Sommaire
Introduction
Le végétarisme est la pratique alimentaire consistant à ne pas consommer de viande et parfois d’autres produits dérivés des animaux.
Les végétariens peuvent être divisés en plusieurs catégories (liste simplifiée et non exhaustive) (1) :
- lacto-ovo végétariens (produits laitiers et œufs autorisés)
- lacto-végétariens (produits laitiers autorisés)
- pesco-végétariens (poissons autorisés)
- ovo-végétariens (œufs autorisés)
- végan (aucun produits dérivés des animaux)
Aux Etats-Unis, on dénombrait près de 3,3% de la population adulte ayant choisi d’être végétariens en 2016 (2).
Ce choix se base essentiellement sur des questions éthiques, environnementales et de santé.
L’alimentation végétarienne est généralement riche en fibres, en antioxydants, en légumes et en fruits mais également pauvre en acides gras saturés, en cholestérol et en protéines.
Dans le monde du sport et de la performance, de plus en plus d’athlètes se mettent au régime végétarien.
En effet, près de 21% des athlètes concourant au Delhi2010 Commonwealth Games étaient végétariens et de plus en plus de coureurs du marathon le deviennent aux Etats-Unis (3).
De plus, les athlètes professionnels végétariens encouragent fortement ce mode de vie via les réseaux sociaux (4).
Cependant, si être végétarien peut convenir à la plupart des personnes, il en est tout autre des athlètes qui peuvent faire face à certaines carences associées (1).
Ainsi, cet article mettra en avant les risques de carence possibles chez les athlètes végétariens, leurs conséquences sur les performances et enfin les recommandations actuelles afin d’y remédier.
Considérations nutritionnelles pour les sportifs végétariens
Une étude sur les risques de carences associées aux régimes végétariens indique que les athlètes présentent un risque plus élevé de les développer, notamment en protéines, en acides gras essentiels, en fer, en zinc, en calcium, en vitamine D et en vitamine B12 (1).
Ces risques sont essentiellement dus au fait que les athlètes ont des besoins supérieurs en macronutriments et en micronutriments et que les aliments issus des végétaux présentent une absorption et une digestion très lente ainsi qu’un spectre souvent incomplet en acides aminés empêchant la bonne synthèse des protéines.
Dès lors, il est recommandé aux athlètes végétariens de monitorer précisément leur alimentation afin d’avoir un œil sur les statuts des macronutriments et micronutriments journaliers.
Application pour monitorer ses macronutriments et micronutriments
Pour le suivi du plan alimentaire je recommande l’application Cronometer.
En effet, cette application présente de nombreux avantages :
- Elle est gratuite ;
- Disponible sur iOS et Android ;
- Basée sur des banques de données nutritionnelles officielles (e.g., Ciqual) ;
- Facile d’utilisation ;
- Permet un suivi très détaillé (macronutriments + micronutriments) ;
- La dépense énergétique est calculée automatiquement après renseignement des données anthropométriques ;
- Basée sur les apports journaliers recommandés (AJR) ;
- Pour les athlètes, elle présente la possibilité de modifier les AJR en Apports Nutritionnels Conseillés (ANC) ;
- Comprend les détails précis des micronutriments ;
- Prend en compte les activités physiques réalisées.
Macronutriments
Les macronutriments sont les aliments majoritaires de l’alimentation et apportent de l’énergie à l’organisme (calories).
Ils sont répartis en trois grandes classes :
- Les protéines ;
- Les glucides ;
- Les lipides.
Le problème majeur pour les athlètes végétariens est de manger en dessous de leur besoin en énergie (Kcal) journalier.
En effet, les végétariens ont tendance à manger en dessous de leur besoin en calories comparé aux non végétariens (5,6).
Une raison à cela est que les légumes ont une faible densité calorique mais surtout que la majorité des aliments constituant une alimentation végétarienne sont riches en fibres pouvant amener plus vite à la satiété (4).
Ceci est un paramètre important à prendre en compte pour des athlètes ayant des besoins supérieurs en calories du fait de leur forte dépense énergétique.
Un trop faible apport en calories peut induire des performances inférieures ainsi qu’une perte de poids indésirable.
Dès lors, il est utile de détailler les différents macro nutriments ainsi que les stratégies à mettre en place afin de faciliter l’apport énergétique des athlètes végétariens.
Protéines
Les protéines sont les constituants des tissus, des cellules et ont un rôle fonctionnel très important dans le corps humain (enzymes, hormones, transporteur, immunité, …).
