variabilité de la fréquence cardiaque biofeedbacks

Variabilité de la fréquence cardiaque : Mesures, biofeedbacks et Santé

Cet article fait référence à l’introduction du mémoire de Youenn MARTIN réalisé du son Master I STAPS – EOPS à l’Université de Bordeaux (2022/2023)

Titre du mémoire : Une session d’entrainement en cohérence cardiaque assistée par biofeedbacks de la variabilité de la fréquence cardiaque VFC comme outil à la prévention de la fatigue mentale

Variabilité de la fréquence cardiaque et santé

L’organisme humain est régulièrement confronté à des perturbations internes émanant directement de ses propres composants anatomiques, et des contraintes externes de l’environnement extérieur et aux êtres qui s’y trouvent.

Sa mission est de faire preuve d’adaptabilité et flexibilité dans sa manière de moduler ses systèmes, afin de conserver un état stable (« steady state ») et répondre au mieux à ses besoins (Thayer J.F. et al, 2009). 

Les systèmes complexes de contrôle responsables du maintien de cet état stable ne fonctionnent pas de manière isolée. Ils interagissent par des boucles de rétroactions selon un fonctionnement intégré.

Les composants des systèmes et les systèmes entre eux communiquent suivant différentes échelles spatiales et temporelles (Young H. et Benton D., 2015 ; Lehrer P.M. et Gevirtz R., 2014). 

Cet état stable répond au principe d’homéostasie, décrit entre autres par le psychophysiologiste W.B. Cannon, qui le décrit de la manière suivante :

« Les modifications de l’environnement déclenchent des réactions et perturbations au sein de l’organisme qui sont contrôlées et ajustées automatiquement afin d’éviter d’amples oscillations et donc maintenir les conditions internes du système à peu près constantes ».

Le maintien de l’homéostasie par les régulations internes de l’organisme peut -être vu comme un bon indicateur de l’état de santé général d’un individu. (Moss D. 2004, Lagos L. et al., 2008). 

Le système cardio-vasculaire, répond lui aussi à cet équilibre homéostasique. En effet, le rythme des battements cardiaques est sous le contrôle d’un influx nerveux autonome qui régule l’activité d’un système de conduction cardiaque.

Le tissu nodal correspond justement à l’appareil de conduction responsable de l’automatisme cardiaque. Il est constitué des noeud sinusal et auriculo-ventriculaire, du faisceau auriculo-ventriculaire ou faisceau de His, et du réseau de Purkinje.

Cette structure électro-cardiaque régit la création et la propagation des potentiels d’action à la surface du coeur. Le noeud sinusal, considéré comme le « pacemaker », est à l’origine de la transmission de l’influx nerveux au sein de l’organe et du contrôle du rythme cardiaque (Deschodt-Arsac V. et al., 2018 ; Moss D., 2004). 

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Figure 1 : Le principe de conduction cardiaque

Cette activité cardionectrice à la surface du myocarde est sous une forte dépendance nerveuse, et le Système Nerveux Autonome (SNA) occupe un rôle prépondérant dans le contrôle de ce système cardio-vasculaire.

Le rythme cardiaque n’est jamais parfaitement constant, et ne fonctionne pas comme un métronome. Selon les besoins spécifiques de notre organisme lors d’une situation donnée, le rythme cardiaque donné par cet appareil de conduction fluctue dans le temps, faisant référence au phénomène de Variabilité de la Fréquence Cardiaque (Vanderlei L.C.M. et al., 2009, Lee K.F.A. et al., 2021). 

Principe physiologique de la variabilité de la fréquence cardiaque

La Variabilité de la Fréquence Cardiaque illustre, comme son nom l’indique, le caractère fluctuant de notre rythme cardiaque. Lorsqu’on cherche à quantifier cette variabilité, on mesure la durée qui s’écoule entre 2 battements successifs (Moss D., 2004).

