Cet article fait référence au chapitre 1 section 1 paragraphe 2 du mémoire de Elie Blaise Martin LENDOYE AKOULOUA réalisé durant son Master en Droit Privé option Droit des affaires à l’Institut Supérieur de Droit de Dakar (2022/2023)
Titre du mémoire : La fiducie-sûreté en droit OHADA
Sommaire
Fiducie-sûreté : Cas des autres sûretés propriétés
Lors de la réforme de 2010, des sûretés ayant pour fondement la propriété ont été consacrées. Ces sûretés sont regroupées en deux catégories, il s’agit d’une part des sûretés reposant sur la propriété retenue à titre de garantie[1]d’autre part des sûretés reposant sur la propriété cédée à titre de garantie[2].
L’AUS consacre pour le compte de la propriété cédée à titre de garantie la cession de créance à titre de garantie et le transfert fiduciaire d’une somme d’argent. Et pour ce qui est de la propriété retenue à titre garantie elle ne consacre que la clause de réserve de propriété.
Ceci étant, nous étudierons cette fois-ci l’efficacité de la réalisation de la fiducie face aux sûretés de la même catégorie qu’elle, en l’occurrence la clause de réserve de propriété (A) et la cession de créance à titre de garantie (B).
A- La fiducie-sûreté face à la clause de réserve de propriété
Définie comme étant la clause qui : « suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui constitue la contrepartie »[3], les dispositions l’encadrant sont aussi bien contenues dans l’AUS à travers les articles 72 à 78 que dans l’AUDCG articles (59, 60, 63, 284 et enfin dans l’AUPC article 103).
La question relative à la souplesse dans la réalisation des sûretés réelles aussi bien entre elles qu’avec le droit des procédures collectives constitue la pierre angulaire de ce chapitre, il est alors opportun d’opposer à présent le mode de réalisation de la fiducie que l’on peut à juste titre qualifié de simpliste au mode de réalisation de la clause de réserve de propriété. Pour ce faire, nous appuierons notre analyse sur la simplicité du mode réalisation et les éventuels coûts que peuvent engendrer la mise en œuvre de ces sûretés.
Ainsi, il convient d’abord de faire la lumière sur ce que l’on entend par mode de réalisation simple. Pour nous, un mode de réalisation peut être qualifié de simple lorsqu’il permet au créancier de mettre en œuvre sa sûreté sans qu’il n’ait besoin de multiplier les formalités et sans qu’il ne se heurte au lenteur du système judiciaire dans la mise en œuvre de sa sûreté. Et s’agissant des coûts, nous faisons référence aux divers frais de justice qui peuvent être engagés afin d’obtenir gain de cause.
Sur le terrain de la simplicité, l’article 77 alinéa 1er de l’AUS révisé dispose : « A défaut de complet paiement à l’échéance, le créancier peut demander la restitution du bien afin de recouvrer le droit d’en disposer »[4]. A la lecture de cet article, il ressort que le créancier réservataire devra accomplir certains actes judiciaires pour recouvrer la libre disposition de son bien s’il est confronté à un débiteur récalcitrant. En effet, il devra nécessairement recourir à la procédure d’injonction de restituer prévue par l’AUPSRVE OHADA, procédure qui consiste à obtenir la restitution d’un bien meuble, celle-ci est encadrée par les articles 19 à 27 de l’AUPSRVE OHADA.
Ayant eu recours à cette sûreté, le créancier va devoir accomplir des formalités supplémentaires pour recouvrer la libre disposition de son bien à savoir la procédure d’injonction de restituer et des frais de justice pourront être déboursés aussi bien pour s’attacher les services d’un professionnel du droit que pour la procédure engagée.
Or, le législateur OHADA a prévu à l’article 91 alinéa 2 de l’AUS révisé : « En cas de défaillance du débiteur et huit jours après que le constituant en ait été dûment averti, le créancier peut se faire remettre les fonds cédées dans la limite du montant des créances garanties demeurant impayées », il est possible de lire qu’il est plus simple de nature d’obtenir la réalisation de la fiducie que celle de la réserve de propriété sans que l’on envisage la situation dans laquelle l’établissement de crédit refuserait de s’exécuter.