La synthèse protéique est essentielle dans le développement, la croissance et le maintien de la masse corporelle particulièrement de la masse maigre (surtout lors d’un déficit calorique).
Les protéines sont composées d’acides aminés (AA). Les AA sont une famille constituée de 20 types d’acides, répartis en 3 sous-familles distinctes :
- Les AA essentiels (isoleucine, leucine, lysine, méthionine, phénylalanine, thréonine, tryptophane, valine)
- Les AA semi-essentiels (histidine, arginine)
- Les AA non-essentiels (alanine, asparagine, cystéine, glutamine, proline, tyrosine, acide aspartique, acide glutamique)
Les AA essentiels sont les plus importants car notre corps ne peut les synthétiser. Ils doivent donc être apportés via l’alimentation.
L’Academy of Nutrition and Dietetics et l’American College of Sports Medicine recommande pour les athlètes un apport en protéines entre 1,2 et 2 g/kg/jour (8).
Cependant, la grande majorité des protéines issues des végétaux ont une biodisponibilité et une digestion faible voire très faible (9,10).
Dès lors, il est courant que les athlètes végétariens ne parviennent pas à combler leurs besoins journaliers en protéines ou en AA essentiels (9,10).
Afin d’obtenir des protéines biodisponibles, l’athlète végétariens peut compter sur le soja et éventuellement une supplémentation en protéines de soja qui lui permettra a fortiori d’obtenir le quota en protéines journalier plus aisément.
En termes de calories, 1 gramme de protéine équivaut à 4 Kcal.
Glucides
Les glucides sont répartis en deux grandes catégories : les glucides simples et les glucides complexes.
Les glucides simples, comme le glucose, le fructose et le galactose, sont les plus importants sur le plan métabolique. Ils se digèrent rapidement et apparaissent donc rapidement dans la circulation sanguine.
Les glucides complexes sont répartis en deux familles, les oligosaccharides et les polysaccharides :
-Les oligosaccharides sont composés essentiellement de disaccharides comme le saccharose, le lactose et le maltose. Ils nécessitent une transformation qui leur confère une absorption digestive moins rapide que les sucres simples.
-Les polysaccharides sont composés de plusieurs milliers de molécules, on y retrouve le glycogène, l’amidon et la cellulose (les fibres).
Les glucides jouent un rôle important dans le corps :
- Le glucose est la source d’énergie préférée des cellules du corps humain.
- Ils sont nécessaires pour la synthèse du glycogène musculaire : si le corps n’a plus de glycogène, il peut en fabriquer lui-même en catabolisant du tissu maigre (à éviter donc).
- Ils assurent une bonne fonction thyroïdienne et, par extension, un bon métabolisme en permettant la conversion de la thyroxine (T4) en triiodothyronine (T3).
- Le système nerveux central a besoin de glucides pour fonctionner correctement.
- Le cerveau consomme tous les jours 120 gr de glucose.
- La privation de glucides entraine une augmentation du cortisol, ce qui augmente la néoglucogenèse (le cortisol étant un antagoniste des hormones thyroïdiennes ).
Selon l’activité physique de l’athlète, les recommandations en matière de glucides sont plus larges allant de 3 à 12 gr/kg/jour (8).
Une consommation adéquate de glucides permet à l’athlète d’optimiser son stockage en glycogène et d’avoir de l’énergie rapidement disponible.
En effet, il est bien établi qu’une consommation optimale de glucides permet de préserver ses performances physiques et particulièrement lors des épreuves d’endurance (11,12).
A ce titre, plusieurs études de cohortes ont mis en évidence que les végétariens consommaient davantage de glucides que les omnivores (5,13).
Ainsi, il est plus rare pour les athlètes végétariens d’avoir des apports en deçà de leurs besoins.
Pour information, 1 gramme de glucide équivaut à 4 Kcal.
Fibres
Les fibres alimentaires sont des polymères glucidiques de plus de dix unités monomères, qui ne sont pas hydrolysés par les enzymes digestives de l’intestin grêle de l’Homme.
