Pommes

Acide ursolique, performance et croissance musculaire

Vouloir diminuer l’atrophie musculaire tout en favorisant l’hypertrophie et les performances est une notion importante tant dans le sport à haut niveau qu’au niveau médical et spatial.

Très brièvement, le muscle est un tissu plastique dans le sens où il va s’adapter tant structuralement que métaboliquement selon les contraintes qui lui sont imposées.

Par conséquent, une augmentation du stress mécanique sur le muscle entraînera son hypertrophie, tandis qu’un alitement prolongé ou un comportement sédentaire tendra vers l’atrophie. (Atherton et Smith, 2012)

A ce titre, l’hypertrophie musculaire résulte de l’augmentation du contenu protéique ainsi que de la surface de section des fibres musculaires déjà existantes. A contrario, l’atrophie musculaire en est la réduction  (Glass, 2005).

Plusieurs facteurs peuvent influencer sur l’hypertrophie notamment certains aliments ou suppléments, mais aussi le type d’entrainement réalisé (e.g., résistance type musculation).

Parmi ces facteurs autour de la nutrition, la famille des Triterpènes (comprenant l’acide maslinique) suscite un engouement particulier depuis peu (Babalola et Shode, 2013).

Naturellement présent dans diverses plantes et fruits (e.g., Pommes), l’un d’entre eux, l’acide ursolique, a montré des effets prometteurs pour favoriser la croissance musculaire et la performance tout en contrant l’atrophie musculaire.

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Acide Ursolique et hypertrophie

Comme susmentionné, l’acide ursolique est un triterpène pentacyclique présent dans diverses plantes et aliments comme le café, l’eucalyptus, le thym, les cranberry ou encore la peau de la pomme.

Structure chimique de l’acide ursolique
Figure 1 : Structure chimique de l’acide ursolique

Ce triterpène a préalablement montré des effets bénéfiques (sur des souris) lorsque proposé en complément de certains protocoles contre des types spécifiques de cancer ainsi que le diabète et l’obésité (Pinon et al., 2011 ; Kim et al., 2000 ; Zhang et al., 2006 ; Jayaprakasam et al., 2006).

Plus récemment, l’acide ursolique a montré des effets protecteurs contre l’atrophie musculaire en émettant une signature ARNm à l’encontre de MuRF1 et atrogin-1, connus tous deux comme promouvant l’atrophie musculaire via le système ubiquitine protéasome (UPS).

En effet, une supplémentation aigüe en acide ursolique a permis de diminuer l’expression de ces gènes pro-cataboliques (i.e., MuRF1, atrogin-1) chez des souris ayant subi une dénervation musculaire. Ceci a aussi été observé d’une manière chronique (i.e., 5 semaines et 12 semaines) (Kunkel et al., 2011 ; Jeong et al., 2015).

Concernant la supplémentation de 12 semaines, celle-ci étaitdonnée sous la forme d’extraction de pelures de pommes (150/300mg/kg) contenant 18,5% d’acide ursolique.

Cette étude a également mis en avant une hypertrophie et une augmentation de la force (toujours chez les souris) à la suite de cette supplémentation (Jeong et al., 2015).

Enfin, un effet anti-aromatisation de l’acide ursolique a été mis en évidence, lui permettant d’améliorer la composition corporelle en diminuant la conversion d’androgènes en estrogènes (Tseng et al., 2005 ; Frighetto et al., 2008).

Dès lors, comment ces effets s’apprécient-ils au niveau cellulaire ?

Voie de signalisation de l’acide ursolique

L’acide ursolique permet une augmentation de l’expression de la protéine Akt à travers la voie de signalisation PI3K/Akt dans des myotubes  (Banerjee et al., 2012)

En effet, celui-ci augmente l’activation des récepteurs à l’insuline et de l’IGF-1 permettant de favoriser la voie PI3K/Akt vers un versant d’hypertrophie avec l’augmentation de l’expression de mTOR. De plus, cette activation de la voie PI3K/Akt permet de venir diminuer l’expression d’atrogin-1 et MuRF1 et res extensa l’atrophie musculaire (Cypess et al., 2010). (plus de détails ici)

Voie de signalisation anabolique (à gauche) et catabolique (à droite) concernant l’effet de l’acide ursolique.
Figure 2 : Voie de signalisation anabolique (à gauche) et catabolique (à droite) concernant l’effet de l’acide ursolique.

Kunkel et ses collaborateurs ont d’ailleurs observé que l’acide ursolique avait un effet direct sur la cellule musculaire en promouvant l’accrétion de protéines dans des cultures de myotubes (Kunkel et al., 2012).

Également, ce traitement à l’acide ursolique durant 6 semaines a permis d’améliorer, chez des souris obèses, l’utilisation du glucose, la signalisation de l’IGF-1 (paracrine/autocrine) ainsi que d’augmenter certains facteurs de croissance endothéliale.

