Fiducie Sûreté Droit OHADA Réalisation Sûretés mobilières Efficacité Sécurisation des transactions Cadre juridique Pratiques innovantes Optimisation des garanties

Fiducie-sûreté OHADA : Efficacité dans la Réalisation des Sûretés Mobilières

Cet article fait référence au chapitre 1 section 1 paragraphe 1 du mémoire de Elie Blaise Martin LENDOYE AKOULOUA réalisé durant son Master en Droit Privé option Droit des affaires à l’Institut Supérieur de Droit de Dakar (2022/2023)

Titre du mémoire : La fiducie-sureté en droit OHADA

L’efficacité constatée de la fiducie-sureté dans réalisation

Les phases qui jalonnent la vie d’une sûreté sont généralement au nombre deux. La première est dite phase de constitution et la seconde, phase de réalisation. Dès la première phase, le créancier poursuit l’objectif de se prémunir contre le risque de l’inexécution de l’obligation, c’est pourquoi il est toujours dans une quête perpétuelle de la sûreté la plus efficace.

Et cette efficacité pour lui ne peut véritablement se lire qu’au moment de la défaillance du débiteur. C’est en ce sens que le Professeur Stéphane PIEDELIEVRE a souligné : « On connaît l’intérêt économique de la sûreté au moment de sa constitution, mais on l’ignore au jour de sa mise en œuvre, ce qui est pourtant la seule chose importante ».[1]

« La fiducie fascine de nombreux juristes depuis plusieurs générations »[2] et « la fiducie continuera à fasciner »[3], il n’est  pas rare de tomber sur de tels propos au sujet de la fiducie. Parmi les raisons autour d’un tel engouement, l’efficacité de son mode de réalisation singulier est l’une des principales raisons.

Ainsi, l’étude de l’efficacité constatée de la fiducie-sûreté dans sa réalisation se fera en démontrant que sa réalisation ou mise en œuvre est plus efficace que celles de certaines sûretés mobilières (Section 1), mais aussi en démontrant qu’elle est de nature à résister aux procédures collectives d’apurement du passif (Section 2)

Section 1 : De l’efficacité vis-à-vis des sûretés mobilières

« En soi, aucune sûreté n’est meilleure qu’une autre, car aucune ne confère une sécurité absolue. En revanche, il existe de moins bonne que d’autres[4] », nous convenons avec l’auteur de cette assertion en ce qu’il n’y a pas de sûreté conférant au créancier une sécurité absolue.

Mais, nous souhaitons tout de même démontrer qu’il existe des sûretés conférant plus de sécurité que d’autres et c’est le cas de la fiducie-sûreté OHADA. L’Acte Uniforme révisé portant Organisation des sûretés consacre diverses sûretés mobilières, celles-ci peuvent être classées en deux grandes catégories. Pour ce qui est de la première, on parle de la catégorie des sûretés classiques mobilières et la seconde renvoie à celle des sûretés mobilières portant sur la propriété ou sûretés propriétés[5]

Ainsi, tout au long de cette partie, il s’agira de démontrer l’efficacité de la réalisation du Transfert fiduciaire OHADA par rapport à celles des sûretés classiques mobilières (Paragraphe 1) et des autres sûretés propriétés (Paragraphe 2). 

image

Paragraphe 1 : Cas des sûretés classiques mobilières  

Cette étude autour des sûretés classiques mobilières n’a pas la prétention de passer en revue toutes les sûretés mobilières qui sont consacrées dans l’AUS. Mais plutôt, d’aborder celles qui constituent les principales et dont les régimes juridiques on fait l’objet de réforme au moment de la consécration du transfert fiduciaire d’une somme d’argent.  

Ainsi, les sûretés mobilières retenues pour mettre en exergue la singularité de la réalisation du transfert fiduciaire d’une somme d’argent sont le gage et le nantissement. Nous étudierons tour à tour, la réalisation de la fiducie par rapport au gage (A) puis la réalisation de la fiducie par rapport au nantissement (B)

A- La réalisation de la fiducie par rapport au gage

Consacré au chapitre 4 du titre 2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, le gage est défini comme :« le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels présents ou futurs[6] ». Le gage a été consacré dès le premier Acte uniforme portant organisation des sûretés adopté le 1er janvier 1998, publié au Journal Officiel de l’OHADA du 1erjuillet 1998. 

Avec la réforme de 2010, le gage ne se conçoit désormais qu’en matière de meuble corporel et peut désormais porter sur des biens futurs. 