L’intervalle inter-battement (IBI pour Interbeat Interval) correspond précisément à cette mesure : en analysant un signal cardiaque que l’on peut récolter notamment avec un électrocardiogramme (ECG), il est possible de repérer cette variabilité de la fréquence cardiaque en mesurant la variabilité de l’intervalle de temps mesuré entre 2 ondes R successives, qui est régulièrement nommé dans la littérature scientifique « Intervalle R-R » (Vanderlei L.C.M et al., 2009 ; Young H. 2015).

La mesure de la variabilité de la fréquence cardiaque se fait à partir de l’onde R puisque c’est l’onde qui possède la plus grande amplitude sur un signal ECG : elle fait d’ailleurs partie du complexe « QRS » responsable de la dépolarisation des ventricules.

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Figure 2 : Représentation de la variabilité des intervalles R-R

L’oscillation des intervalles R-R, alors à l’origine de la variabilité de la fréquence cardiaque, est le reflet de l’activité du SNA. Le SNA est d’ailleurs décomposé en 2 branches : une branche parasympathique et une branche parasympathique qui fonctionnent de manière connexe pour réguler la fonction autonome cardiaque (Vanderlei L.C.M et al., 2009 ; Lagos L. et al., 2008, Lee K.F.A. et al., 2021). 

Ce contrôle autonome est en premier lieu guidé par le bulbe rachidien : situé dans la partie inférieure du tronc cérébral, cet organe est indispensable dans la transmission nerveuse et la fonction cardiaque.

Il diffuse l’information sous forme d’innervation sympathique et parasympathique qui ont toutes deux des effets distincts sur la fonction cardiaque : le Système Nerveux Sympathique (SNS) qui représente la branche cardio-accélératrice, a pour effet d’augmenter la FC ainsi que d’améliorer la force de contraction des ventricules.

L’innervation sympathique est réalisée sur l’ensemble des structures du coeur impliquées dans la transmission de l’influx nerveux : noeud sinusal, noeud auriculo—ventriculaire et myocardes. 

Le centre cardio-inhibiteur, qui correspond au Système Nerveux Parasympathique (SNP), implique un ralentissement de la conduction intracardiaque, et donc de ce fait une baisse de la FC.

Le nerf vague correspond au nerf responsable de la transmission de l’information électrique entre les fibres parasympathiques et le coeur. Cette innervation est localisée sur les noeuds sinusal et auriculo-ventriculaire. 

Ces branches du SNA sont respectivement suractivées en situation de demande physique ou mentale, ou de repos et de récupération pour conserver de l’énergie (Moss, D. 2004 ; Vanderlei L.C.M. et al. 2009 ; Lee K.F.A. et al., 2021). 

L’activité du SNA sur la variabilité de la fréquence cardiaque est également fortement reliée aux variations de la pression sanguine détectée par les barorécepteurs qui indiquent aux nerfs sympathiques et parasympathiques d’accélérer ou de freiner leurs mécanismes respectifs.

Le baroréflexe correspond justement au réflexe qui est déclenché lorsque les barorécepteurs mesurent des variations de pression au niveau des parois sanguines. 

De manière plus précise, ce sont les barorécepteurs carotidiens et aortiques qui modulent les deltas de la pression sanguine artérielle : dans le cas où des perturbations augmentent la pression sanguine, les barorécepteurs détectent cette modification puis font parvenir en quantité des messages nerveux au bulbe rachidien.

Il impose lui-même une augmentation de l’activité parasympathique couplée à une diminution de l’activité sympathique afin de baisser la FC. L’intervalle entre 2 ondes R-R est alors augmenté. 

Dès lors que les barorécepteurs captent une augmentation de la pression au niveau des artères aorte et carotide, le bulbe rachidien stimule l’activation de la voie sympathique pour augmenter la FC. Les intervalles R-R sont alors réduits (Lehrer P.M. 2014 ; Vanderlei L.C.M., 2009). 