On retrouve également une amélioration de la force de préhension, une augmentation de la taille et du poids des fibres musculaires, et ce, sans perturber le ratio des fibres lentes/rapides (Kunkel et al., 2012)

Enfin, dans d’autres études similaires, des effets analogues sont relevés concernant une augmentation de l’expression d’Akt et des effets susmentionnés qui en découlent (Sacheck et al., 2004 ; Sandri et al., 2004).

Acide Ursolique et perte de gras

Concernant l’effet de l’acide ursolique sur la perte de gras, il a été observé, subséquemment à l’hypertrophie générée par une expression accrue d’Akt, une réduction du tissu adipeux, une amélioration de la sensibilité à l’insuline, une réduction du poids de corps, de la taille des adipocytes et de la prévalence de la stéatose hépatique chez des souris obèses supplémentées (Sacheck et al., 2004 ; Izumiya et al., 2008).

De plus, au niveau sanguin, le taux de cholestérols (LDL) et de triglycérides circulants a été diminué (Kunkel et al., 2011).

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Acide Ursolique et performance

Les effets de l’acide ursolique sur la performance ont été mis en avant dans des cultures de myotubes (C2C12). En effet, le traitement par l’acide ursolique a montré une augmentation du niveau d’AMPK, de SIRT1 ainsi que de PGC-1a (Bakthiari et al., 2015 ; Kahn et al., 2005).

A ce titre, l’AMPK régule le métabolisme énergétique et notamment le métabolisme des glucides, des lipides ainsi que la biogénèse des mitochondries. De plus, l’AMPK augmente l’expression de SIRT1 qui elle-même augmente l’expression de PGC-1a (Jeong et al., 2015 ; Bakhtiari et al., 2015).

Ceci est un point important puisque l’augmentation de l’expression de PGC-1a permet l’augmentation du nombre de mitochondries, de leurs masses ainsi que du métabolisme oxydatif et res extensa la génération d’ATP (Handschin et al., 2006).

Enfin, une étude de Chen et ses collaborateurs a permis d’apprécier sur un groupe de souris et cellules C2C12 des effets analogues tels qu’une augmentation de la génération d’ATP, une augmentation de l’activation de l’AMPK/PGC-1a et de la masse des mitochondries ainsi qu’une amélioration de l’endurance à l’exercice (Chen et al., 2017).

Acide Ursolique chez l’Homme

Depuis le début de cet article, les bienfaits de l’acide ursolique se retrouvent principalement autour d’études sur les souris ou de cultures cellulaires, quid chez l’Homme ?

Premièrement, une étude réalisée chez l’Homme combinant une supplémentation d’acide ursolique (1350mg/j) et un entraînement en résistance durant 8 semaines a permis d’observer une augmentation de la force, des niveaux d’IGF-1 ainsi que d’irisine chez les participants (Bang et al., 2014).

A ce titre, l’irisine, découverte en 2012, est induite lors de l’exercice physique et permet d’augmenter la dépense énergétique des cellules.

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Bien que les résultats aient été bons sur certains marqueurs comme énoncé ci-dessus, aucun changement sur la masse musculaire n’a été rapporté.

Toutefois, les participants étudiés étaient des Hommes entrainés avec plus de 3 ans de pratique ce qui n’a probablement pas pu mettre en évidence un gain de la masse musculaire potentiellement observable chez le débutant.

Cependant, Bang et ses collaborateurs ont aussi mis en évidence une amélioration de la composition corporelle avec une perte de masse grasse, et ce, sans affecter le poids de corps total (Bang et al., 2014).

Une autre étude, toujours chez l’humain mais cette fois avec une dose plus importante (3g/j), n’a pas permis de mettre en évidence les effets retrouvés chez la souris concernant l’activation accrue d’IGF-1, d’Akt et de mTOR après un entrainement en résistance (Church et al., 2016).

Ceci peut être lié à une faible biodisponibilité de l’acide ursolique chez les humains au niveau de l’intestin, mais également à sa dégradation rapide (Hirsh et al., 2014).

Ainsi, nous pouvons suggérer et émettre des hypothèses quant à la recherche qu’il conviendrait de réaliser tendant à trouver une manière d’améliorer cette biodisponibilité chez les humains pour avoir certains effets retrouvés chez le rongeur, en plus de tester celui-ci chez un ensemble plus grand de la population.

Conclusion

Stricto sensu, l’acide ursolique, tout comme son homologue l’acide maslinique, est un élément prometteur pour la performance, la masse musculaire et l’amélioration de la composition corporelle.

Cependant, comme relevé à travers cet article, il est important de l’étudier davantage chez l’humain, tout en trouvant une manière d’améliorer sa biodisponibilité à l’instar de certaines formes novatrices de créatine, de magnésium ou de fer.

Ceci permettrait probablement de retrouver des effets analogues de ceux observés chez les rongeurs et même de déceler des voies de signalisation spécifiques.

En attendant, mangez des pommes.

(avec la peau).

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Axel Nierding

Axel NIERDING

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Références

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