Il ressort de cet alinéa qu’au jour de la défaillance, le créancier propriétaire actionnera l’établissement de crédit pour qu’elle exécute l’obligation. Ceci étant, simplicité et l’absence de coûts supplémentaires peuvent utiliser pour parler de la réalisation de la fiducie face à la réserve de propriété.
En outre, il est opportun pour nous de souligner l’une des limites de la réalisation de la clause de réserve de propriété. En effet, l’insertion d’une clause de réserve de propriété dans un contrat n’est pas une tâche simple à accomplir. A titre d’illustration, prenons le cas d’un commerçant profane en droit qui dans les contrats noués avec ses clients insère habituellement des clauses de réserve de propriété.
Il se trouve qu’un jour, la marchandise fournie vient à se dégrader et tombe sur le coût de la force majeure[5] car la dégradation est liée à un évènement naturel tel qu’un ouragan ayant dévasté l’endroit où était entreposé la marchandise, il est clair que le créancier réservataire ne pourra jamais recouvrer la libre disposition car la marchandise est détruite. Il va falloir déterminer si le client est responsable donc doit réparer, mais il en ressort que non car la propriété du bien par la même occasion le transfert des risques n’est pas effectif.
Qu’en détenant la marchandise ce dernier n’est soumis qu’à une obligation de moyen c’est-à-dire de mettre tous les moyens à disposition afin de garantir le retour du bien en l’absence de complet paiement. Ainsi, nous pouvons dire que l’efficacité de la clause de réserve de propriété n’est redoutable que lorsqu’elle est insérée avec une clause de transfert des risques liée à la simple remise du bien.
Il est également important de souligner que les développements proposés dans l’optique de démontrer l’efficacité remarque de la fiducie en l’état actuel de la législation, mais aussi d’attirer l’attention du législateur quant à l’idée de songer à une réforme du droit des sûretés OHADA. Comme ça été le cas en France en 2021. Surtout en ce qui concerne l’élargissement de l’objet de la fiducie, c’est-à-dire des biens pouvant être cédés dans le cadre d’une fiducie.
B- La fiducie-sûreté face à la cession de créances à titre garantie
En dehors de la fiducie qui a pour fondement la propriété cédée à titre de garantie, le législateur a consacré lors de la réforme de 2010 la cession de créances à titre de garantie. Etant encadrée aux articles 80 à 86 de l’AUS, la cession de créances à titre de garantie consiste à céder une créance détenue sur un tiers à titre de garantie de tout crédit consenti par une personne morale nationale ou étrangère, faisant à titre de profession habituelle et pour son compte des opérations de banque ou de crédit.
Sur les créances pouvant faire l’objet de cession, il est impératif de souligner qu’elles peuvent être aussi bien actuelles que futures. Elle peut porter sur une créance isolée ou d’un ensemble de créances. La cession s’entend sauf stipulation contraire des parties, aux accessoires de la créance cédée tels que les intérêts.
A peine de nullité, la cession de créances à titre de garantie doit être constatée par écrit.
L’écrit doit contenir les mentions telles que le nom ou la dénomination sociale du cédant et du cessionnaire, la date de la cession ainsi que la désignation des créances garanties et des créances cédées.
La réalisation de la cession de créance à titre de garantie est prévue à l’article 86 de l’AUS. En effet, l’article dispose : « les sommes payées au cessionnaire au titre de la créance cédée s’imputent sur la créance garantie lorsqu’elle est échue. Le surplus s’il y a lieu est restitué au cédant. Toute clause contraire est réputée non écrite », de cette disposition on peut retenir que la banque est dès le jour de la constitution jusqu’à échéance créancier propriétaire.
Mais, pour envisager l’efficacité ou non de cette créance par rapport à la fiducie il est nécessaire d’évoquer la question relative à la question du débiteur. Quelle soit actuelle ou future, à l’échéance le débiteur peut s’avérer être insolvable, ceci constitue le premier obstacle à la réalisation. Le cessionnaire n’aura le seul choix que de se retrancher derrière la procédure d’injonction de payer[6] prévue par l’AUPSRVE et d’attendre que la procédure suive son cours afin de rentrer en possession des sommes dues. Ainsi, la simplicité recherchée dans les sûretés au moment de la réalisation n’est pas atteinte en l’espèce.