L’activité antagoniste des 2 branches du SNA est coordonnée dynamiquement afin de répondre au mieux aux besoins de l’organisme. 

Finalement, comme a pu l’indiquer Ratajczak et al., la variabilité de la fréquence cardiaque peut être considérée comme un indicateur fiable de l’état de la fonction cardiaque, et plus généralement de l’état de santé d’un individu : une variabilité de la fréquence cardiaque élevée est le signe d’un organisme en bonne santé, capable de s’adapter et de répondre positivement aux stimuli internes et externes.

A l’opposé, une variabilité de la fréquence cardiaque plus faible témoigne d’un risque plus élevé de mortalité et de diverses pathologies (Ratajczak E. et al., 2021 ; Lehrer P.M., 2014 ; Lagos L. et al., 2008 ; Moss D., 2004). 

variabilité de la fréquence cardiaque et santé

Mesure de la variabilité de la fréquence cardiaque

Plusieurs méthodes de calcul et d’analyse de la variabilité de la fréquence cardiaque ont vu le jour pour déterminer ce qu’était une valeur de variabilité de la fréquence cardiaque faible ou élevée. Les premières d’entre-elles apparaissent à la toute fin du 20ème siècle et utilisent exclusivement des méthodes linéaires (Young H., 2015 ; Vanderlei L.C.M. et, 2009).

Les outils de mesures et indices calculés se classent selon 2 domaines d’analyse.

Analyses temporelles de la variabilité de la fréquence cardiaque

Les analyses temporelles consistent à étudier la variabilité de la fréquence cardiaque sur des intervalles de temps donnés à partir du signal brut récolté.

On parle d’analyses temporelles car on évalue les fluctuations du signal cardiaque par unité de temps (généralement exprimée en milliseconde ms).

Différents indices sont alors calculés pour caractériser les oscillations des intervalles R-R au cours du temps, tel que le SDNN (Standard Deviation Normal to Normal), où l’on calcule l’écart-type normalisé des intervalles R-R, et il renseigne sur la variabilité à court terme.

Mais l’indice le plus communément utilisé dans l’analyse temporelle est l’indice RMSSD (Root Mean Square of Successives Differences), qui correspond à la moyenne quadratique des intervalles R-R successifs.

Il s’agit de l’un des témoins les plus utilisés et fiables pour mesurer la variabilité de la fréquence cardiaque, et il représente l’amplitude des fluctuations courts-termes de la FC à l’activité parasympathique (Bouny P. et al., 2021 ; Deschodt-Arsac V. et al., 2020 ; Vanderlei L.C.M., 2009). 

Analyses fréquentielles de la variabilité de la fréquence cardiaque

Les analyses fréquentielles apportent une autre information, puisqu’elles permettent de mesurer plus spécifiquement l’équilibre sympathovagal. 

Il s’agit de mesurer les fréquences dominantes du signal cardiaque pour déterminer les composantes de la fonction autonome cardiaque.

Pour ce faire, il est commun de calculer la Densité Spectrale de Puissance (PSD : Power Spectral Density), comme la représentation spectrale de la distribution de la puissance moyenne d’un signal dans un domaine fréquentiel (Young H., 2015 ; Venderlei L.C.M., 2009).

La PSD fournit alors des renseignements sur les activités autonomes sympathique et parasympathique : 

Les basses fréquences (LF = Low Frequency) représentent essentiellement l’activité sympathique, et s’étendent de 0,04 à 0,15 Hz. Le SNS se manifeste autour 0,1 Hz car il est fortement lié à l’activité du baroréflexe : Lehrer (2014) a montré qu’il existait une fréquence spécifique pour laquelle les changements de rythme cardiaque induisaient de meilleurs mécanismes régulateurs de la pression sanguine. 

