Sommaire
Introduction
L’exercice effectué régulièrement de manière adéquate a de nombreux effets bénéfiques sur la santé.
Durant les dernières décennies, les études épidémiologiques ont observé que l’activité physique permet de réduire le risque d’incidence de plusieurs maladies communes telles que le diabète de type 2 ou encore les maladies cardiovasculaires.
En plus d’en réduire le risque, l’activité physique permet aussi d’en améliorer le pronostique pour les personnes déjà malades (e.g., diabète, arythmie cardiaque ou encore la broncho pneumopathie chronique obstructive (BPCO)).
L’accumulation de ces évidences a permis de mettre en exergue les mécanismes aigus et chroniques sous-jacents ces bénéfices.
En cela, il ressort que l’activité physique permet de changer divers paramètres physiologiques comme la production d’hormones, la pression artérielle, l’activité du système immunitaire et nerveux ainsi que de modifier l’expression de certains gènes et protéines au sein du muscle squelettique.
Pour exemple, l’amélioration du métabolisme du glucose dans le muscle n’est pas observée seulement après l’exercice mais l’est également le jour d’après.
Dès lors, les preuves scientifiques autour de certaines protéines sécrétées par le muscle et agissant sur l’ensemble du corps de façon endocrine, autocrine ou encore paracrine se sont accumulées pour créer : la théorie des myokines (the myokine theory) (1).
Ces protéines bioactives sécrétées (ou myokines) par les muscles ont été suggérées comme capables de médier sur le plan synchronique et diachronique les bénéfices obtenus par l’exercice, promouvant la santé et l’homéostasie physiologique.
Les protéines bio actives sécrétées par le muscle squelettique en réponse à l’exercice
Comme susmentionné, le muscle squelettique est capable de sécréter diverses protéines bioactives lors de l’exercice, décrites dans le tableau ci-dessous.
Protéine | Fonction | Organes cible | Références |
IL-6 | Métabolisme glucose / lipidique, sécrétion insuline, anti inflammatoire | Muscle squelettique, tissu adipeux, foie, intestin et neutrophiles | 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 |
IL-15 | Métabolisme glucose / lipidique, hypertrophie musculaire | Muscle squelettique | 12, 13, 14 |
BDNF | Glucose métabolisme | Muscle squelettique | 15 |
FGF-21 | Glucose métabolisme | Muscle squelettique, foie, tissu adipeux | 16, 17 |
BAIBA | Métabolisme lipidique | Tissu adipeux | 18 |
Irisin | Métabolisme lipidique | Tissu adipeux | 19 |
Metrnl | Métabolisme lipidique | Tissu adipeux | 20 |
LIF | Hypertrophie musculaire | Muscle squelettique | 21 |
IGF-1 | Hypertrophie musculaire, ostéogénèse | Muscle squelettique et os | 22, 23 |
Myostatine | Anti-hypertrophie musculaire | Muscle squelettique | 24 |
Fst/Fstl-1 | Hypertrophie musculaire et fonction endothéliale | Muscle squelettique et endothélium | 11 |
SPARC | Anti-tumeur et métabolisme du glucose | Colon et muscle squelettique | 25, 26 |
Parmi celles-ci, certaines régulent les fonctions métaboliques du muscle lui-même et d’autres organes.
A ce propos, l’interleukine-6 (IL-6) est une protéine sécrétrice bien connue dont la concentration augmente à la suite d’un exercice (27).
L’IL-6 peut agir localement durant la contraction musculaire de manière paracrine ou relâchée dans la circulation sanguine où elle va pouvoir augmenter sa concentration d’un facteur 100 et agir de façon systémique (2,3).
Bien que son élévation dans le sang soit controversée, des études supportent le fait que l’IL-6 peut améliorer la sensibilité à l’insuline en réponse à l’exercice (4).
D’ailleurs, des précédentes études ont observé que l’injection d’IL-6 stimulé le métabolisme lipidique dans le muscle squelettique chez des sujets en bonne santé (5,6) et ayant le diabète de type 2 (6/7).
Également, l’IL-6 musculaire a été suggérée comme jouant un rôle dans l’augmentation de la lipolyse dans les tissus adipeux à travers un mécanisme endocrine et dans la sécrétion de l’insuline par sa capacité à stimuler le glucagon-like peptide-1 (3, 7, 28).
En plus de l’IL-6, d’autres myokines (i.e., IL-15, FGF-21, BDNF) ont montré un effet sur l’augmentation de l’oxydation des lipides et du captage du glucose dans le muscle squelettique (15,16,12,13,17).
Également, des récentes études ont observé que l’expression du PGC-1a dans le muscle stimule la sécrétion de plusieurs facteurs bioactifs (i.e., irisin, BAIBA et Metrnl) qui agissent sur le tissu adipeux blanc par l’élévation du métabolisme qu’ils peuvent induire durant l’exercice (18,19,20).
Enfin, l’élévation de certaines protéines lors de l’exercice telles que LIF, Fstl-1 ou encore l’IGF-1 contribuent à l’hypertrophie musculaire par des effets autocrine et paracrine (21, 22, 24, 11, 14).
Une autre fonction des myokines et plus particulièrement de l’IL-6 sont leur effet anti-inflammatoire (27).
En effet, l’IL-6 peut augmenter le niveau de facteurs anti-inflammatoire (e.g., IL-10, IL-1, CRP dans les neutrophiles et le foie) et diminuer certaines cytokines inflammatoires comme le TNF-a par exemple (9, 29, 10).
Paradoxalement, l’IL-6 est reconnue comme étant une cytokine pro-inflammatoire qui, lors d’une sévère infection peut être augmentée d’un facteur 10 000. A titre de comparaison, lors d’une inflammation chronique de bas grade (i.e., obésité, mauvaise alimentation, sédentarité) l’IL-6 est augmentée d’un facteur 10.
Dès lors, il est important de différencier l’élévation aigue de l’IL-6 lors de l’exercice qui permet des bénéfices importants sur la santé et l’élévation chronique qui indique un état pathologique et inflammatoire.
Approche pour identifier des nouvelles myokines
Plusieurs études ont suggéré que la plupart des protéines sécrétées par les muscles n’avaient toujours pas été identifiées puisque le sécrétome des cellules musculaires humaines contiennent plus de 300 protéines différentes (30).
De plus, il a été démontré que les myocytes pouvaient sécréter des protéines durant leur différenciation (31, 32).
Dès lors, afin d’étendre la recherche sur ce sujet, une équipe de chercheurs a comparé le transcriptome musculaire de plusieurs souris sédentaires et actives.
En cela, ils ont mis en évidence près de 380 gènes up-régulés chez les souris actives dont un en particulier nommé le SPARC (25).
D’ailleurs, l’expression de la protéine SPARC est augmentée significativement chez les humains après un exercice de 30 min à 70% VO2max pendant une période de 6 heures après (voir figure ci-dessous) (25).
SPARC : la protéine qui prévient le cancer
Plusieurs études épidémiologiques ont mis en évidence une relation entre le niveau individuel d’activité physique et l’incidence du cancer en Europe, aux USA et aux Japon.
En cela, un consensus général est ressorti mettant en avant que l’activité physique pouvait prévenir le cancer du colon, du sein, de l’utérus, du pancréas et des poumons (33, 34, 35, 36, 37, 38, 39)
De plus, une revue de plusieurs études épidémiologiques réalisée par The World Cancer Research Fund et l’United States Cancer Research ont mis en évidence que l’activité physique était le seul changement du mode de vie pouvant réduire le risque individuel du cancer du colon (40).
Malgré le fait que les mécanismes exactes sous-jacents à ces effets préventifs demeurent peu claires, plusieurs mécanismes potentiels tels que l’activation du système immunitaire, du statut immunitaire, anti-inflammatoire ainsi que l’amélioration de la sensibilité à l’insuline ont été suggérés (41, 42, 43, 44, 45, 46).
A ce propos, la protéine SPARC susmentionnée, est impliquée dans le développement, le remodelage et la réparation des tissus à travers la modulation cellule à cellule et les interactions avec la matrice cellulaire (47, 48, 49).
De plus, il a été reporté que SPARC peut réguler l’angiogenèse, la production de collagène, l’inhibition de l’adipogénèse et dispose de plusieurs effets anti-tumeur (50, 51, 52, 53, 54, 55, 56)
D’ailleurs, des précédentes études in vivo ont relaté qu’un manque de SPARC augmente significativement les tumeurs pancréatique et ovarienne (55, 56).
En addition, la présence de SPARC dans des lignées cellulaires cancéreuse réduit leur prolifération (64, 65) et la modulation de son expression affecte la sensibilité des tumeurs du colon aux radiations et aux chimiothérapies (57, 58, 59).
Fait intéressant, une étude clinique a mis en exergue que la survie 5 ans après un cancer des patients exprimant la protéine SPARC dans leurs tumeurs était significativement plus élevée que ceux ayant des tumeurs n’exprimant pas SPARC (60).
Enfin, plusieurs chercheurs ont mis en évidence que SPARC fonctionnait comme un suppresseur de tumeur (dans le cadre du cancer du colon) à travers des expérimentations réalisées sur des souris et des lignés cellulaires (55, 56, 61, 57), voir figure ci-dessous.
Ci-dessous nous pouvons observer une illustration schématique du rôle de la myokine SPARC.
L’activité physique accélère la sécrétion de SPARC par la contraction musculaire. SPARC va alors sécréter la caspase-8 et la caspase-3 tout en inhibant la prolifération (grâce à un effet apoptotique) des cellules précurseurs du cancer du côlon.
Enfin, il est suggéré que la prévention du cancer du côlon induite par une activité physique régulière est directement et indirectement induite par la sécrétion musculaire de la protéine SPARC.
Perspective
Comme mentionné précédemment l’exercice permet de libérer plusieurs facteurs métabolique du muscle squelettique dans la circulation. Par exemple, le niveau de lactate généré par les glucides via le métabolisme glycolytique est basé sur l’intensité de l’exercice.
Une fois dans la circulation sanguine, le lactate est amené dans différents tissus et utilisé comme substrat par le métabolisme aérobique ou la néoglucogénèse.
Plus tard, les études s’intéressant à la biogénèse mitochondriale et au substrat énergétique dans le cerveau ont suggéré que le lactate ainsi que divers acides aminés, ions et l’ammoniac pourraient être reconsidérés comme des facteurs endocriniens bioactifs (62,63).
De plus, des microARNs peuvent être sécrétés par les muscles dans la circulation et fonctionner d’une manière endocrine en étant pris à l’intérieur de vésicules cellulaire (e.g., exosomes) et relâchés dans la circulation sans être dégradés (64).
D’ailleurs, ces microARNs peuvent bouger de cellules en cellules et agir sur la régulation de certains gènes (65, 66, 67, 68).
Dans le futur, d’autres facteurs bioactifs sécrétés par les muscles seront identifiés permettant une compréhension plus précise des effets de l’exercice sur l’amélioration des performances physiques et la prévention de certaines maladies.
Conclusion
Pour conclure, nous avons vu à travers cet article le rôle fondamental des myokines et autres facteurs bioactifs sécrétés par le muscle squelettique lors de l’exercice.
En effet, il est maintenant avéré que ces protéines sont en grande partie responsables des bénéfices de l’activité physique et ce, sur plusieurs niveaux.
Ainsi, il est à espérer que la recherche scientifique sur le sujet témoignera dans les années à venir de grandes avancés autour de la prévention des maladies.
Axel NIERDING
Pour approfondir
Physiologie du sport et de l’exercice
Ce livre de renommée, écrit par trois auteurs éminents des États-Unis, explore les fondements de la physiologie de l’exercice, offrant une introduction au domaine de la physiologie musculaire liée à l’activité physique.
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Excellent article !
Cela va pouvoir illustrer mes conférences en santé publique qur l’intérêt de l’activité physique!
Merci!
Avez vous une newsletter?
Bonjour,
Merci beaucoup pour vos mots.
Pas de newsletter actuellement, je l’avais retirée car je n’avais pas suffisamment de temps pour en faire une périodique et de qualité.
Bien à vous,
Axel