Il existe fondamentalement deux types de gage. Le premier est dit gage sans dépossession et le second est qualifié de gage avec dépossession. Pour ce qui est du premier, il s’entend comme le fait de garantir l’exécution d’une obligation en ayant recours à un bien meuble sans pour autant qu’il ne fasse l’objet de remise au créancier.

A contrario, le gage avec dépossession consistera à garantir l’exécution d’une obligation par un bien mobilier qui fera l’objet de remise au créancier jusqu’à exécution de l’obligation. En d’autres termes, le gage avec dépossession est le contrat par lequel un débiteur peut affecter un meuble au paiement de sa dette et va le remettre à titre de garantie au créancier ou à un tiers gagiste.  

L’étude de l’efficacité du mode de réalisation de la fiducie-sûreté par rapport à celle du gage consistera à démontrer qu’en l’espèce les modes d’exécution prévus pour le gage sont moins efficaces que ceux prévus pour la fiducie-sûreté. 

 Pour la réalisation de cette sûreté, il est nécessaire de préciser que le législateur a consacré un régime général. Le régime général de la réalisation prévoit 3 moyens de procéder à la réalisation du gage à l’instar de la vente forcée[7], l’attribution judiciaire et l’attribution conventionnelle du gage.

La vente forcée ainsi que l’attribution judiciaire du gage ne portent que sur des biens autres que des sommes d’argent. En revanche, la réalisation par attribution conventionnelle de gage prévue par l’article 104 alinéa 2 traite du gage de sommes d’argent. Il est certes vrai que pour la cohérence de nos travaux il faudrait se limiter à analyser le mode de réalisation ayant comme dominateur commun le même type de garantie que la fiducie, mais nous trouvons opportun d’analyser le régime dans son intégralité.

Une telle démarche se veut militante d’une réforme de la fiducie relativement à l’éligibilité d’autres biens pouvant être placés en fiducie. Enfin, nous appesantirons notre réflexion sur l’attribution conventionnelle et la réalisation de la fiducie. 

L’exécution forcée est une procédure entreprise par le créancier et exercée sur les biens du débiteur qui ne s’est pas acquitté de son obligation de paiement[8]. Autrefois, le créancier n’était pas autorisé à s’exécuter par la vente du bien et devait conserver le bien jusqu’au paiement complet[9].

A ce jour, le droit de vendre est associé aux prérogatives du créancier titulaire de cette sûreté afin qu’il puisse se payer sur la valeur bien garanti et éviter qu’il puisse attendre indéfiniment que son débiteur daigne payer[10], c’est la consécration du droit de préférence. 

Ce droit de préférence suffit-il pour garantir au créancier une efficacité optimale de la sûreté qu’il a constitué ? A cette interrogation, nous ne pouvons répondre que par la négative. 

 Tout créancier attend de la sûreté à laquelle il a eu recours qu’elle lui permette d’obtenir au jour de la défaillance du débiteur une certaine rapidité dans la réalisation. Or l’exécution forcée pose à la fois un problème de rapidité et le concours des autres créanciers du débiteur.

Sur la rapidité, notons que ce mode d’exécution porte par sa procédure essentiellement judiciaire une complexité et une lourdeur qui ne favorisent pas parfois la célérité dans l’exécution forcée des sûretés réelles par les créanciers. A cela s’ajoute le fait que ce droit de préférence peut être exercé par les créanciers du débiteur car tous les créanciers sont égaux face au déclenchement de l’exécution forcée.

Ainsi, le produit de la vente sera redistribué entre eux. Ces situations inconfortables ne se verront chez le créancier d’une fiducie car titulaire d’un droit d’exclusivité et d’un mode de réalisation sur simple demande.  

Par attribution conventionnelle du gage, il faudrait entendre que les parties ont désormais la faculté de convenir que le bien pourra être attribué au créancier gagiste en cas de défaillance. Et ceci n’est désormais possible que lorsque le bien gagé est une somme d’argent ou un bien dont la valeur fait l’objet de cotation officielle[11]. L’efficacité du gage de somme d’argent avec dépossession apparaît ainsi comme une sûreté dont la réalisation pourrait offrir la même sécurité juridique conférée au créancier bénéficiaire d’un transfert fiduciaire en raison du mécanisme de l’attribution conventionnelle subordonnée à la défaillance et de la dépossession. Mais la réalité en est tout autre. 