Les hautes fréquences (HF, entre 0,15 et 0,4 Hz, reflètent l’activité parasympathique. On associe une fréquence de 0,2 Hz au tonus parasympathique car c’est la fréquence à laquelle le nerf vague agit.

De plus, on associe la manifestation du parasympathique à la respiration, et au phénomène d’arythmie sinusale respiratoire (RSA = Respiratory Sinus Arrhythmia).

En effet, les individus respirent en partie à une fréquence comprise entre 0,15 et 0,4 Hz, reflétant donc les oscillations HF de la variabilité de la fréquence cardiaque, bande de fréquence de l’activité du SNP et du nerf vague.

La RSA illustre alors les fluctuations rythmiques de la FC et de la respiration, puisque la FC tend à augmenter en phase d’inspiration, et diminue lors de l’expiration. 

Enfin, on peut représenter la balance sympatho-vagale, comme le rapport entre la puissance LF sur la puissance HF (LF/HF) : elle reflète ainsi les variations sympathiques et parasympathiques exercées pour subvenir aux besoins physiologiques (Bouny P. et al., 2021 ; Young H., 2015 ; Lehrer P.M. et Gevirtz R., 2014). 

Une autre approche plus récente issue de la biologie des systèmes complexes mesure les caractéristiques dynamiques des systèmes physiologiques.

Cette méthode investigue la complexité de nos systèmes complexes de contrôle physiologiques : un système complexe est doué de capacités d’adaptation pour maintenir un état donné face aux contraintes internes de l’organisme et externes de l’environnement.

La réponse à ces stimuli entraine des interactions entre les composants du système à différents niveaux d’échelle (Bouny P., 2021 ; Deschodt-Arsac V. et al., 2020). 

Mesure de la complexité de la variabilité de la fréquence cardiaque

Les méthodes d’analyse non-linéaires permettent d’appréhender cette complexité. 2 indices sont communément utilisés pour identifier la structure des séries temporelles de la variabilité de la fréquence cardiaque. 

L’entropie multi-échelles décrit le degré de régularité et de prédictibilité d’un signal sur plusieurs échelles de temps. Cette méthode découpe les intervalles RR du signal récolté, puis cherche à détecter la reproduction de suites de points tout au long du signal, ce qui refléterait une répétabilité d’un même motif.

Lorsqu’on analyse le signal, plus on retrouve le même motif, plus le signal est déterministe. A l’opposé, moins on retrouve les mêmes motifs, plus le signal crée de nouvelles informations, et donc plus l’entropie est élevée (Deschodt-Arsac V. et al., 2020 ; Gilfriche P., 2020). 

La fractalité illustre une structure qui présente des structures répétitives sur plusieurs échelles temporelles d’observation. Lorsqu’on associe cette notion à l’étude d’un signal physiologique, on parle d’autosimilarité statistique du signal. La fractalité passe notamment par l’utilisation de la méthode Detrended Fluctuation Analysis (DFA).

La méthode DFA permet de calculer un coefficient de mise à l’échelle α qui caractérise la nature fractale d’un biosignal : un coefficient α de 1 est le signe d’un comportement fractal et donc d’un système complexe.

La fractalité révèle que le fonctionnement d’un système répond au principe d’émergence : les capacités d’adaptabilité et d’adaptation d’un système sont issues des interactions de ses composants bien plus que des composants en eux-mêmes (Young H., 2015 ; Lehrer P.M., 2014). 

complexité et mesure de la vfc

Interactions coeur-cerveau

L’étude de la complexité des systèmes dynamiques a permis de déterminer que nos systèmes répondaient au principe « d’interaction-dominance », selon lequel les propriétés d’un système se déduisent de l’interaction entre l’ensemble de ses composants.

Notre organisme est lui-même en capacité de se maintenir dans un état stable grâce à des composants en constante communication pour réguler et optimiser chacune de leurs actions (Bouny P. et al., 2021). 