Les fibres ont été séparées en deux catégories, les fibres solubles et les fibres insolubles, elles-mêmes divisées en sous-catégorie :
Type de fibre | Longueur | Sources alimentaire |
---|---|---|
Soluble, hautement fermentable, oligosaccharides (GOS, FOS) | Courte chaîne de glucides | Légumineuses, légumes, fruits, noix et graines, blé, seigle, oignons, ail, artichaut |
Soluble, hautement fermentable, fibres (pectine, inuline) | Longue chaîne de glucides | Légumineuses, légumes, fruits, pain de seigle, orge, bananes, sarrasin, millet, avoine, riz, patates |
Soluble moyennement fermentable (psyllium, céréales) | Longue chaîne de glucides | Graines et céréales |
Insoluble, faiblement fermentable (lignine) | Longue chaîne de glucides | Quelques légumes et fruits, son de blé, céréale complète, seigle, riz brun complet, pâtes, quinoa, graine de lin |
Insoluble, non fermentable (cellulose, hemicellulose) | Longue chaîne de glucides | Grains et céréales riches en fibres, noix, peaux de fruits et des légumes |
Fait intéressant, parmi les différents types de fibres, les fibres solubles hautement fermentables ont des propriétés très utiles en déficit calorique.
En effet, elles peuvent donner des acides gras à chaîne courte une fois dans le colon, comme l’acide butyrique ayant des effets anti-inflammatoires, anti-stress et sur l’amélioration de la sensibilité à l’insuline.
En outre, ces fibres ne sont pas irritantes pour l’intestin et ne diminuent pas la conversion de la T4 en T3.
Elles agissent comme des agents de liaison régulant les hormones en excès, les toxines environnementales et les métaux lourds dans le tractus gastro-intestinal, limitant ainsi leur réabsorption dans l’intestin et leur recirculation via le cycle entéro-hépatique.
Tout comme les glucides, les personnes ayant une alimentation végétarienne dépassent bien souvent les recommandations journalières (25 g de fibre par jour).
Lipides
Les lipides constituent la principale réserve d’énergie stockée dans les tissus adipeux. Ils peuvent être définis en 3 grandes classes selon le nombre de doubles liaisons présentes dans la chaîne carbonée : les acides gras saturés (0 double liaison), les acides gras mono insaturés (1 double liaison) et les acides gras poly-insaturés (>2 doubles liaisons).
Les lipides sont des macronutriments entrainant un apport élevé en énergie (1 gramme de lipide équivaut à 9 Kcal). Ils permettent entre autres d’absorber les vitamines liposolubles, telles que la vitamine A, D, E et K, participer à une production optimale d’hormones ainsi qu’aux propriétés des membranes cellulaires (14,15).
Plusieurs études de cohortes ont observé que les végétariens avaient tendance à manger moins de lipides que les omnivores et plus particulièrement la catégorie des végans. (5,13).
Cependant, même s’il est retrouvé que les végétariens tendent à consommer autant d’acides alpha linoléniques (ALA) que les omnivores, leur consommation en oméga 3 de type acide eicosapentaénoïque (EPA) et acide docosahexaénoïque (DHA) est très faible (5,16).
En outre, une voie de synthèse existe pour fabriquer l’EPA et le DHA à partir de l’ALA mais cette dernière est très inefficace et varie selon l’âge, le régime, etc.
Ces acides gras sont extrêmement importants pour le bon fonctionnement de l’organisme, de la santé cardiovasculaire, du cerveau, des yeux ou encore de la fonction musculaire.
Une bonne source d’oméga 3 pour les végétariens sont les noix, l’huile de canola, le soja et la nourriture enrichie en DHA et en EPA.
Pour plus d’informations, je vous renvoies à mes trois articles à ce sujet : Oméga 3 et performances sportives , 5 bénéfices des oméga 3 pour la musculation et oméga 3 et masse musculaire
Synthèse
Comme vu précédemment, certains macronutriments retrouvés en carences peuvent avoir des effets délétères sur la performance. Ils sont détaillés dans le tableau ci-dessous.
Nutriments | Fonctions dans la performance | Impacte lorsque retrouvés en carence | Sources primaires |
---|---|---|---|
Protéines (17) | Maintenance, récupération et synthèse du muscle squelettique | Réduction masse musculaire | Œufs, soja, tofu, haricots, lentilles |
Oméga 3 (18) | Atténue le stress oxydant et l’inflammation | Fatigue musculaire, inflammation | Poisson, œufs, noix, huile de canola |
Conclusion
Nous avons vu à travers cet article que les athlètes végétariens devaient monitorer précisément leurs macronutriments afin de pouvoir optimiser leur nutrition au service de la performance.
En effet, les carences de certains macronutriments ne sont pas rares et peuvent avoir des effets indésirables sur la performance globale de l’athlète.
Enfin, des stratégies peuvent être mises en place afin d’y remédier : la prise de protéines en supplémentation, une fréquence de repas plus élevée ainsi qu’une alimentation orientée sur certains aliments.
Axel NIERDING
Références
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