Avoir la possession du bien gagé ne confère pas au créancier gagiste les droits d’user et de jouir du bien en l’occurrence la somme d’argent, ce qui est également le cas du créancier bénéficiaire d’un transfert fiduciaire d’une somme d’argent. La convention ne confère pas à ce dernier le droit d’aliéner les sommes transférées, mais le met dans une posture plus confortable que celle du créancier gagiste.

En effet, comme le souligne Professeur MACORIG-VENIER Francine le créancier bénéficiaire d’une fiducie a une double casquette, celle de créancier et de propriétaire[12]. Etant propriétaire provisoire dès la constitution de cette sûreté, le créancier bénéficiaire de la fiducie est de facto plus rassuré car il se met à l’abri de la défaillance du débiteur et du concours d’autres créanciers. Là où le créancier gagiste n’a qu’une possession à titre précaire du bien dont il a la possession et ce qui n’est vraisemblablement pas avantageux pour un créancier en perpétuelle quête de sécurité juridique absolue. 

 Sur le terrain de l’attribution conventionnelle, ces deux sûretés semblent être à égalité. Mais, rapidité et simplicité sont les maîtres-mots qui dominent le monde des affaires, l’attribution conventionnelle prévue en matière de gage avec dépossession d’une somme d’argent apparaît comme protocolaire.

En effet, le Professeur Yvette Rachel KALIEU ELONGO soulignait : « Mais, dans ce cas, le bien n’est attribué qu’après estimation faite, au jour du transfert, par un expert désigné à l’amiable ou par voie judiciaire », parlant ainsi de la réalisation du gage de somme d’argent. En effet, la réalisation à travers l’attribution conventionnelle se caractérise par un formalisme renforcé pouvant engendrer des coûts supplémentaires comme des frais de justice.

Et serait de nature à ne pas susciter d’engouement autour de cette sûreté. Or, en matière de fiducie, la réalisation se fait sur simple demande. En effet, le créancier fera simplement constaté à l’établissement de crédit agent de sûretés la défaillance du débiteur et se fera remettre les sommes après vérification du débiteur.[13]

image 1

B-  La réalisation de la fiducie par rapport au nantissement

Consacrée au chapitre 5 du titre 2 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, le nantissement se défini comme : « l’affectation d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels présents ou futurs, en garantie d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures, à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables.

Il est conventionnel ou judiciaire ». Le nantissement fit son entrée dès l’Acte uniforme portant organisation des sûretés adopté le 1er janvier 1998, publié au Journal Officiel de l’OHADA du 1er juillet 1998. 

A l’origine, un chapitre intitulé Nantissement sans dépossession était consacré et mettait en avant le nantissement des droits d’associés et valeurs mobilières, nantissement de fonds de commerce et privilège du vendeur de fonds de commerce, nantissement du matériel professionnel et des véhicules et le nantissement de stocks.

Mais avec la réforme de 2010, de nombreuses formes de nantissement inspirées de la pratique bancaire ont été instituées. Il s’agit notamment du nantissement de compte, du nantissement de créance, du nantissement du compte bancaire et des titres financiers.  

A l’instar des autres sûretés réelles classiques, le nantissement confère au créancier bénéficiaire d’une créance nanti un droit de préférence. En effet, il s’entend comme : « l’avantage procuré à un créancier d’être payé, en priorité, sur les biens affectés au paiement de la dette. Concrètement, cela signifie qu’en cas de défaillance du débiteur, le titulaire du droit de préférence pourra obtenir le règlement de sa créance, non pas en actionnant en paiement le garant, mais en faisant directement saisir le bien que ce dernier a affecté en garantie, puis en opérant un prélèvement prioritaire sur le prix de vente »[14].

A contrario, le droit conféré au titulaire d’une sûreté propriété à l’instar de la fiducie est dit droit d’exclusivité. En effet, il peut s’entendre comme le droit détenu par un créancier propriétaire et qui lui donne non seulement la possibilité de se faire payer sur un bien du débiteur mais aussi d’échapper au concours des autres créanciers.  

Prenant en compte ce qui a été dit, nous pouvons d’ores et déjà avoir une idée sur la sûreté la plus efficace dans sa réalisation. L’exclusivité apparaît ici comme une véritable source de sécurité juridique pour les créanciers, ceci dit car d’un côté nous avons une sûreté dont la réalisation peut s’avérer complexe en raison des moyens qui doivent être mis en œuvre pour obtenir paiement. En l’occurrence, des saisies et des ventes forcées.