De nombreux auteurs ont alors investigué ces interactions et leurs recherches ont alors démontré qu’il existait des interconnexions entre le SNA et le Système Nerveux Central (SNC). 

Les résultats des recherches effectuées par Claude Bernard, ont permis notamment à Benarroch et Thayer de conceptualiser les relations qui liaient ces structures. 

Benarroch a tout d’abord prouvé l’existence d’un « réseau central autonome », où les structures centrales sont interconnectées jusqu’aux structures périphériques. Ce réseau serait ainsi un système de régulation étendu capable de contrôler l’innervation sympathique et parasympathique du coeur.

coeur cerveau variabilité de la fréquence cardiaque

De ce fait, le contrôle effectué par le réseau autonome central agirait indirectement sur les structures impliquées dans la conduction cardiaque, à l’origine de la variabilité de la fréquence cardiaque. 

Par la suite, Thayer a conceptualisé des interactions « top-down » et « bottom-up » entre les structures périphériques et centrales : le modèle « d’intégration neuro-viscérale » précise le rôle médiateur du cortex préfrontal (CPF) sur des structures sous-corticales au sein du réseau centrale autonome (Thayer J.F. et al, 2009 ; Bouny P. et al., 2021 ; Firth A.M. et al., 2022, Deschodt-Arsac V. et al., 2020). 

L’étude des interconnexions « coeur – cerveau » s’est notamment focalisée sur la relation entre la variabilité de la fréquence cardiaque et la dyade CPF-amygdale pour expliquer les réactions physiologiques en réponse à divers états cognitifs (Thayer J.F., 2009 ; Gevirtz R., 2013). 

En effet, le CPF et l’amygdale sont fortement impliqués dans le maintien d’un état général stable. L’amygdale est entre autres responsable de la régulation des réponses apportées suite à l’apparition de stimuli stressants (Deschodt-Arsac V. et al., 2020).

Elle acquiert et décode ces stimuli pour déterminer leur nature : elle évalue notamment s’ils sont menaçants pour l’organisme. Le CPF possède quant à lui des fonctions d’auto-régulation lors de tâches et d’efforts réalisés.

Il est impliqué dans différentes fonctions exécutives comme le maintien de l’attention, la mémoire court terme (=mémoire de travail) et dans le contrôle de fonctions autonomes (Thayer J.F., 2009).

L’utilisation une nouvelle fois de l’IRM a pu démontrer que le CPF était associé à la fonction vagale, et avait de ce fait une implication dans la variabilité de la fréquence cardiaque, en modulant le tonus parasympathique par une stimulation du nerf vague.

La variabilité de la fréquence cardiaque évolue donc dans une relation à influence réciproque avec le CPF qui impose des comportements d’autorégulation entre le SNA et l’aire préfrontale de notre cortex cérébral. Une variabilité de la fréquence cardiaque importante en état basal est d’ailleurs un bon indicateur d’auto-régulation, que ce soit pour les performances cognitives ou le contrôle émotionnel (Thayer J.F., 2009). 

Ces interconnexions entre SNA et SNC ont notamment permis d’expliciter l’implication de l’état de fatigue mentale dans la modification de l’état neuro-psycho-physiologique d’un individu.

Variabilité de la fréquence cardiaque et fatigue mentale

La fatigue mentale est tout d’abord définie comme un changement de l’état psychophysiologique due à une performance cognitive (Zhang C. et Yu X., 2010). Cet état pousse généralement l’individu à réduire son engagement dans la tâche et à perdre également en motivation.

Lee fait justement référence à une « surcharge cognitive », qui ferait suite à des activités mentales énergivores et soutenues. 

C’est la raison pour laquelle la Japanese Society of Fatigue Science définit l’état psychophysiologique de la fatigue comme « un déclin dans l’aptitude et l’efficience lors d’activités physiques et/ou mentales qui est causé par des activités physiques ou mentales excessives, ou bien une maladie » (Qi P. et al., 2021). 