Sans qu’il ne soit obligé de revenir sur le mécanisme entier de la fiducie pour attester qu’elle est plus efficace que la cession de créances à titre de garantie, il est convient de dire que son efficacité repose fondamentalement sur le fait que l’objet de la garantie est actuel et se trouve déjà à titre provisoire dans le patrimoine du créancier bénéficiaire de la fiducie. Cette sûreté présente définitivement un mécanisme de réalisation plus simplifié que les autres sûretés.
La cession de créances à titre de garantie, se confronte à des défis lors de la réalisation, notamment en cas d’insolvabilité du débiteur. L’obligation de recourir à la procédure d’injonction de payer peut prolonger le processus, rendant la réalisation moins rapide et efficace. Contrairement à la fiducie, où la garantie est déjà dans le patrimoine du créancier bénéficiaire dès sa constitution, la cession de créances nécessite un recours judiciaire pour récupérer les sommes dues.
L’efficacité de la fiducie réside dans sa simplicité et sa rapidité lors de la réalisation. En offrant une garantie actuelle et déjà présente dans le patrimoine du créancier, la fiducie évite les complexités liées à l’insolvabilité du débiteur et aux procédures judiciaires. La cession de créances, bien que constituant une sûreté, ne parvient pas à égaler la praticité de la fiducie lors de la réalisation, où la simplicité des procédures est cruciale dans le monde des affaires.
De plus, la fiducie offre au créancier bénéficiaire une double casquette de créancier et de propriétaire, conférant une position plus sécurisée que celle du cessionnaire. Alors que la cession de créances reste tributaire des délais judiciaires, la fiducie assure au créancier une maîtrise immédiate de la garantie, garantissant une réalisation rapide et souple en cas de défaillance du débiteur.
En conclusion, la cession de créances à titre de garantie, bien qu’ayant son utilité, ne parvient pas à rivaliser avec la fiducie en termes d’efficacité lors de la réalisation. La fiducie, grâce à son mécanisme simple et rapide, offre une sécurité juridique accrue aux créanciers, les positionnant avantageusement dans le paysage des sûretés mobilières.
Tout au long de cette section, nous avons tenté de démontrer l’efficacité dans sa réalisation du transfert fiduciaire d’une somme d’argent certaines sûretés réelles mobilières. En l’occurrence le gage, le nantissement, la réserve de propriété et la cession de créances à titre de garantie, il convient à présent d’aborder l’efficacité de la réalisation de la fiducie par rapport aux procédures collectives d’apurement du passif.
Pour plus d’informations sur ce mémoire, n’hésitez pas à vous adresser directement à l’auteur ci-dessous.
LENDOYE AKOULOUA Elie Blaise Martin
Livres pour approfondir
Principes de la philosophie du droit – Hegel
Les Principes de la philosophie du droit sont désormais considérés parmi les grandes théories philosophiques de l’État. Hegel y développe une dialectique ascendante, démontrant que la vérité du droit abstrait et de la moralité réside dans la réconciliation entre la gestion des choses et des consciences, concrétisée dans la réalité morale.
Notes
[1] La propriété retenue à titre de garantie se manifeste généralement dans les contrats translatifs de propriété. En effet, elle s’érige en véritable rempart contre les consentements donnés avec légèreté en ce que le créancier ne va transférer son droit de propriété qu’au moment où le débiteur aura exécuté intégralement sa prestation.
[2] Par propriété cédée à titre de garantie, on cède un bien. Ladite cession est faite en vue de garantir l’exécution d’une obligation.
[3] Art 72 de l’AUS.
[4] Art 77 de l’AUS.
[5] Il y a force majeure lorsque l’évènement ayant entrainé l’inexécution de l’obligation est imprévisible, irrésistible et extérieur au débiteur.
[6] Procédure permettant de recouvrer une créance de somme d’argent. En droit OHADA, celle-ci est consacrée dans l’AUPSRVE.