Civil français. 

[10] Célia BERGER-TARARE, « La fiducie », Ed. Ellipses, Droit notarial, 26 Septembre 2023, p.45. 

[11] LAPEROU-SCHENEIDER et DUBIUS.A, « La fiducie d’utilité sociale ou la société civile au service de l’environnement- Perspectives québécoises », https://international.scholarvox.com/reader/docid/88946809 , consulté le 17/12/2023 à 17H42. 

[12] BERGER-TARARE Célia, « La fiducie », op., cit., p.46. 

[13] Ludovic BENEZECH, « L’exigence d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi : retour sur vingt ans d’expérience », https://www.cairn.info/revuefrancaisededroitconstitutionnel20203page

[14] .htm#:~:text=L’accessibilité%20et%20l’intelligibilité,Constitution%20lors%20de%20son%20application , consulté le 18/12/2023 à 04:44. 92 Idem. 

[15] Art 14 du Traité portant révision du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique 

[16] FIDUCIAIRE D’ASSISTANCE ET D’EXPERTISE COMPTABLE

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