Qi a démontré que le CPF était une structure cérébrale associée à la fatigue mentale. En outre, ce sont le cortex préfrontal dorsolatéral et cingulaire antérieur qui sont activés et influencent les fonctions autonomes et notamment celles impliquées dans la balance sympatho-vagale.

Le CPF est au carrefour de nombreuses connexions neuronales et boucles de contrôle, c’est pourquoi il occupe une place prépondérante dans les régulations des processus cognitifs (Qi P., 2021 ; Mizuno K. et al., 2014). 

L’étude neurophysiologique de la fatigue, via l’utilisation de méthodes ECG, a permis de détecter les altérations provoquées par la fatigue sur la fonction autonome cardiaque : la réalisation d’une tâche cognitive impacte directement la variabilité de la fréquence cardiaque.

Dans son étude, Mizuno a montré qu’un travail en double-tâche cherchant à induire de la fatigue mentale conduisait à une augmentation de la puissance sympathique pour une diminution de la puissance parasympathique (Mizuno K. et al., 2011).

De la même manière, lors d’une tâche mentale arithmétique prolongée, Zhang a observé une augmentation de la puissance LF ; de la puissance totale et du ratio LF/HF, contre une baisse significative de la puissance HF.

Lee confirmera en 2021 les résultats de ces analyses linéaires de la variabilité de la fréquence cardiaque en situation de fatigue mentale, avec une augmentation de LF pour une réduction de HF (Mizuno K. et al., 2011 ; Mizuno K. et al., 2014 ; Zhang C et Yu X., 2010 ; Lee K.F.A. et al., 2021). 

L’utilisation plus récente de méthodes d’analyse non-linéaires a également souligné les effets d’une tâche mentale sur la complexité des systèmes de contrôle physiologiques. 

Dans leurs études respectives, Gilfriche et Bouny ont porté leur attention sur l’analyse du contrôle cardiaque lors de tâches cognitives, en intégrant les mesures d’entropie à la méthode d’analyse fréquentielle de la variabilité de la fréquence cardiaque.

Ils ont alors observé une augmentation de l’indice entropie lors d’une tâche de tracking (Gilfriche P. 2020) et lors d’une tâche d’inhibition aux interférences (Bouny P., 2021), signifiant que nos systèmes sont en situation d’interaction et d’adaptation face aux contraintes mentales que pose la tâche demandée.

Une entropie qui tend à chuter dès lors que les sujets entrent dans un état de stress (Gilfriche P., 2020 ; Deschodt-Arsac V. et al., 2020).

L’entropie en particulier, mais également la fractalité, sont ainsi considérés comme de bons témoins des capacités d’adaptation et d’adaptabilité des systèmes de contrôle physiologiques et reflète plus globalement l’état fonctionnel du système (Bouny P. et al., 2021). 

L’étude du changement d’état psychophysiologique d’un être humain a permis d’identifier la variabilité de la fréquence cardiaque comme un indicateur du bon fonctionnement des processus biologiques.

La variabilité de la fréquence cardiaque est également un témoin des capacités de résilience, à la fois dans la régulation des émotions, et dans les efforts physiques et mentaux demandés par la situation rencontrée.

Cette forme de robustesse, objectivée par une variabilité de la fréquence cardiaque élevée, peut être atteinte grâce à une méthode non-pharmacologique qui pousse le sujet à contrôler ses fonctions autonomes : la méthode de la cohérence cardiaque assistée par biofeedbacks (BFB-VFC). 

fatigue mentale et variabilité de la fréquence cardiaque

Méthode de la cohérence cardiaque assistée par biofeedbacks

Comme le décrit Gevirtz dans la partie introductive de son article « The promise of Heart Rate Variability Biofeedback : Evidence-Based Applications », la méthode des biofeedbacks – variabilité de la fréquence cardiaque (BFB-VFC) occupe depuis peu une place centrale dans l’étude des états cognitifs. 

Pour commencer, le biofeedback (BFB) consiste à donner à un sujet des informations concernant l’activité de ses fonctions biologiques : il s’agit d’une technique d’intervention visant à s’approprier son propre fonctionnement pour réguler différents processus physiologiques périphériques, tels que le rythme cardiaque, la respiration, la température corporelle…

Dans le cadre du biofeedback VFC (BFB-VFC), il donne un retour sur l’activité cardiaque (Gevirtz R., 2013 ; Ratajczak E. et al., 2021). 

La méthode BFB-VFC consiste en un ralentissement du rythme respiratoire pour rapprocher la fréquence respiratoire située à 0,2 Hz vers la fréquence de décharge du SNS à 0,1 Hz. En respirant à 6 cycles/minute pendant quelques minutes, on peut repérer une forme de superposition des puissances sympathique et parasympathique sur la fréquence 0,1 Hz.

Cette synchronisation fait appel au phénomène de « résonance », défini par Lehrer comme « le système qui, une fois stimulé, produit des oscillations de haute amplitude sur une seule fréquence, recrutant ou masquant les autres fréquences, afin de produire une oscillation sinusoïdale de grande amplitude », reflète l’état de cohérence cardiaque (Deschodt-Arsac V. et al., 2018 ; Lehrer P.M., 2014) 

Les bénéfices de la cohérence cardiaque avec BFB-VFC sont multiples, car ils participent à l’amélioration de l’efficacité du baroréflexe et à l’augmentation de l’activité vagale, tous deux impliqués dans le contrôle de la fonction autonome cardiaque (Deschodt-Arsac V. et al., 2018 ; Lagos L. et al., 2008). 

La méthode BFB-VFC avec cohérence cardiaque a fait l’objet de nombreuses interventions pour traiter divers troubles comme l’asthme ; la fibromyalgie ; l’insuffisance cardiaque…  (Gevirtz R., 2013 ; Firth A.M. et al., 2022).

La littérature s’est également penchée sur les effets de cette méthode sur différents états cognitifs et émotionnels, les plus communément étudiés étant le stress, l’anxiété et la dépression, dans un contexte de santé ou bien même dans le sport de compétition (Firtz A.M. et al., 2022 ; Gevirtz R., 2013 ; Deschodt-Arsac V. et al., 2020, Ratajczak E. et al., 2021 ; Lagos L. et al., 2008). 

Cependant, l’usage de la méthode BFB-VFC dans l’évaluation du niveau de charge cognitive perçue et de la fatigue mentale ressentie n’a été que très peu investigué. 

L’étude de cet état psychophysiologique semble pertinente puisque l’on entre fréquemment dans un état de fatigue mentale, dès lors que l’on exécute et prolonge une action ou une tâche qui impose notamment de la réflexion, de l’analyse et des prises de décisions.

Travailler sur la remédiation à cet état de fatigue mentale pourrait permettre de repousser son apparition, et obtenir dans ce cas figure de potentiels gains sur la performance et l’état psychophysiologique des sujets lors de la tâche, mais également en situation de repos post-intervention. 

L’objectif de cette étude est donc de proposer un protocole qui permettrait de prévenir l’apparition de cette fatigue mentale précoce, la question étant de déterminer si un exercice de cohérence cardiaque avec BFB-VFC peut influencer l’état psycho-physiologique d’un individu, lorsqu’il est soumis à une tâche de vigilance continue.

Nous voudrions alors nous intéresser (a) aux réactions physiologiques et comportementales à la tâche de vigilance, en observant ces modulations en cours de tâche, puis en regardant (b) l’effet de la tâche sur l’état psychophysiologique de repos post-intervention. 


Pour rappel, le présent article fait référence à l’introduction du mémoire. Pour plus d’informations, n’hésitez pas à vous adresser directement à l’auteur ci-dessous.

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Youenn MARTIN

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Références

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