Moyens qui sont généralement reconnus pour leur complexité. En outre, au moment de la réalisation les créanciers titulaires de d’un droit de préférence se heurtent généralement à une concentration des préférences. C’est pourquoi, la propriété cédée à titre de garantie apparaît depuis le temps comme une véritable source de sécurité juridique absolue, absence de concours et réalisation sur simple constat de la défaillance du débiteur.  

La fiducie-sûreté OHADA se distingue par une efficacité remarquable par rapport au nantissement, offrant une sécurité juridique accrue au créancier bénéficiaire. Contrairement aux procédures complexes du nantissement, la réalisation de la fiducie est caractérisée par une simplicité et une rapidité inégalée. En cas de défaillance du débiteur, le créancier bénéficiaire peut activer la fiducie sur simple constat, évitant les saisies et ventes forcées souvent associées au nantissement. 

L’exclusivité conférée au créancier dans le cadre de la fiducie constitue un avantage majeur. En tant que propriétaire provisoire dès la constitution de la sûreté, le créancier bénéficiaire de la fiducie est à l’abri de la défaillance du débiteur et du concours d’autres créanciers. Cette position privilégiée garantit une réalisation sans entraves et assure une sécurité juridique optimale. 

Comparativement, le nantissement présente des défis lors de la réalisation. Les procédures complexes et la concentration des préférences lors de la réalisation peuvent rendre le processus moins efficient. De plus, la nécessité de recourir à des saisies et ventes forcées ajoute une complexité supplémentaire, décourageant potentiellement les créanciers.

En conclusion, la fiducie sûreté OHADA se démarque par son mécanisme de réalisation efficace, offrant au créancier une sécurité juridique supérieure par rapport au nantissement. Sa simplicité, sa rapidité et son caractère exclusif en font une option privilégiée pour les acteurs du monde des affaires en quête d’une sûreté optimale.


Pour plus d’informations sur ce mémoire, n’hésitez pas à vous adresser directement à l’auteur ci-dessous.

IMG 8289

LENDOYE AKOULOUA Elie Blaise Martin

Livres pour approfondir

hegel principes de la philosophie du droit

Principes de la philosophie du droit – Hegel

Les Principes de la philosophie du droit sont désormais considérés parmi les grandes théories philosophiques de l’État. Hegel y développe une dialectique ascendante, démontrant que la vérité du droit abstrait et de la moralité réside dans la réconciliation entre la gestion des choses et des consciences, concrétisée dans la réalité morale.


Notes

[1] Stéphane PIEDELIEVREop. cit., p 6.   

[2] Jean-Philippe DUNAND, Le transfert fiduciaire : « donner pour reprendre », mancipio dare ut remancipetur ; analyse historique et comparatiste de la fiducie-gestion, Collection Genevoise, année 2000, p.1. 

[3] Ibidem, p.515.

[4] Stéphane PIEDELIEVRE, op. cit., p 6.    

[5] Sont qualifiées de sûretés propriétés, toutes les techniques juridiques utilisées pour garantir l’exécution d’une obligation et qui reposent soit sur la technique de la propriété cédée à titre de garantie ou celle de la propriété retenue à titre de garantie. 

[6] Art 92 de l’AUS. 

[7] L’exécution forcée est une procédure entreprise par le créancier et exercée sur les biens du débiteur qui ne s’est pas acquitté de son obligation de paiement.  

[8] Kangni-Fafadji René AGBEKPONOU, L’efficacité des sûretés réelles conventionnelles en droit OHADA, L’HARMATTAN, 2022, p.311.

[9] Claire SEJEAN CHAZAL, « La réalisation de la sûreté », école doctorale de droit privé, 1992, p.49-50. 

[10] Kangni-Fafadji René AGBEKPONOU, L’efficacité des sûretés réelles conventionnelles en droit OHADA, op. cit., p.312.

[11] Article 104 alinéa 2 de l’AUS. 

[12] Francine MACORIG-VENIER, « L’EXCLUSIVITE », https://publications.utcapitole.fr/id/eprint/12948/1/12948_MacorigVenier.pdf,consulté le 05/11/23 à 12h06. 

[13] Art 91 alinéa 2 de l’AUS. 

[14] BAMDE Aurélien « Les droits réels accessoires : le droit de préférence et le droit de suite », https://aurelienbamde.com/2021/11/27/lesdroitsreelsaccessoiresledroitdepreferenceetledroitdesuite/, consulté le 05/11/23 à 11H55. 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut